Blocus et lutte contre la piraterie maritime

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Le blocus est une des solutions proposées pour lutter contre la piraterie maritime persistante, notamment en Somalie. Le blocus intervient généralement en temps de guerre mais peut être mis en œuvre en temps de paix et consister alors en un blocus dit « pacifique ». La qualification de blocus a été retenue de façon de plus en plus extensive, cette notion s’approchant ou se confondant, parfois, avec celle d’embargo, de boycott, de blocage des avoirs d’un pays, dépassant ainsi une stricte orthodoxie juridique. Le blocus peut constituer en un très efficace moyen de pression.

Droit applicable

Outre les différents traités signés depuis le XIVe siècle, la première réglementation internationale majeure du blocus remonte à la déclaration de Paris du 16 avril 1856 dont l’article 4 prévoyait que « les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs ». Était ainsi exclu le blocus fictif ou dit « sur papier » ou « de cabinet », spécificité anglaise qui consistait à déclarer, par un simple ordre écrit, un état de blocus d’une côte, sans le mettre pratiquement en œuvre, en n’y affectant pas le ou les navires nécessaires. La dernière réglementation du blocus date de 1994 et du manuel de San Remo (4e partie, Sect. II) qui n’a qu’une valeur juridique indicative et non impérative. Le blocus est réglementé essentiellement en période de guerre (déclarée) mais peut être utilisé en temps de « paix » notamment par la communauté internationale à l’encontre d’un État (mise en œuvre contre la Libye). Le blocus pacifique, intervenant en dehors de l’état de guerre (déclarée), a été contesté, dans son principe même, mais a été reconnu comme licite notamment en cas de violation du droit international par un État ou en cas de violation des règles d’humanité. Plusieurs notifications sont prévues pour le blocus en temps de guerre, les conceptions anglaises et françaises en étant distinctes. Le blocus doit être notifié par voie diplomatique aux États neutres, et de façon générale par l’État bloquant via, au besoin, le commandant de sa flotte aux autorités locales maritimes et consulaires du port ou du littoral bloqué. La France a ajouté la nécessité d’une notification individuelle à chaque navire, obligation qui n’a pas été retenue par le droit international. Il est raisonnablement considéré que le blocus « pacifique » doit néanmoins être notifié. La notification du blocus serait, théoriquement, délicate à réaliser en Somalie, dont précisément les autorités locales peuvent être difficiles à identifier de façon parfaite.

Utilité contre la piraterie maritime « somalienne »

Le blocus contre la piraterie devrait s’appliquer à l’ensemble des côtes somaliennes et être progressif, tout en visant à s’approcher au plus près des côtes somaliennes. L’entrée dans les eaux territoriales pouvant, au besoin, être autorisée par l’ONU. Le pirate restant « l’ennemi commun du genre humain » (Cicéron, De Officiis) ou, de façon plus actuelle, l’un des ennemis de la communauté internationale, un blocus pacifique pourrait s’appliquer même si les conditions retenues jusqu’à présent n’en étaient pas parfaitement remplies; le droit international pouvant s’adapter à cette notion souple.

Le blocus de la Somalie est réclamé depuis plusieurs années, notamment par l’Union africaine qui parait a priori bien placée et disposer de tous les éléments lui permettant d’en apprécier l’utilité. Il peut sembler relativement surprenant que cette demande n’ait pas été acceptée jusqu’à présent. Les raisons économiques de cette position sont certaines mais, finalement, l’arrêt de la piraterie, en prévoyant la reconversion des pirates, constituerait également une économie importante.

L’actuelle présence sur zone de bâtiments de guerre de différents États intervient à la suite de plusieurs autorisations données, notamment par le Conseil de sécurité, l’Union européenne ou l’Otan et se rapproche de la notion de blocus, tout en n’en ayant pas tous les caractères. Il n’est prévu que partiellement la capture ou la destruction systématique des navires tentant de fuir ou d’échapper aux contrôles des flottes. De plus, en pratique, le filtrage des côtes n’est pas total et les navires pirates ou présumés tels se résignent à subir des contrôles plutôt que d’être capturés.

Ce blocus devrait être concentrique et axé sur les différents ports ou points de départ des pirates et également être filtrant en autorisant les entrées et sorties des pêcheurs somaliens et, bien entendu, des différents navires non hostiles dont ceux du PAM (Programme alimentaire mondial). Par son caractère évolutif, le blocus permettrait de s’adapter aux éventuels déplacements des pirates hors de leurs frontières.

L’attaque et la destruction des bases à terre des pirates pourraient, ainsi, être éventuellement évitées.

