« Les systèmes de transport constituent une priorité pour l’administration du président Barack Obama, a annoncé Ray LaHood, secrétaire d’État américain aux Transports, le 5 avril, lors de la présentation d’un rapport sur les autoroutes de la mer, réalisé par son ministère. Un système de transport privilégiant le shortsea shipping et la navigation fluviale doit diminuer la congestion routière et la dépendance du pays par rapport au pétrole. À terme, les systèmes de transport américains doivent être plus durables. » Les modes maritimes et fluviaux doivent être plus intégrés l’un à l’autre pour desservir l’hinterland aux côtés du ferroviaire. Ce dernier étant largement plus utilisé pour le transport de marchandises aux États-Unis que sur le Vieux Continent. Selon le rapport de l’administration américaine, les autoroutes de la mer, la navigation intérieure et, plus largement, le transfert modal présentent de nombreux avantages pour l’économie américaine et les citoyens. L’évolution vers un système de transport favorisant le transfert modal peut créer de nombreux emplois à terre, en mer et sur les fleuves, favoriser la renaissance du secteur de la construction navale, diminuer le nombre d’accident de la route et les nuisances liées à la circulation des poids lourds, notamment la congestion routière. Tous les acteurs du secteur sont conscients qu’il est nécessaire de trouver des solutions pour diminuer l’importance de la route pour le transport des marchandises, avance l’administration américaine. Mais ils ne peuvent, à eux seuls, mettre en place les solutions car ces dernières impliquent des coûts qu’ils ne peuvent supporter. L’intervention de l’État fédéral est donc indispensable pour initier l’évolution vers un système de transport plus durable. Dans un pays où le libéralisme est largement dominant dans l’économie de marché, la justification de l’interventionnisme de l’État pour favoriser le report modal remplit de nombreuses pages du rapport du ministère des Transports. Ce dernier souligne que cette option résulte d’une vaste consultation des opérateurs privés et que ces derniers sont largement d’accord avec le principe de l’intervention de l’État fédéral. De plus, le soutien financier accordé par Washington aux différents projets d’autoroutes de la mer ou de liaisons conteneurisées fluviales (voir encadré ci-contre) ne sera que temporaire. Et le succès futur du report modal dépend également largement des entreprises privées, indique le document, car ce seront à elles, après avoir bénéficié d’un coup de pouce de l’État fédéral, de pérenniser les nouveaux systèmes de transport mis en place. Les auteurs du rapport citent aussi l’exemple de l’Union européenne. « Les États membres de l’Union européenne doivent relever les mêmes défis que les États-Unis en termes de congestion routière, de réduction des impacts négatifs des transports sur l’environnement et la diminution de la dépendance par rapport aux hydrocarbures. Par l’intermédiaire des aides du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T), des fonds de développements régionaux et du programme Marco Polo, l’Union européenne a investi des millions d’euros dans le shortsea shipping et la navigation intérieure depuis plusieurs années. Et le résultat est là: les trafics liés à ces deux secteurs ont augmenté significativement entre le début des années 1990 et le milieu des années 2000, détaille l’administration américaine. La politique européenne a donc été efficace et doit nous servir d’exemple. » Aussi, en plus des subventions versées aux différents projets retenus, Washington va mettre en place une législation plus favorable pour le shortsea shipping et la navigation fluviale. Ce seront, par exemple, des facilités douanières, des allégements de taxes, un accès plus aisé aux crédits, etc.
De premiers résultats entre succès et échec
Le rapport de l’administration américaine présente, entre autres, deux exemples de transfert modal. Le premier est un succès entre Norfolk et Richmond sur la côte Est. Lancée en décembre 2008, la liaison propose un service hebdomadaire de transport de conteneurs par barges. Dès la première année d’activité, les objectifs ont été dépassés: plus de 6 000 conteneurs ont emprunté la voie fluviale au lieu des 4 000 initialement prévus. La ligne conteneurisée devrait transporter 29 000 conteneurs d’ici trois ans et 60 000 d’ici cinq ans. L’entreprise va recevoir une aide de l’État fédéral (1 M$) pour la commande de deux barges supplémentaires. Elle prévoit également une augmentation des fréquences de la ligne à trois allers-retours par semaine. Le deuxième exemple mis en avant par le rapport est un échec: la liaison le long du golfe du Mexique, entre les ports de Brownsville et Manatee, lancée mi-décembre 2008, a arrêté de fonctionner en novembre 2010. L’administration américaine entend toutefois relancer cette autoroute de la mer. Le service devrait être rétabli avec un nouvel opérateur. Les deux ports concernés auraient reçu plusieurs offres de reprise de l’activité. Le gouvernement américain soutient particulièrement cette liaison car cette dernière « permet aussi de desservir de manière durable des villes importantes comme Houston et La Nouvelle Orléans ». Au cours des mois de fonctionnement de la ligne, environ 600 poids lourds ont emprunté le navire chaque semaine, chargés entre autres de matières dangereuses.
Des premières mesures en 2007
C’est une loi votée fin 2007, Energy Independance and Security Act, qui a mis en avant la nécessité de développer le shortsea shipping aux États-Unis. Le rapport du ministère des Transports présenté en avril dresse un premier bilan de la politique menée par le gouvernement américain depuis cette date et les ambitions pour les années à venir. Les premiers résultats ont été enregistrés en 2010 avec la sélection de 18 projets définis comme prioritaires sur les 59 présentés. Les projets retenus pourront à terme constituer des corridors de transport privilégiant les modes durables et le transfert modal, précise le rapport de l’administration américaine. Ils sont principalement situés le long de la côte atlantique et du golfe du Mexique, au nord de la côte pacifique et dans l’intérieur du pays dans les États du Mississippi, de l’Alabama et du Michigan (voir carte). Ils bénéficient d’aides de l’État fédéral d’un montant total de 7 M$. D’autres projets devraient être sélectionnés dans les années à venir, annonce le rapport.