Dans la somptueuse salle de l’assemblée générale du Conseil d’État, une centaine de participants se sont pressés le 2 décembre pour entendre à nouveau ce qui fait plus ou moins plaisir. Jean-Marc Sauvé, président de l’IFSA et vice-président du Conseil d’État, a constaté que, d’un point de vue historique, l’action de l’État en mer est caractérisée par son intermittence. Mais la grande année de gloire remonte à 1976 lorsque la France se dote d’une zone économique exclusive de 200 miles, devenant ainsi une « puissance maritime » affirme-t-on de façon récurrente, sans tenir nécessairement compte de la pertinence des moyens disponibles pour affirmer cette puissance, ainsi que le faisait souvent remarquer l’ancien chef d’État-major de la Marine. Yves Perrot, président de l’Ifremer, a terminé sa présentation sur les « écueils » qui se trouvent sur la route de son institut: comment concilier le maintien des capacités d’expertise publique et la recherche à long terme quand les nombreux ministères de tutelle et d’influence ont des objectifs et des méthodes d’évaluation divergents?
Le vice-amiral d’escadre (2s) Yves Lagane, président de la SNSM, a exprimé sa crainte que le formalisme des agréments ministériels nécessaires pour former les personnels finisse par décourager les bonnes volontés. Dans un autre registre, Yves Lagane veut « exciter la population au bien ».
Ne baissons pas la garde
« Nous ne sommes pas à l’abri [d’une catastrophe]. Jamais. Deepwater Horizon l’a rappelé au gouvernement américain en 2010. Ne baissons pas la garde », a demandé Gilbert Le Lann, directeur du Cedre. La sécurité a un « coût certain pour l’État qui est très inférieur à celui d’un accident », a-t-il ajouté en illustrant son propos par deux chiffres: le déversement accidentel de 500 t de fuel lourd de la raffinerie de Donges a coûté 50 M€. Il aurait pu également rappeler que le fortement du porte-conteneurs Cosco-Busan contre la pile du pont de San Francisco en novembre 2007 a entraîné la perte de 220 m3 de fioul lourd. Les frais de dépollution ont dépassé les 70 M$ sur un total de 73,5 M$ de dommages.
Le commissaire général de la Marine, Jean-Loup Velut, a souligné le changement de gouvernance qui s’est mis en place à la suite du Grenelle de la mer: la « quasi-monarchie maritime du préfet maritime » a laissé la place à une sorte de « dicharchie littorale » avec la mise en œuvre des « conseils maritimes de façade », coprésidés par le préfet de Région et le préfet maritime. Il n’y a plus qu’en haute mer que ce dernier décide seul des affaires civiles et militaires.
La fonction garde-côte, un modèle pour la Méditerranée?
Lors de l’une de ses dernières interventions en tant que secrétaire général de la mer, Jean-François Tallec a rappelé tout le bien qu’il faut penser de la fonction garde-côte « à la française ». Mêmes les pouvoirs publics américains s’y intéressent car il n’existe pas de structure de coordination entre l’US Navy et l’US CoastGard. L’année prochaine sera organisé à la demande de la Commission européenne un colloque sur la fonction garde-côte afin de susciter sa mise en œuvre en Méditerranée, a expliqué Jean-François Tallec.
Le SG mer ne fait pas que « coordonner ». Ses fonctions sont bien plus étendues ainsi que le prévoit son décret d’attributions: il prépare les délibérations du CIM, il anime et coordonne les travaux d’élaboration de la politique du gouvernement en matière maritime, il exerce une mission de contrôle, d’évaluation et de prospective en matière de politique maritime, « sous l’autorité directe du Premier ministre, en liaisons avec les ministres compétents, il anime et coordonne les travaux d’élaboration des politiques conduites au titre de la fonction garde-côtes, il établit un schéma directeur des moyens, révisé annuellement, permettant d’atteindre les objectifs fixés par la politique maritime ».
En termes moins diplomatiques, il tente de faire en sorte que toutes les administrations participant à l’action de l’État en mer travaillent en optimisant les ressources financières mises à leur disposition par le contribuable et non pas pour augmenter leurs moyens propres. Pour coopérer (efficacement) au niveau international, il faut parler d’une seule voix, cela fait également partie de la fonction garde-côte. Malgré son nom, la fonction garde-côte ne se limite pas au littoral, a souligné Jean-François Tallec.
Ces affirmations fortes gagneraient en crédibilité si elles étaient plus perceptibles sur le terrain. Lors du Salon nautique, le visiteur a pu suivre un « parcours découverte en passant dans les stands des différents protagonistes de l’AEM » ainsi que l’écrit la Marine nationale. Pas moins de cinq stands: celui du ministère du Développement durable, de l’Ifremer, de la Marine nationale, des Douanes et de la SNSM. Un stand animé par le simulateur de navigation à trois grands écrans plats y étant sans doute pour quelque chose.