Depuis l’annonce par le gouvernement de Londres de réaliser des économies en voulant retirer la flotte de remorqueurs des côtes britanniques, le monde maritime mène une véritable campagne pour empêcher l’application de cette décision. Après les opérateurs au travers de leurs organisations et les politiques, voire certains hommes politiques français, c’est au tour du cabinet d’avocats Holman Fenwick et Wilan de développer un argumentaire juridique pour s’opposer à cette décision et s’indigner. « La décision de ne pas renouveler le contrat pour la flotte des ETV (Emergency Towing Vessels) sans prévoir une solution alternative pour répondre à des situations d’urgence est extrêmement imprudente, est empreinte de vice de forme et certainement illégale, puisqu’elle est conduite uniquement par des considérations financières à court terme », indique le cabinet d’avocats. Bien plus, si un nouveau sinistre de l’ampleur de celui du Braer, de l’Érika ou du Sea-Empress devait survenir de nouveau, les coûts directs et indirects en découlant seront insignifiants par rapport au maintien de ces unités. Pour justifier sa décision, outre les considérations financières, deux éléments ont motivé le choix du gouvernement: le nombre réduit d’accidents survenus au cours des dernières années et le recours au secteur privé pour assurer cette mission. Les juristes reviennent sur ces deux conditions. S’agissant de la première, si le nombre d’incidents survenus au cours des dernières années s’est réduit, cela résulte notamment de la présence des remorqueurs dont le rôle est avant tout préventif, rappelle le cabinet Holman Fenwick et Wilan. « Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des sinistres potentiellement graves comme celui du MSC-Napoli. Sans l’assistance des deux remorqueurs français, les conséquences auraient pu être désastreuses. »
En s’appuyant sur ces chiffres, le gouvernement de Londres commet une erreur. « Notre expérience nous montre que les sinistres peuvent survenir dans n’importe quelle région du monde et à n’importe quel moment. Le retrait des gardes-côtes privera d’un outil de prévention essentiel. » Par ailleurs, avec la construction de navires de plus en plus grands, les risques augmentent proportionnellement.
LA COURSE AU GIGANTISME IMPLIQUE LA MODERNISATION DES MOYENS
Le second argument du gouvernement vise à redonner au secteur privé la gestion de ce service. La course au gigantisme des armateurs est un argument pour la modernisation des moyens de préventions britanniques, « une modernisation qui ne doit pas se matérialiser par un retrait total. Bien plus, l’augmentation de la taille des navires devrait plutôt aller vers une modernisation des moyens actuels. » La capacité de traction des unités actuelles permet de répondre aux risques encourus pour les navires actuellement en service. « Ces navires ne suffiront pas lors d’un sinistre majeur, mais ils sont les seuls actuellement disponibles le long des côtes britanniques. » Transférer au secteur privé ce service n’est pas réaliste, selon les juristes. « Les coûts d’entretien sont élevés pour des recettes basses, surtout en considérant le nombre peu fréquent de sinistres. Le recours au secteur privé n’est pas satisfaisant. »
Le cabinet d’avocats avance aussi des arguments politiques. Il prend pour exemple les autres pays européens qui maintiennent une flotte le long de leur côte. Pour les armateurs et les assureurs, les ETV sont une assurance et leur retrait pourrait faire basculer une partie de l’activité commerciale vers les ports du continent. Bien plus, en retirant cette flotte, le gouvernement britannique se met en défaut par rapport à la convention sur le droit de la mer de 1982. Une « illégalité » des textes internationaux mais aussi nationaux. Se référant à la jurisprudence britannique, « les considérations économiques ne peuvent justifier d’une décision sur un service public. » Pour le cabinet d’avocats, « nous regrettons de n’avoir jamais été saisi d’une demande d’introduction en justice d’une telle décision dont nous pensons qu’elle aurait de grandes chances d’aboutir ».