La réponse étatique à la piraterie

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« La protection du trafic maritime et des voies de communication est en enjeu primordial pour la plupart des pays. Si les pays européens se soucient depuis longtemps de la protection de ces voies, les puissances émergentes asiatiques ne s’y intéressent que depuis plus récemment », a commencé Gérard Abitbol, doyen des présidents d’honneur de l’Union des avocats européens. La croissance des actes de piraterie incite les pays à encadrer juridiquement ce phénomène. En France, la loi du 5 janvier retranscrit en droit interne la convention de Montego Bay. Selon Jacques Dallest, procureur de la République près du tribunal de grande instance de Marseille, cette loi permet une répression de la piraterie facilitée et un renforcement des garanties des pirates. Ce texte reconnaît aux juridictions françaises une compétence pour juger des actes de piraterie commis hors de France. Aux termes de la loi française, les juridictions françaises sont compétentes dès lors que les personnes soupçonnées de tels actes « sont appréhendées par des agents français [OPJ, commandants de navires ou officiers embarqués et habilités] et, continue le procureur de la République, en l’absence de toute souveraineté étrangère revendiquée et à défaut d’entente avec un autre État susceptible de retenir sa compétence ». Ces personnes seront jugées auprès des TGI ou des juridictions interrégionales spécialisées. La loi du 5 janvier prévoit les peines et des circonstances aggravantes. « Elle instaure donc un cadre clair pour les opérations de lutte contre la piraterie et conforme aux exigences du procès équitable », a continué Gérard Abitbol.

En France, la loi du 5 janvier réglemente la piraterie

Ce qui se fait en France depuis janvier l’est en Espagne depuis juillet 2010. Augustin Cruz Nunez, avocat au barreau de Barcelone, a exposé l’état du droit espagnol face à la piraterie. « La piraterie est revenue dans le droit pénal espagnol après quinze ans d’absence », a commencé l’avocat barcelonais. La loi du 22 juillet 2010 a créé un nouveau chapitre sur le délit de piraterie. Au travers de deux articles de ce code pénal, l’État espagnol punit toute personne qui s’en prend directement à un navire, ses occupants ou encore sa marchandise. Cette loi est, cependant, moins affirmative sur la compétence des tribunaux espagnols. Les actes de piraterie qui pourront être jugés par les tribunaux de la péninsule ibérique doivent être commis soit dans les eaux intérieures, soit par un navire espagnol ou contre un navire arborant pavillon espagnol, ou faire des victimes de nationalité espagnole. Dans le cas d’actes commis en haute mer, la compétence revient, selon la loi espagnole, au pays du pavillon du navire qui a arrêté les pirates. Enfin, concernant les arrestations dans le cadre de la mission Atalante, la loi espagnole donne compétence aux tribunaux du pays du navire qui a arrêté les pirates et, « subsidiairement, l’État ayant un intérêt à l’exercer (échanges de notes avec le Kenya et la République des Seychelles, approuvées par l’Espagne) ». En fait, l’Espagne se décharge de sa compétence vers le Kenya et les Seychelles. Augustin Cruz Nunez a été plus loin et propose une réforme du code pénal. Face au temps nécessaire entre le moment de l’arrestation et celui ou un État décide d’accepter l’accusation, l’avocat barcelonais propose une nouvelle réglementation du droit des détenus pour éviter les abus et accélérer la mise à disposition du juge central d’instruction pour décider de la compétence des tribunaux espagnols.

Impliquer les pays de la région

Patricia Bardet, présidente du Propeller Club de Marseille, est venue expliquer la situation de la Grèce. En raison de son poids dans la marine marchande mondiale et européenne, la Grèce se doit de jouer un rôle dans la lutte contre la piraterie. « La Grèce, berceau de la démocratie, a toujours accordé une grande importance aux droits humains et aux libertés individuelles. Dans cette optique, elle fournit régulièrement des rapports aux divers comités internationaux concernés par cet aspect à la fois philosophique et juridique des droits de l’Homme », a déclaré Patricia Bardet. Sans entrer dans le cadre juridique grec, la présidente du Propeller Club de Marseille a rappelé l’implication du gouvernement hellénique pour éradiquer la piraterie en fournissant des navires aux opérations Atalante. La Grèce est à l’origine, a rappelé Patricia Bardet, de la création d’un groupe pour examiner la coordination et l’aide à l’infrastructure sécurisée, les aspects relatifs aux sanctions, l’auto-protection des navires et la stratégie de communication.

Enfin, Jean-Pierre Spitzer, avocat à la cour d’appel de Paris, a apporté une analyse sur les moyens déployés au niveau de l’Union européenne. Il a rappelé le coût de l’opération Atalante estimé aux environs de 300 M€ par an. « Dans une période où les budgets que les États membres destinent à la défense diminuent, il n’est pas envisageable de continuer à soutenir ces coûts. » Si Atalante remporte un succès, selon l’avocat, l’efficacité de la lutte contre la piraterie se joue surtout au niveau du jugement des pirates. « L’implication des pays de la région est indispensable », indique Jean-Pierre Spitzer. Une intervention, car « aucun cadre juridique communautaire n’existe et que, en dehors des règles de droit international classiques, seuls les droits nationaux peuvent être appliqués ». En Europe, cinq États ont compétence universelle pour juger des pirates (Allemagne, Suède, Finlande, Pays-Bas et Espagne). Les autres, dont la France, doivent avoir un intérêt à le faire. « L’Union européenne a donc logiquement choisi de soutenir les États de la région afin qu’ils puissent juger eux-mêmes les pirates arrêtés », a continué l’avocat parisien. Pour ce faire, elle a dégagé un budget, d’autant plus que le Kenya absorbe la majorité de ces détenus.

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