Chronique d’un abordage ordinaire

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Le 11 septembre 2010, depuis 1 h 00, l’Aventure III, chalutier en acier de 20 m, navigue au 80o à 9 nœuds, feux allumés, vers sa zone de pêche située à 30 milles dans le Nord-Est de Port en Bessin. à 2 h 10, le Katharina, navire polyvalent de 145 m, récent, de propriété allemande (registre Antigua et Barbuda) fait route au 127o à 13,5 nœuds vers Caen. Visibilité 20 milles. Vent de Sud 2 à 3 B. Mer force 2. Sur le cargo, le lieutenant roumain de 51 ans est de quart avec un matelot gouvernant au joystick. Il voit un navire sur l’avant du travers tribord. Vers 2 h 15, le second de l’Aventure III (50 ans, à bord depuis au moins juin 2009), voit un écho radar d’un navire à 3 milles. « Il sort de la timonerie pour mieux évaluer la situation: le navire se rapproche par bâbord arrière et ne lui paraît pas présenter de risque. Lorsqu’il rentre en timonerie, l’écho du navire est désormais masqué par les parasites du centre de l’écran radar ». Vers 2 h 25, sur le cargo, les fonctions anticollision de l’ARPA (aide au pointage radar automatique) ne sont « toujours pas sollicités, le relèvement et la distance de l’autre navire ne sont pas contrôlés. Le lieutenant tente alors d’établir un contact VHF avec ce navire, suivi de signaux lumineux à la lampe Aldis (lampe à signaux; ndlr). Le Katharina ne modifie ni son cap, ni sa vitesse.

Le second de l’Aventure III ressort de la timonerie pour décider de la manœuvre (…). La masse sombre du navire lui apparaît alors, très proche. Voyant que celui-ci ne modifie par sa route, il (…) fait machine arrière toute ». À 2 h 49, le cargo aborde le bâbord avant du bateau de pêche à 18 milles dans le 16o de Port-en-Bessin. Le pire n’étant jamais sûr, l’Aventure III rentre par ses propres moyens à Ouistreham. Le cargo mouille devant le port normand.

Le facteur déterminant de la collision est, selon le BEAmer, « la non-application stricte de COLREG, dans un secteur où la navigation ne présente pas de difficultés » par le Katharina qui était le navire rattrapant, donc non privilégié. Mais l’homme de quart du bateau de pêche n’est pas oublié, lui qui « ne juge pas dangereux » l’écho à 3 milles. « Ce relatif excès de confiance, associé à une image radar manquant de précision », ne lui a pas permis d’effectuer, « alors qu’il en était encore temps » une manœuvre d’évitement du cargo (règle 17 sur la manœuvre du navire privilégié) plus efficace d’une marche arrière toute, au dernier moment. « Un changement « franc » de route sur la droite aurait permis d’éviter l’abordage, quelle que soit la manœuvre éventuelle entreprise in fine par le cargo. »

Le BEAmer note également que la tentative d’appel par VHF (pas d’identification possible de l’écho du fait de l’absence d’AIS sur la cible) ainsi que l’utilisation de la lampe Aldis étaient « inappropriées » à la situation.

La conception « relativement ancienne » de la timonerie du bateau de pêche et de son équipement a constitué un facteur sous-jacent de la collision.

Il y a comme une fatalité sur les Voyage Data Recorders (enregistreur des données de voyage): une nouvelle fois, la sauvegarde des données a été un échec « probablement dû à une méconnaissance de la procédure d’utilisation » par les officiers du Katharina. « Une défaillance possible du matériel n’avait en tous cas pas été identifiée au préalable par des tests de bon fonctionnement » note le BEA, pas tout à fait dupe.

Recommandations simples

Le BEA n’adresse ses recommandations qu’à l’armateur allemand du cargo. Celui-ci se voit inviter à « améliorer le processus de « passation de suite » entre officiers débarquants et nouveaux arrivants, lorsque ces derniers ne sont pas familiarisés avec les équipements et les procédures du bord; il sert aussi à rendre systématiques les tests de bon fonctionnement des VDR ».

Breveté STCW, officier chargé du quart passerelle sur des navires de 500 UMS et plus depuis juin 1999, le lieutenant roumain avait embarqué deux jours avant l’abordage, alors que le reste de l’équipage était à bord depuis un mois.

Des lieutenants qui embarquent sur des navires qu’ils ne connaissent pas, juste avant de commettre des erreurs, le BEA devrait en tenir les statistiques.

Il vient également de rendre public le rapport sur le naufrage du chalutier Jéricho, survenu le 22 août 2010 en Baie-de-Seine (1 victime).

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