TK-Bremen, remarques et questions de bon sens

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Au sujet du navire, il note que « le TK-Bremen est un cargo destiné au transport de marchandises diverses, en colis ou en vrac ». Il est âgé d’une trentaine d’années, mais n’a jamais été retenu pour défaillance technique au titre du contrôle par l’État du port. Par ailleurs, il est classé par une société de classification de classe internationale. Précisons qu’il y a des navires de trente ans en parfait état, et des navires beaucoup plus récents qui ne le sont guère.

Il bat pavillon maltais, pavillon de complaisance ou de libre immatriculation, mais Malte est entré dans l’Union européenne. Il a fait escale à Lorient pour y décharger sa cargaison, puis, est reparti sur ballast, c’est-à-dire à vide, avec seulement de l’eau de lest dans ses doubles fonds, et le fuel destiné à sa propulsion. En l’absence de constat de défaillance au titre des contrôles par l’État du port, il a normalement appareillé, pilote à bord, pour son prochain port d’escale. Il avait connaissance des prévisions météorologiques, mais on n’a jamais vu un « navire de mer » tenu pour autant de rester au port, fut-il un fluvio-maritime, n’en déplaise à quiconque, sauf à y demeurer en attendant l’embellie qui ne peut alors être que ponctuelle, et momentanée. À noter le cas particulier des ports en zone tropicale où, à l’approche d’une forte dépression, cyclone ou typhon, l’autorité portuaire enjoint aux navires de sortir en mer pour y prendre la cape.

Cela étant, outre les obligations liées à l’horaire, il est bien évident que les droits de port ne sont pas étrangers au fait que les navires quittent les ports le vendredi soir et n’y entrent que le lundi matin, sauf circonstances exceptionnelles, liées alors à la manutention.

De là à édicter des interdictions d’appareillage, qui devraient alors être codifiées au niveau international, il y a loin.

Confronté peu après sa sortie du port, et en route vers sa nouvelle destination, par la dégradation météorologique, le navire a cherché un abri, ainsi qu’il l’aurait fait en route entre ses ports de départ et de destination et d’arrivée, sans escale à Lorient. Ceci relève d’une bonne pratique.

Des questions à se poser

Mais, c’est là que les questions commencent.

Le mouillage était-il bien positionné compte tenu des conditions météorologiques sur zone? Combien de chaînes et de maillons avaient été utilisés?

Pourquoi le mouillage avait-il dérapé? Quel était l’état du guindeau?Pourquoi la machine n’était-t-elle pas parée à manœuvrer, comme cela aurait dû être le cas? La pollution par les hydrocarbures se limite à la soute crevée par une roche se trouvant sur la route de dérive du cargo peu avant son échouement.

La pollution visuelle devrait pouvoir se résoudre par la remise à l’eau du navire, ainsi que cela s’est fait à plusieurs reprises, la « déconstruction » par découpage pouvant s’avérer longue et polluante pour le site.

L’armateur aurait demandé l’assistance de Smit Tak, « une des plus grandes entreprises en la matière ».

Enquête « confiée » au BEAmer

Le 19, le BEAmer a fait exceptionnellement savoir que « dès vendredi 16 décembre au matin, la ministre de l’Écologie […] et des Transports a ouvert une enquête technique et administrative sur l’échouement du TK-Bremen. L’enquête a été confiée au BEAmer et menée avec son homologue maltais (dans les conditions du code de l’OMI et de la directive européenne). L’équipe d’enquête du BEAmer s’était rendue sur les lieux de l’échouement dès le matin même ».

L’article 14 du décret 2004-85 précise que « l’ouverture d’une enquête est décidée par le ministre chargé de la mer, à son initiative ou sur proposition du directeur du BEAmer ». Il est donc parfaitement en droit de s’autosaisir, comme dans la majorité des cas.

Fermeture de port et mauvais temps

La fermeture d’un port pour cause de violente tempête n’est pas envisagée expressément par les textes. Toutefois, le règlement général de police des ports maritimes de commerce et de pêche prévoit que le personnel de la capitainerie peut interdire le départ ou l’entrée d’un navire lorsqu’il est susceptible de causer des dommages aux installations portuaires, qu’il ne paraît pas en l’état de prendre la mer, ou qu’il est susceptible de porter atteinte à l’environnement. Je pense qu’il faut retenir l’esprit du texte qui tend à protéger les ouvrages portuaires, éviter les naufrages et la pollution qui en résulterait.

Si le gestionnaire d’un port a pour mission d’en protéger les ouvrages et leur exploitation, ainsi que les intérêts de la communauté portuaire, rien ne lui interdit de se concerter avec le Préfet maritime chargé de la police la navigation maritime afin qu’une décision conjointe soit prise pour le maintien d’un navire dans le port, et ce, au nom de la sécurité maritime et de la protection de l’environnement marin. Comme le rappelle la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. La liberté du capitaine d’un navire ou d’un armateur ne saurait aller à l’encontre de l’intérêt général (ex: la protection de l’environnement). La difficulté réside dans la conciliation des intérêts en présence.

Robert Rézenthel, docteur en droit chargé de cours à l’Université de Lille-II

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