Si les magistrats de la cour des Comptes sont sans doute des experts incontestables en matière de comptabilité publique, ils bénéficient de marges de progression en ce qui concerne leur compréhension des avantages comparatifs d’un port, et en particulier de celui de Marseille-Fos. « Le coût du passage d’un navire n’y est pas particulièrement élevé par comparaison avec ses principaux concurrents. […] Le passage portuaire coûtait entre 1,5 et 2 fois plus cher dans les ports […] de Brême et de Hambourg, un quart de plus au Havre et à Anvers […] », écrit la Cour dans son rapport annuel 2011 présenté le 17 février (JMM de la semaine dernière; voir également p. 10 consacrée aux dérives de la continuité territoriale de la Corse).
L’observatoire des coûts de passage portuaire, mis en place en 1996-1997, ayant sombré dans le coma, il faut rendre grâce à Jacques Saadé qui, en février 1996, récita un exceptionnel chant antique: le détail poste par poste du coût du passage portuaire dans plusieurs ports européens d’un porte-conteneurs de 3 500 EVP, « pilot in-pilot out », reporté au nombre de mouvements par escale (JMM du 23/2/1996, p. 436). Le président de la seule CMA notait donc que si les escales de Hambourg et d’Anvers ont été les plus chères en valeur absolue, à l’EVP manipulé, elles ont été sensiblement inférieures à celles du Havre et de Fos. Respectivement 37,57 $ et 36,97 $ pour les deux premières (et 36,32 $/ EVP pour Rotterdam) contre 58,55 $ et 52,63 $ pour les dernières. Les escales françaises ont manqué de volume car les exportations maritimes françaises ont manqué de souffle. À en juger par les constatations du rapport du Coe-Rexecode remis au ministre de l’Industrie sur la « divergence de compétitivité entre la France et l’Allemagne » (JMM du 4/2/2011, p. 11), le différentiel entre les volumes des escales dans les ports français et allemands (hors transbordement, COA et DOM-TOM) a dû probablement augmenter. Et les dessertes « robustes » des ports français vers l’hinterland lointain, vers la mythique banane bleue, sont restées du domaine de l’incantation. Dans cette activité comme dans d’autres, sans thermomètre, chacun peut y aller de son diagnostic sans risquer d’être contredit. Ignorantus, Ignoranta, Ignorantum, écrivait Molière.