À partir du 24 janvier et pour une durée de deux ans, éventuellement renouvelable, les vessel sharing agreements dénommés New World Alliance (APL, filiale de NOL, Mitsui et Hyundai), Grand Alliance (Hapag-Lloyd, OOCL et NYK) et CKYH Alliance (Cosco, K Line, Yang Ming et Hanjin) sont priés par la Federal Maritime Commission de lui faire parvenir leurs comptes-rendus de réunions relatives aux capacités à mettre en œuvre ainsi qu’aux futurs horaires des navires. Ces informations doivent parvenir à la FMC au plus tard 21 jours après la date de la réunion. En outre, chaque mois, et non plus chaque trimestre, les trois VSA ou leurs membres devront envoyer un rapport de suivi (monitoring) contenant les informations suivantes: nombre de dessertes (string) exploitées depuis ou vers les États-Unis; capacité de transport en EVP et en tpl mise en œuvre par desserte et par membre de l’alliance; chargements effectifs réalisés sur chaque desserte en port en lourd et par compagnie membre.
La FMC souligne que le coût de la charge administrative supplémentaire est inférieur au gain qu’elle pourra tirer d’une analyse plus fréquente des offres de transport.
En outre, les trois services communs doivent avertir la FMC de tout changement prévu de capacité de transport hebdomadaire de plus de 5 %. Ils ont cinq jours pour en informer la FMC après la prise de décision.
Les transporteurs peuvent demander à la FMC d’assister à chacune de leur réunion dont le sujet est visé par la décision.
Les gémissements des chargeurs américains
La FMC motive sa décision en rappelant les « sérieuses » ruptures de la chaîne de transport qu’ont subies les importateurs et les exportateurs américains au début de 2010 lorsque les demandes de transport ont repris alors que les offres avaient fortement baissé. Les contrats de service ont été « brusquement » annulés; les bookings reportés sur les navires suivants. Les conteneurs vides manquaient à l’export. En mars 2010 commençait donc une enquête sur la réalité de ces agissements. En juin était adopté un certain nombre de recommandations, notamment celle relative au renforcement des moyens de surveillance des services maritimes communs.
Considérant qu’une réduction concertée des capacités de transport réellement utilisées pouvait conduire à un manque d’espace disponible entraînant une détérioration « déraisonnable » du service et une augmentation artificielle de la tarification, pouvant « potentiellement » mener à une hausse « déraisonnable », la FMC veut en être informée au plus tôt.
Hausse « déraisonnable » pour qui? L’exportateur américain de vieux papiers et emballages? De foin destiné à l’élevage chinois? Ou l’importateur d’électronique grand public fabriqué en Chine?
Pourquoi eux et pas les grands faiseurs?
Les compagnies ainsi mises en cause ont sans doute la possibilité de contester la décision de la FMC, soit individuellement soit via leur syndicat patronal, le World Shipping Council, WSC, basé à Washington. La décision de la FMC devrait y susciter des discussions « franches » et « contrastées ». En effet, pourquoi vise-t-elle ces trois VSA et non pas tous les services communs et, en particulier, ceux associant Mærsk Line, MSC et CMA CGM
Souviens-toi du vase de Rotterdam?
Autre perspective: une forme d’hostilité à l’encontre des transporteurs ou des gouvernements asiatiques. En effet, mis à part Hapag-Lloyd (4,1 % de la capacité mondiale au 1er janvier), tous les autres membres des services communs visés par la FMC sont des compagnies asiatiques. Un membre de la délégation chinoise qui avait négocié les règles de Rotterdam expliquait à Marseille, en mai dernier, que « Cosco and China Shipping are fed up with the large american shippers » (JMM du 28/5/2010: p. 13). Son homologue sud-coréen rappelait que les compagnies sud-coréennes étaient également opposées à la ratification des règles de Rotterdam, soutenues par le gouvernement et les chargeurs américains. Mais la rigueur d’analyse de la FMC ne peut prêter le flanc à une pareille interprétation.
Last but not least, la décision de la FMC est-elle de nature à inspirer la Commission européenne? Fin août 2010, Argos, un important importateur d’équipements électroménagers britannique, a déposé plainte contre Mærsk Line lui réclamant 13,9 M$ de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de transport portant pour 2010 sur 5 000 × 40’ dry en sortie d’Extrême-Orient (JMM du 8/10; p. 6). Fin novembre, la compagnie danoise a fait officiellement savoir « qu’elle n’était plus en conflit avec Argos et que leurs relations commerciales étaient maintenant établies sur des bases contractuelles plus solides. Argos est et reste un important client par Mærsk ». « Pour les chargeurs non opportunistes européens, le nombre de ruptures brutales de contrats de service a été assez faible », constate Philippe Bonnevie, délégué général de l’AUTF. Pas de quoi attirer l’attention de la DG concurrence, mais celle-ci pourrait toujours s’autosaisir et s’étonner de la simultanéité de certains comportements armatoriaux.
Par exemple Yang Tse et Bohai Rim services associant les trois transporteurs, ou Pearl River Express formé par CMA CGM et MSC.