Le 3 février, le jour même où Le Figaro publiait, fort à propos, certaines constatations du rapport encore « confidentiel » de la Cour des comptes sur le « blocage social et (le) déclin » du Grand port maritime de Marseille, ce dernier présentait à Paris ses résultats en tonnage. Questionné à ce sujet, Patrick Daher, président du conseil de surveillance, répond: « Nous sommes toujours friands d’audits. C’est un atout pour le port. Mais nous n’avons pas débattu de ce rapport avec nos tutelles. Le fond des problèmes soulevés est correct. Notre premier objectif est de finaliser la réforme. Nous aborderons les autres problèmes après. Ce rapport ne pointe pas que les insuffisances du management du port. L’État est également fautif. »
Dans un autre ordre d’idées, Patrick Daher appelle également de ses vœux une rapide prise de conscience de la nécessité de disposer de statistiques récentes sur les échanges maritimes français quel que soit le port de transit car un État ne peut pas dire qu’il veut mener une réflexion stratégique sur ses ports nationaux sans avoir une idée assez précise de l’existant, donc sans statistique. À la lecture ou relecture du rapport de MM. Genevoix et Gilles sur L’Évolution du fret terrestre à l’horizon de dix ans, la prise de conscience de l’État stratège est très mesurée, que cela soit dans le domaine ferroviaire ou dans celui des flux portuaires dont les estimations sont « de plus en plus grossières et entachées d’erreurs. […] Il serait nécessaire […] de se pencher sérieusement sur cette question et de voir s’il est possible, au moins dans un certain champ, de reconstituer des indicateurs suffisamment viables. Ceci en particulier pour les conteneurs, trafic stratégique et par essence très mobile ». (JMM du 17/12/2010, p. 15).
L’État stratège mais défaillant
Depuis quelques années, le discours sur l’État stratège, concentré sur ses missions régaliennes, est devenu récurrent, voire obsédant. Sauf qu’en ce qui concerne les dossiers maritimes et portuaires, le stratège connaît des défaillances elles aussi récurrentes. Dans le dossier d’entente dans la manutention havraise, l’autorité de la concurrence note, dans sa décision d’avril 2010, qu’« en l’espèce, il y a lieu de prendre en considération, à la décharge des entreprises mises en cause, le rôle incitateur joué par le PAH dans la mise en œuvre de l’entente. En effet, la circonstance pour que celui-ci ait incité les entreprises mises en cause à s’entendre lors de réunions qu’il a lui-même organisées doit être prise en compte comme circonstance atténuante justifiant une sanction significativement plus faible que celle qui aurait été infligée aux entreprises si elles avaient décidé, de leur propre initiative et de manière secrète, de se réunir pour poursuivre le même objet anticoncurrentiel »; port placé directement sous l’autorité de l’État avec contrôleur de l’État et tout ce qu’il faut pour être dans les « clous ».
Dans le dossier d’entente sur les tarifs de débarquement des conteneurs à La Réunion, la même autorité concurrence « attire l’attention du gouvernement sur l’urgence qui s’attache à une clarification de la sécurité juridique des entreprises » (JMM du 28/1, p. 17).
Le rapport « confidentiel » de la Cour des comptes sur Marseille conclut, entre autres: « Portée par une direction du port et encouragée, voire stimulée en temps normal par les tutelles ministérielles, la volonté de réforme se délite trop souvent, notamment faute d’une détermination suffisante des autorités de l’État, face à la crise sociale et l’extrême tension qui l’accompagne. [….] La Cour insiste auprès des dirigeants du GPMM, mais aussi des tutelles ministérielles et des représentants locaux de l’État pour qu’ils sanctionnent ou fassent sanctionner les dérives accompagnées de violences, notamment en portant plainte systématiquement. De façon générale, l’autorité de l’État doit s’exercer pleinement et avec constance […]. »