Pour intervenir sur un car deck bloqué, le chef mécanicien du transbordeur demande que soit amenée une plate-forme élévatrice mobile de personnes (PEMP). Celle-ci n’arrivant pas à monter la rampe d’accès mobile menant au pont supérieur où elle est requise, il est décidé de relever la rampe. Sans attendre que le relevage soit terminé, son conducteur remonte dans la nacelle et redémarre. Immobilisé de travers à l’axe de la rampe et sans cale, l’engin recule et tombe d’une hauteur de 1,5 m. Sans casque et sans harnais anti-chute, le conducteur est projeté contre une cloison. Il est gravement blessé à la tête et au thorax. De plus, l’une des jambes du maître d’équipage est engagée sous les 3,28 t de l’engin. Le BEA souligne l’accumulation de « bêtises » et arrose largement: depuis le fabriquant de la PEMP (Manitou) jusqu’à l’armateur (le Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche), sans oublier les navigants.
Les seuls facteurs mis en cause concernent du matériel et du comportement.
Pour le premier, le BEA note que par conception, au démarrage de la PEMP, le frein est d’abord libéré avant que le moteur ne fournisse le couple nécessaire. En clair, sur un plan incliné, la machine commence d’abord par descendre durant un « court » instant avant de monter la pente, ce qui constitue « un facteur déterminant ».
Le petit diamètre de ses roues et l’épaisseur des barres de métal constituant le dispositif antidérapant de la rampe provoquent de fortes vibrations de la PEMP. Cela a pu diminuer son adhérence: « facteur contributif. » La perte de puissance de l’engin, « probablement en raison d’un état de charge insuffisant » de la batterie d’accumulateurs, est « un facteur conjoncturel ».
En ce qui concerne le facteur humain, le BEA note que « l’ensemble des risques présentés par l’utilisation de la PEMP ne sont pas identifiés, tant par les officiers que par les opérateurs à bord, ces derniers ne sachant pas s’il existe une procédure spécifique dans le cadre de l’utilisation à bord. On constate en effet que l’utilisation de la PEMP n’est pas abordée par le document unique de prévention » (DUP): ce qui constitue « un facteur sous-jacent » de l’accident.
Les deux victimes de l’accident ont été formées sur une PEMP de type « ciseaux » ou X. Celle qui était à bord, était « à élévation multidirectionnelle », dont l’un des caractéristiques est la présence d’un contrepoids. Avec ce type d’engin, les pentes se montent ou se descendent avec le contrepoids situé en amont afin de limiter le risque de basculement. Cela est inscrit en gros sur la machine et repris par des pictogrammes. Ici la PEMP a basculé avec son contrepoids en position avale.
Les consignes de l’armateur interdisent la présence de tout individu sur une rampe en mouvement et exigent le port d’équipements de protection individuelle. Pour rester le plus neutre possible, le BEA conclut que « […] la méthode mise en œuvre pour déplacer la PEMP vers le pont 4 est un facteur déterminant de l’accident ».
Tout le monde est invité à se reprendre, y compris l’exploitant, LD Transmanche Ferries, car « le temps imparti à l’opération de maintenance du car deck était réduit »; ce qui a constitué un facteur sous-jacent de l’accident.