Une amélioration de la qualité de l’air est en vue grâce aux mesures proposées le 15 juillet par la Commission européenne pour abaisser la teneur en soufre des carburants utilisés pour le transport maritime. Il s’agirait de réduire les émissions de dioxyde de soufre (SO2) de près de 90 % et celles des particules fines de près de 80 %. Les bénéfices pour la santé publique seront compris entre 15 et 34 Md€, un montant bien supérieur au coût estimé des mesures, de l’ordre de 2,6 à 11 Md€, affirme la Commission. Près de la moitié de la population européenne vit dans des régions où les objectifs de l’UE en matière de qualité de l’air ne sont toujours pas respectés, et la pollution atmosphérique est l’un des principaux soucis d’ordre environnemental des citoyens.
Janez Potoãnik, membre de la Commission européenne chargé de l’Environnement, a souligné que « la pollution atmosphérique ne s’arrête pas aux frontières. Les sources terrestres de pollution sont depuis longtemps dans le collimateur des législateurs, mais il est à présent temps que le secteur maritime apporte sa contribution, d’autant que l’incidence de celui-ci sur la qualité de l’air s’étend bien au-delà des régions côtières. La proposition de la Commission est une étape importante pour la réduction des émissions de polluants atmosphériques provenant du secteur du transport maritime, qui est en plein essor. Elle contribuera à la résolution des problèmes persistants de qualité de l’air, qui continuent d’affecter des millions d’Européens. Elle s’intègre dans un programme de changement qui préparera le secteur à relever les défis de demain ».
Le vice-président Siim Kallas a ajouté: « La transposition dans le droit de l’UE des normes unanimement approuvées au sein de l’OMI serait un premier pas vers une nouvelle amélioration de la viabilité du transport par voie d’eau. Je me réjouis que la proposition prévoie diverses mesures d’accompagnement à court et moyen termes pour aider le secteur à relever ce défi. »
Le texte législatif proposé révise la directive concernant la teneur en soufre de certains combustibles liquides et intègre les nouvelles normes de l’OMI dans le droit de l’UE de manière à garantir l’application correcte et harmonisée de celles-ci par tous les États membres de l’Union. En vertu des mesures proposées, la teneur en soufre maximale autorisée des carburants à usage maritime utilisés dans des zones sensibles telles que la mer Baltique, la mer du Nord et la Manche, sera ramenée de 1,5 % (son niveau actuel) à 0,1 % à compter du 1er janvier 2015. Elle diminuera de façon encore plus radicale dans d’autres zones, où elle passera de 4,5 % à 0,5 % à compter du 1er janvier 2020.
Les navires seront autorisés à recourir à des techniques équivalentes à celle des systèmes d’épuration des gaz d’échappement, en remplacement de l’utilisation de carburants à faible teneur en soufre. D’autres changements importants sont proposés, notamment une plus grande harmonisation des dispositions concernant la surveillance et l’établissement de rapports et l’échantillonnage, qui seraient alignées sur les normes internationales. La proposition prévoit une mise en œuvre progressive, de 2015 à 2020. Dans l’intervalle, la Commission élaborera, en 2012, une série de mesures à moyen et long termes dans le cadre d’un « dispositif pour un transport par voie d’eau durable », en vue de promouvoir la viabilité et la compétitivité du secteur du transport maritime courte distance.
Les nouvelles règles vont certes poser des problèmes aux secteurs concernés, reconnaît la Commission, mais le recours à des techniques équivalentes de réduction des émissions diminuera considérablement les coûts de mise en conformité et stimulera l’innovation et l’utilisation efficace des ressources.
La révision proposée vise à remédier aux problèmes persistants de qualité de l’air, dans l’attente d’un réexamen plus exhaustif de la politique en matière de qualité de l’air que la Commission doit entreprendre d’ici à 2013. La proposition s’appuie sur les consultations des parties prenantes et sur diverses études réalisées sur les coûts et les bénéfices des mesures envisagées, ainsi que sur leur incidence possible sur le secteur du transport maritime.
Le soufre et ses conséquences
La teneur en soufre des fiouls lourds utilisés pour la propulsion des navires peut atteindre 5 %. En comparaison, celle des carburants utilisés par les poids lourds ou les voitures particulières ne doit pas dépasser 0,001 %, rappelle la Commission européenne.
Les émissions de dioxyde de soufre sont responsables de pluies acides et produisent des poussières fines dangereuses pour la santé. Elles entraînent en effet des maladies respiratoires et cardiovasculaires et peuvent réduire jusqu’à deux ans l’espérance de vie dans l’UE.
Les émissions de polluants atmosphériques tels que le soufre ont diminué au cours des vingt dernières années. Toutefois, l’UE est encore loin d’avoir atteint son objectif, à savoir des niveaux de qualité de l’air n’entraînant pas d’effets négatifs ni de risques notables pour la santé ou pour l’environnement. En l’absence de nouvelles mesures et selon les tendances actuelles, les émissions d’origine maritime pourraient être plus importantes que celles provenant de toutes les sources terrestres réunies de l’UE d’ici à 2020.
La Commission entreprendra un réexamen exhaustif de la stratégie de l’UE en matière de qualité de l’air d’ici à 2013, et prend actuellement des mesures d’urgence à court terme pour résoudre les problèmes persistants auxquels se heurtent les États membres pour se mettre en conformité avec les normes relatives à la qualité de l’air, en particulier pour les poussières fines et pour l’ozone. La proposition, qui consiste à aligner la qualité des combustibles marins sur les dernières normes approuvées par l’OMI, est une de ces mesures immédiates.
Réaction négative des chargeurs européens
Le même jour, le Conseil des chargeurs européens (ESC) faisait connaître son opposition aux propositions de la Commission. Se présentant comme le représentant du service transport de l’industrie européenne, l’ESC reconnaît totalement le besoin de réduire les niveaux de « particules soufrées » émises par les navires le long des côtes européennes. « Cependant, ces réductions doivent être faites de façon concrète et efficace et sans porter gravement atteinte à l’avenir de l’industrie européenne. Les propositions de la Commission risquent de n’aboutir à rien. » L’ESC rappelle que les capacités de raffinage actuelles sont dans l’impossibilité de fournir le combustible désulfurisé pour les navires transitant par les zones sensibles, dites SECAs (Sulphur Emission Control Areas). Le coût du combustible pourrait augmenter de l’ordre de 80 % et celui du transport maritime de près de 40 %. Cela forcerait certaines industries nord-européennes, soit à se délocaliser, soit à recourir à un mode de transport alternatif qui ne pourra être que la route compte tenu des insuffisances du ferroviaire. Les marchandises à faible valeur ajoutée, comme les produits forestiers ou les minerais, seraient les premières affectées.
« Nous demandons que soit trouvée une solution qui convienne mieux aux chargeurs et aux transporteurs, et qui évite toute poussée brutale des émissions dues aux transports », a rappelé Nicolette van der Jagt, secrétaire générale de l’ESC. « Nous continuons à penser que le report jusqu’en 2020 de l’obligation d’utiliser du combustible à 0,1 % de soufre est la meilleure solution possible. Cela donnerait du temps pour augmenter les capacités de production de combustible à faible teneur et pour développer les technologies permettant d’épurer les fumées des navires. Nous demandons au Parlement européen et aux États membres de bien prendre en compte toutes les données du problème afin de trouver une solution qui permette à la fois un transport maritime concurrentiel dans les eaux Nord-européennes et la réduction des émissions de soufre. »