Cette question « qui n’est pas politiquement correcte » a été posée après que le secrétaire d’État a noté qu’en 2011, « ce sont 24 unités totalisant 1,5 MUMS, soit 27,6 % de notre flotte marchande, qui sont susceptibles de quitter le pavillon français ». Alors qu’au 1er janvier, les indicateurs ne sont déjà pas satisfaisants: − 10 % en jauge, les alertes de l’administration ont donc fini par être perçues (JMM du 11/3, p. 5).
Enrayer le déclin et sortir de la complaisance
Après avoir rappelé les sommes que la nation consacre « au secteur maritime » (exonération des charges, près de 70 M€; autoroutes de la mer, 15 M€; et navire du futur, 100 M€), Thierry Mariani s’est posé la question: « Avons-nous fait les bons choix? Ce ministère vous est acquis, vous le savez, mais si nous ne posons pas nous-mêmes cette question, d’autres se la poseront, avec beaucoup moins de bienveillance. Et cela, je ne le veux pas! Je vous donne pour mission, Monsieur le président (Quimbert), de dresser un audit de notre politique de soutien au pavillon français et de me faire des propositions:
– pour enrayer le déclin du registre international français;
– pour mettre un terme à cette indignité qu’est le classement du RIF en pavillon de complaisance. Messieurs les membres du Conseil, j’attends également de vous, au nom des responsabilités professionnelles qui sont les vôtres, un engagement résolu en faveur de cette double ambition. »
La date attendue pour la remise de l’audit n’a pas été précisée.
Méthodologie allemande?
Absent lors de la table ronde organisée par la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le CSMM n’a donc pas pu exprimer son point de vue (JMM du 11/3). Gageons que Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre également en charge de la « mer: ses transports et ses ports » éclairera, le 12 avril, d’une lumière crue, la représentation nationale.
La mise en garde de Thierry Mariani rappelle celle du gouvernement allemand au milieu des années 2000: constatant que les armateurs ne rapatriaient pas leurs navires sous registre national comme ils s’y étaient engagés en échange de mesures d’allégement de leurs coûts, le gouvernement allemand a publiquement et à plusieurs reprises menacé de mettre fin à ces aides si les navires ne revenaient pas. En avril 2005, le président d’Armateurs de France, Patrick Decavèle a noté que le RIF apportait une « stabilité juridique » et « non pas la compétitivité la plus forte » et que les armateurs français n’avaient pas la culture de l’engagement que l’on trouve outre-Rhin.
Pour rester dans le transport, Thierry Mariani a exprimé le souhait de « donner un souffle nouveau et un rayonnement international à nos formations maritimes grâce à ce nouvel outil » qu’est l’École nationale supérieure maritime. « Pour réussir, il aura besoin du soutien de toute la communauté maritime, et notamment des armateurs. »
Grande conférence sur les ports en juin
Rappelant les peines et soins qu’il a fallu mobiliser pour achever la « courageuse »réforme des ports, Thierry Mariani a souligné qu’elle n’était pas une fin en soi: « Je la conçois davantage comme un préalable nécessaire afin de redresser durablement la situation des ports français. […] Je veux redonner aux ports […] une ambition forte et maritime et, là encore Monsieur le président, j’accueillerai favorablement toutes les propositions que vous voudrez bien me faire. Afin de souligner la détermination de l’État, je souhaite tenir dès le mois de juin une grande conférence des acteurs portuaires, associant les entreprises, les organisations syndicales et les collectivités, afin d’engager ensemble un grand plan d’action stratégique pour l’avenir des ports français. »
Par ailleurs, « la sécurité des navires et des hommes (dans cet ordre) constituent ma première priorité et je veux que nous soyons exemplaires dans la prévention comme dans la répression », a poursuivi le secrétaire d’État après avoir souligné que « trop souvent, la France est la première à soutenir des avancées du droit et la dernière à adopter dans son droit national ».
Concernant la protection du milieu marin, Thierry Mariani a estimé « indispensables » les éclairages du CSMM sur ce sujet pour lequel « certaines démarches trop fougueuses risqueraient de s’avérer néfastes à nos ports et nos navires ».
Tout au long des cinq pages que représente ce discours, le mot « développement » n’a été prononcé qu’une seule fois et jamais en association avec le terme « économique ». Par contre, le mot « sédentaire » (par opposition à navigant), a refait exceptionnellement surface. Consulté, un exégète expérimenté des discours maritimo-portuaires souligne que les ports sont d’importants propriétaires fonciers et notamment de zones humides et que, dans le contexte actuel, ces zones peuvent susciter bien des envies. Les autorités portuaires devraient se méfier.
Le CSMM en bref
Très discret, le Conseil supérieur de la marine marchande, « vieille dame très honorable de 115 ans qui ne fait pas son âge », est composé de quatre collèges: État (7 représentants), syndicats (12), professionnels (12 dont 6 représentant les armateurs et autant pour les ports et la manutention) et personnalités qualifiées (12 dont un journaliste). En mai 2002, après de longues réflexions, le CSMM a intégré les prérogatives du Conseil national des communautés portuaires.