Collision mortelle: soyez concentré

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Le BEAmer a diffusé le 18 octobre son rapport d’enquête sur les causes de la collision entre un caseyeur en pêche de 9,30 m en aluminium et un catamaran perce-vague de 86 m lancé à 36,9 nœuds le 28 mars à 4,2 milles environ dans le 111o de la Maîtresse, Île des Minquiers. Le patron du bateau de pêche est mort. Les deux matelots qui l’accompagnaient ont eu beaucoup de chance car ils ne portaient aucun équipement de flottabilité. C’est un passager du Condor-Vitesse qui a signalé, un quart d’heure après l’impact, qu’il avait vu « une forme ressemblant à un navire de pêche ». Vent nul, mer calme mais bancs de brouillard épais sur la zone. Toutes les données radars et conversations à la passerelle ont été enregistrées par la boîte noire. Les conditions météorologiques ont constitué un « premier facteur déterminant » de l’accident, estime le BEAmer, mais « aucun défaut matériel à bord du navire abordeur ne peut être retenu ». En matière de facteurs humains, cet accident pourrait faire date et donner lieu à des recherches. La non-utilisation d’une corne de brume par le caseyeur « n’a probablement pas constitué un facteur contributif de la collision », car l’équipe de quart à la passerelle du navire rapide est isolée des bruits extérieurs. « L’absence de veille radar permanente » de la part du caseyeur en opération de filage constitue un « facteur sous-jacent de la collision ». Le « défaut d’attention » de la part du commandant et du second capitaine français de quart à bord du Condor-Vitesse « constitue le second facteur déterminant de la collision ». Le BEAmer détaille: « L’ambiance à la passerelle n’est pas en adéquation avec les conditions particulières de navigation d’un navire à passagers, lancé à grande vitesse par visibilité quasi nulle. » Depuis la sortie du chenal, « les conversations sont continues entre les hommes de quart. La plupart des échanges ne concernent quasiment que des sujets sans lien avec la tenue du quart, nuisant ainsi à la concentration de l’équipe de conduite. On constate ainsi que le second capitaine n’annonce ni ne pointe aucun écho radar ». Or, compte tenu du réglage de son radar, c’est lui qui « aurait dû détecter l’écho du caseyeur avec un préavis de plus de dix minutes. […] La surprise manifestée après la collision par les deux officiers pont conforte ces constats ». Le Condor-Vitesse avait 194 passagers et un équipage de 27 personnes. Il était sous pilote automatique depuis 29 mn au moment de la collision, à 8 h 42. La « qualité » des conversations avant et après la collision est illustrée par l’annexe C du rapport.

Rappels et recommandations

Pour conclure, le BEAmer rappelle:

– aux officiers et homme de quart « qu’ils doivent appliquer les règles de la convention Colreg 72, notamment celles relatives à la conduite des navires par visibilité réduite (vitesse de sécurité) »;

– à tous les marins ayant la responsabilité de quart « que la notion de navire privilégié ne s’applique pas tant que les navires ne sont pas identifiés selon leur type et leur activité ».

Le BEAmer recommande:

– à l’armateur du Condor-Vitesse « de veiller à la bonne application des procédures ISM et des consignes internes à la compagnie »;

– aux organismes chargés de la réglementation « de réfléchir à la mise en place, en ce qui concerne les navires à grande vitesse, d’un concept de “timonerie stérile” comparable à celui qui est déjà en vigueur dans l’aéronautique, limitant les échanges dans des circonstances particulières de navigation et notamment par visibilité réduite et en chenalage ».

Les mesures prises par Condor

Le 15 août, la liste des six mesures prises par Condor était transmise au BEAmer. Le capitaine et le second ont été relevés des tâches opérationnelles et placés en congés dans l’attente du résultat des enquêtes. Une enquête interne a établi que les procédures en vigueur à la suite du rapport d’enquête du MAIB de 2003 relatif à la collision entre le Diamant et le Northern-Merchant sont toujours appropriées. Il a été décidé de procéder depuis le 17 mai à des revues « aléatoires » d’enregistrement ECDIS/VDR (système électronique de visualisation des cartes et d’information/boîtes noires) avec résumé écrit en présence des officiers concernés.

Le cockpit stérile dans l’aéronautique

Grâce aux enregistreurs de vol, il est possible de réécouter les conversations tenues dans les cockpits d’avions de ligne quelques minutes avant leur accident. Devant la « pertinence » des échanges entre le pilote et le copilote, voire avec le personnel de cabine, le National Transportation Safety Board américain s’est « agacé ». En 1981, le Federal Aviation Administration a exigé que durant les phases critiques du vol, les conversations soient limitées à l’essentiel.

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