Une localisation constante des différents points de départ des pirates, s’ils venaient à se déplacer trop fréquemment, serait réalisable grâce aux différents moyens d’écoute et de contrôle modernes (satellites, etc.). Les effets positifs du blocus ne seraient pas immédiats, car, par exemple, les navires pirates sortis ne rentreraient pas tout de suite à leur « port d’attache ». Une annonce préalable, suffisamment longue, claire et précise serait nécessaire. Une notification individuelle du blocus à chaque navire serait difficilement envisageable, contrairement à la règle française courtoise et efficace. Le blocus né- cessiterait le concours de l’ensemble de la flotte mondiale ou, du moins, de l’ensemble des flottes actuellement victimes des actes de piraterie. Son étendue géographique dépendrait de la réaction des navires pirates. La longueur des côtes somaliennes est d’environ 6 000 km. Un blocus avec intervention de sous-marins pourrait être envisagé car serait de nature à créer une crainte dissuasive, même si cela peut sembler, à première vue, anecdotique. Le sous-marin a été longtemps considéré comme une des parades au blocus. En l’espèce, l’absence de sous-marins et de moyens équivalents de télédétection du côté des pirates, du moins pour l’instant, permettrait de l’utiliser comme un élément du blocus. Un éventuel blocus destiné à réduire l’actuelle piraterie somalienne serait de nature asymétrique et partielle si l’on considère les moyens nautiques en présence: même si les pirates disposent, sur leurs skifs, de lance-roquettes voire de missiles, ces derniers n’ont pas été utilisés, les pirates étant conscients des dommages trop importants qui pourraient en résulter et de la répression très forte qui ne manquerait pas d’en résulter à leur encontre.

Une efficacité accrue avec la pratique des convois

Nécessitant l’immobilisation de nombreux navires et de toute la logistique nécessaire, un blocus coûte cher. Pour avoir plus de chance d’aboutir à un arrêt de la piraterie, sur les côtes somaliennes ou celles qui seraient ensuite l’objet d’un blocus complet, la pratique des convois, rendue obligatoire dans un couloir de navigation déterminé, pourrait être mise en œuvre con­jointement au blocus au large des côtes somaliennes afin de protéger les navires y participant.

Ces pratiques, déjà utilisées pour lutter contre la course et contre les attaques des sous-marins lors des deux guerres mondiales ou pour protéger les pétroliers koweïtiens pendant la guerre dite des pétroliers intervenue à la fin du conflit Iran-Irak, ont fait leurs preuves, le blocus seul n’ayant pas toujours été déterminant au cours de l’histoire.

De Napoléon Ier à Israël

L’étymologie du mot blocus est relativement étonnante car elle proviendrait, entre autres, du mot néerlandais blockhaus (bloc: tronc d’arbre;hause: maison, house en anglais), signifiant maison fortifiée constituée de gros rondins de bois, ou du gaulois blocal, barricade.

Le blocus est l’emploi de la force armée (d’ordinaire de la force armée navale) pour empêcher le commerce et les communications d’un pays ou d’une partie d’un pays avec l’extérieur (cf. Vocabulaire juridique de Capitant repris par Gérard Cornu).

L’origine du blocus est ancienne mais sa reconnaissance en droit international est généralement reconnue comme concomitante à l’apparition des armes à feu, soit globalement au XIVe siècle. Un blocus avec des arcs et des flèches étant nécessairement d’une efficacité limitée, la vraie forme moderne du blocus est apparue précisément peu avant la Révolution et pendant le blocus continental. De plus, la reconnaissance de la neutralité et des droits des États neutres a contribué à l’émergence du blocus. Quelques exemples permettent d’en mieux rappeler la notion:

• lors des guerres napoléoniennes, Napoléon Ier a mis en œuvre le système dit du blocus continental, intervenu en réponse au blocus décrété par l’Angleterre, ce qui a permis un développement de l’industrie française du coton et du sucre de betterave, remplaçant la canne à sucre manquante; et a provoqué, partiellement, la ruine des ports de Nantes, Bordeaux ou Marseille;

• durant la guerre de Sécession, le blocus a été utilisé par la flotte nordiste pour empêcher tout accès de la flotte sudiste à ses propres ports et tout ravitaillement des Confédérés;

• un blocus a été mis en œuvre par le président Kennedy au cours de l’affaire de Cuba;

• pendant de la guerre du Golfe, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé le blocus de l’Irak (résolution no 625 du 25/8/1990);

• plus récemment encore, Israël maintient un blocus de Gaza. Au cours de l’intervention internationale en Libye, le blocus des côtes libyennes a été décrété, suivi de la destruction d’une partie de la flotte du pays.

La famine pour justifier le blocus?

La « découverte » récente de l’état de famine de la corne de l’Afrique amènera vraisemblablement, tôt ou tard, le retour d’attaques dirigées contre les navires affrétés par le Programme alimentaire mondial. La justification de la mise en œuvre d’un blocus « pacifique » n’en serait que plus facile aux yeux de l’opinion internationale. Les États développés en auront-ils pour autant la volonté d’agir?

Alors que 12,4 millions de personnes ont besoin d’une aide immédiate dans la corne de l’Afrique affectée par la sécheresse et la faim, la secrétaire générale adjointe des Nations unies aux affaires humanitaires, Valérie Amos, a estimé, le 1er août, que la situation « pourrait s’aggraver, notamment en Somalie, si une assistance adéquate n’était pas fournie ».

En Somalie, la famine a été déclarée dans deux régions par les agences humanitaires onusiennes. « À moins qu’une action adéquate ne soit financée immédiatement, la famine pourrait s’étendre à cinq ou six régions supplémentaires. Des dizaines de milliers de personnes ont péri jusqu’à présent, et des centaines de milliers d’autres risquent la famine », a déclaré Valérie Amos lors d’une conférence de presse à New York.

Le conflit qui ravage la Somalie aggrave la catastrophe dans ce pays « puisque les groupes armés qui y sévissent empêchent parfois les travailleurs humanitaires d’apporter l’aide. Tous les moyens disponibles pour faire parvenir cette aide ont pourtant été utilisés, y compris le parachutage de vivres », a-t-elle souligné.

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