« La Bretagne est un territoire majeur de production, mais située en marge des principales aires de consommation et des grands corridors d’échanges », a résumé Gérard Lahellec, vice-président de la Région. D’où la complexité de son système logistique, aujourd’hui en pleine mutation. Que ce soit en termes de route, de rail ou de mer, ces Rencontres de la logistique en Bretagne ont permis de faire le point sur les enjeux et les besoins des chargeurs, des transporteurs dans une Région qualifiée d’« île continentale ». Mais si les constats font l’unanimité, les solutions proposées restent diverses. « Les Bretons sont conscients de la nécessité de mutualiser les moyens, a fait valoir Hervé Le Jeune, délégué du Medef. Mais il y a autant de projets que d’élus! Faisons d’abord un état des lieux. » Ce à quoi le secrétaire général de la Sica, Jean-François Jacob, a rétorqué: « Nous n’avions vocation ni à faire naviguer des navires ni à faire rouler des trains. C’est par carence que nous avons fondé Brittany Ferries et mis en place Combiwest, des structures maritimes et ferroviaires destinées à mieux exporter notre production agricole. » Une carence confirmée par un intervenant pour qui « il n’y a jamais eu de politique logistique maritime et ferroviaire en France ».
Tout au long des riches débats qui ont émaillé cette journée, les points de vue se sont croisés. On a ainsi beaucoup parlé de la massification des flux pour les gros chargeurs et de leur mutualisation pour les petits. Mais pour certains, vu l’atomisation des PME bretonnes, il n’y a pas de massification sans mutualisation. Pas de doute pour un intervenant: « Il faut un Hub aux frontières de la Bretagne et une capillarité fine pour aller chercher la production dans chaque recoin de la Région. » La nécessité d’une politique multilots-multiclients a également été évoquée.
« Pas de porcs loin des ports »
« Je pensais qu’il y avait un sujet de logistique en Bretagne, a commenté Gérard Lahellec. Mais il y en a plusieurs. Et ça renforce ma conviction qu’il faut faire quelque chose en dépit des sujets de division. » Dans cette partie de « qui fait quoi? », les avis divergent. Sur le fret ferroviaire, plusieurs projets sont ainsi à l’ordre du jour, impliquant des acteurs publics et privés. Ce qui pose bien évidemment la question de la gouvernance et du partage des risques sur la durée. « Il faut une gouvernance mixte », a prôné Gérard Lahellec, affirmant ainsi le rôle moteur de la Région.
Dans ces échanges, le maritime a pris toute sa place. Rappelant l’ouverture de la ligne ferroviaire Le Havre-Ludwigshafen destinée à élargir l’hinterland havrais, la SNCF s’est dite prête à étudier, avec les collectivités territoriales, la faisabilité de lignes similaires. « Si Brest est candidate à une autoroute de la mer, nous sommes prêts à envisager une ligne ferroviaire pour transporter les marchandises. » L’Association des fabricants d’aliments du bétail (Afab) a, quant à elle, souligné « une vraie problématique portuaire visant à récréer une dynamique collective bretonne pour une agriculture durable ». Brandissant le slogan « pas de porcs loin des ports », l’Afab a appelé de ses vœux l’accueil sans restriction des navires, la limitation de leur immobilisation, l’accroissement de l’efficacité sur les ports et l’amélioration du stockage et du post-acheminement.
Un port de Bretagne numérique
Pivot logistique pour l’agroalimentaire, la Bretagne a déjà réalisé 90 M€ d’investissements dans ses trois ports de Brest, Lorient et Saint-Malo. Encore en phase d’études, le projet Brest 2020 doit accompagner le développement de l’activité conteneurs et des autoroutes de la mer qui nécessitent des quais dédiés et de nouveaux terre-pleins. Achevés en juillet 2010, les travaux sur le port de Lorient permettront d’accueillir des navires de plus grande capacité et donc de diminuer les coûts du transport. Et de nouveaux investissements sont déjà à l’étude pour répondre aux besoins de la filière. À Saint-Malo, le nouveau quai Charcot accompagnera le développement d’une industrie vitale pour l’agriculture bretonne.
Mais les trois ports sont également au centre d’un projet d’innovation et de modernisation des services offerts aux marchandises. « Déclinaison logistique de la stratégie portuaire, le port de Bretagne numérique doit permettre d’optimiser l’organisation et la rapidité du traitement de la marchandise dans les ports régionaux, a annoncé le président de Région, Jean-Yves Le Drian. Première étape vers la constitution d’un système d’informatique intégré, le logiciel de gestion des escales a su mobiliser les trois communautés portuaires autour du futur projet de Cargo Community System qui va doter nos ports des mêmes moyens modernes que ceux des grands ports maritimes. »