À la fin de l’année dernière, environ 600 navigants de plus de 18 pays avaient été pris en otage par des « pirates ». L’étude recense principalement les coûts directs et tente une estimation des coûts indirects lorsque les informations sont disponibles. Elle se concentre sur les services fournis par les transporteurs et les États. Si le périmètre de l’étude comprend le détroit de Malacca, la Corne de l’Afrique, le Golfe de Guinée et le Nigeria, la piraterie au large de la Somalie tient une large place, précise Anna Bowden, responsable de l’étude, car elle y est très concentrée et assez largement documentée. Anna Bowden ne va pas jusqu’à rappeler que c’est à partir du moment où les pirates somaliens s’en sont pris aux navires de commerce effectuant des dessertes transocéaniques que l’émotion est montée d’un cran. L’attaque des petits cargos du Programme alimentaire mondial était moins médiatique.
Problème de méthode
L’étude souligne la difficulté méthodologique rencontrée pour établir une estimation raisonnable des coûts de la piraterie. Difficulté qui se traduit par l’importance de la fourchette de l’estimation. Ainsi, en 2008, l’institut Rand a estimé le coût à 1 Md$. En 2010, le Bureau maritime international (BMI) en était à environ 15,4 Md$.
Les informations sur les attaques sont « vagues » de la part des compagnies maritimes. Les experts ont des avis ou des sentiments rarement convergents. Le BMI ne recense que les attaques qui ont été bien documentées. Les intérêts des États et des compagnies ne sont pas nécessairement convergents. Il est extrêmement difficile de distinguer entre les effets de la piraterie et ceux de l’instabilité politique des États où elle sévit sur les investissements étrangers, le tourisme ou l’inflation des prix des denrées de première nécessité.
Un « business » lucratif pour l’assurance
Le chapitre consacré aux estimations des primes d’assurance retient l’attention. Il existe quatre types de couverture: le risque de guerre qui concerne le navire, le kidnapping et la rançon (K&R) qui est un risque équipage, le risque marchandise, et la coque.
Après quelques explications sur la méthode de calcul, les auteurs estiment que « la progression continue de la piraterie dans le monde et la constatation que la couverture du risque est une activité qui dégage des résultats croissants, devraient entraîner une baisse des primes du fait de l’arrivée des nouveaux concurrents ».
L’idée que l’assurance dégage des marges confortables du risque K &R se retrouve dans une étude de l’Institut allemand pour la recherche économique intitulée « The Business of Piracy in Somalia » publiée en juillet 2010.
Ses auteurs estiment que « les compagnies d’assurance, même si elles doivent payer des rançons, réalisent des bénéfices considérables du fait de leur capacité à augmenter les primes pour couvrir un risque de piraterie qui demeure un phénomène rare. Il n’est donc pas dans leur intérêt de voir la piraterie cesser. […] Un officier supérieur de la marine militaire note que “c’est un business où chacun fait des profits, pas seulement les pirates”. La piraterie n’est donc pas uniquement bénéfique pour la Somalie mais crée des opportunités pour tout le monde. Et ainsi les initiatives pour y mettre fin sont peu nombreuses ».
Les compagnies maritimes n’échappent pas à la critique de l’étude allemande: « Le transport maritime représente peut-être le plus puissant obstacle à la fin de la piraterie. Les compagnies ne sont pas suffisamment incitées à modifier leurs pratiques dans un sens favorable à la lutte antipiraterie. La piraterie ne menace pas assez de navires localement pour convaincre les armateurs qu’il serait économiquement rentable de mettre en œuvre ne serait-ce que la moins coûteuse des mesures de protection. »
Il y aurait donc des raisons de réfléchir autrement en aidant, par exemple, au rétablissement de l’État de droit en Somalie pour une « petite poignée » de milliards ainsi que le chef d’état-major de la Marine nationale l’a évoqué fin 2008 (JMM du 12/12/ 2008; p. 10)