Un arrêt du Conseil d’État du 23 décembre est venu apporter un éclairage sur la disposition de l’article 262-II-2o du code général des impôts (CGI) qui exonère de TVA les opérations de livraison, de réparation, de transformation, d’entretien, d’affrètement et de location portant sur les navires de sauvetage et d’assistance en mer. La juridiction a été saisie pour déterminer les critères de qualification de navire de sauvetage ou d’assistance pour bénéficier de l’exonération de la TVA.
À l’origine de cette décision, les faits portent sur des navires mis à disposition du préfet maritime pour des missions diverses. En effet, la société requérante affrétait pour les besoins de la Marine nationale deux navires placés sous l’autorité du préfet maritime de l’Atlantique. Ce dernier peut en disposer pour toute mission d’assistance et de sauvetage en mer.
Néanmoins, l’instruction du dossier a révélé que ces navires assurent aussi des missions de mouillage, de repêchage de mines, de torpilles, d’entraînement de commandos et des missions hydrographiques et océanographiques. Les missions de sauvetage et d’assistance en mer, seules éligibles au bénéfice de l’exonération de TVA, n’ont représenté en définitive que trois jours pour l’un des navires et cinq jours pour le second. Après avoir relevé que les deux navires ne pouvaient être qualifiés d’unités de sauvetage et d’assistance en mer, le conseil d’État en a conclu que la société aurait dû soumettre à la TVA les facturations relatives à l’affrètement des navires au bénéfice de la Marine nationale.
Les critères utilisés par le Conseil d’État
Dans ces conditions, le Conseil d’État a dû se prononcer sur les critères de qualification des navires. Trois critères sont susceptibles d’être utilisés: la destination du navire, son affectation juridique ou les conditions de son utilisation effective.
Le Conseil d’État fait clairement prévaloir le critère de l’utilisation effective par rapport à celui de l’affectation juridique, et ce, bien que la sixième directive européenne qui prévoit le dispositif d’exonération de TVA vise « les navires de sauvetage et d’assistance » et non les navires affectés à cette activité. Le Conseil d’État n’exige pas que le navire soit utilisé à titre exclusif à des opérations de sauvetage et d’assistance pour bénéficier de l’exonération de TVA. Dans ce cas particulier, si l’utilisation des navires à des opérations de sauvetage avait été prépondérante par rapport à leur utilisation pour des navires de nature militaire, le Conseil d’État aurait sans doute fait droit à la demande de la société requérante.
Dans ces conditions, le bénéfice de l’exonération de TVA doit donc s’analyser au regard de l’utilisation effective des navires et non de leur affectation juridique. Néanmoins, une utilisation marginale à d’autres activités que celles qui ouvrent droit à cette exonération n’est pas de nature à créer un risque fiscal sous réserve que cette utilisation soit limitée. La méthodologie retenue par le Conseil d’État au cas particulier des navires de sauvetage et d’assistance en mer nous semble applicable aux autres types d’exonération dont peuvent bénéficier les autres types de navire (bateaux de pêche…).
Et les navires de commerce? À titre liminaire, les exonérations de TVA, en application de l’article 262-II-2o et 6o du CGI, sont limitées aux cas suivants:
– les opérations de livraison, de réparation, de transformation, d’entretien, d’affrètement et de location portant sur les navires de commerce maritime, les unités utilisées pour l’exercice d’une activité industrielle en haute mer, les navires affectés à la pêche professionnelle maritime, les navires de sauvetage et d’assistance en mer;
– les livraisons de biens destinés à l’avitaillement des unités décrites ci-dessus ainsi que les bâtiments de guerre. Dans un avis en date du 18 mars 2010, la Commission européenne a considéré que les exonérations visées ci-dessus ne respectent pas les dispositions de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. En effet, ce texte exonère de TVA plus précisément les livraisons de biens destinés à l’avitaillement des navires assurant un trafic rémunéré de voyageurs ou à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou de pêche (…). Afin de se mettre en conformité avec le droit communautaire, la loi de Finances rectificative a adapté la rédaction du II de l’article 262 du CGI. L’exonération de TVA est désormais limitée aux opérations de livraison, de réparation, de transformation, d’entretien, d’affrètement et de location portant sur les navires de commerce maritime « affectés à la navigation en haute mer ». En outre, sont exclues de l’exonération de TVA « les provisions de bord destinées aux navires affectés à la petite pêche côtière ». Ces dispositions sont entrées en vigueur le 31 décembre 2010. La modification du texte de l’article 262-II du CGI doit être considérée comme une adaptation sémantique du dispositif d’exonération en vue de mettre le droit fiscal français en cohérence avec le dispositif de la directive européenne. L’ajout de la précision « en haute mer » ne devrait pas créer de conséquences pratiques dans la majeure partie des situations. Il conviendra bien sûr d’analyser chaque situation au cas par cas;
– l’exonération d’impôt sur le revenu pour les marins (CE 17 Déc 2010, no 328110). L’article 81-A-I du CGI prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu les salariés détachés à l’étranger lorsqu’ils exercent une activité salariée pendant une durée supérieure à 183 jours au cours d’une période de douze mois consécutifs, notamment dans le domaine de la navigation à bord de navires immatriculés au registre international français. La question soumise au Conseil d’État était de déterminer si la période passée à bord par le salarié alors que le navire est encore à quai dans un port français mais ne navigue pas doit être comptabilisée dans le calcul du seuil de 183 jours mentionnés à l’article 81-A-I du CGI. Le Conseil d’État confirme l’interprétation littérale du texte légal défendu par l’Administration qui mentionne les jours de « navigation » et non les jours d’embarquement. De ce fait, les marins, ingénieurs et techniciens embarqués à bord de navires immatriculés au registre international français à quai dans les ports français ne peuvent pas être regardés comme se trouvant à l’étranger pour l’application de l’exonération prévu à l’article 81-A-I du CGI.