Les gestionnaires de ports et des villes portuaires s’efforcent d’établir entre elles une coopération. Les exemples sont nombreux; on citera l’accord entre les villes de Bordeaux et de Ashdod (Israël) comportant un volet portuaire, la convention conclue par le Grand port maritime de Marseille avec la Cnuced (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement), l’accord de coopération entre le Grand port maritime du Havre et le port de Duisbourg, la convention de partenariat entre le Grand port maritime de Rouen et le syndicat mixte gérant les ports de Cherbourg et de Caen-Ouistreham. Il existe également des structures de concertation entre les ports à l’instar de l’Union des Ports de France (UPF), l’Espo (European Sea Ports Organisation) ou IAPH (International Association Ports et Harbors), ou des chartes de jumelage des ports comme celle qui existe entre Dakar et Dunkerque. Ce rapprochement entre les ports ne relève pas toujours d’un cadre institutionnalisé.
Le conseil de coordination interportuaire
La loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a créé une structure spécifique: le conseil de coordination interportuaire. Selon ce texte, « pour assurer la cohérence des actions de grands ports maritimes et, le cas échéant, de ports autonomes fluviaux, s’inscrivant dans un même ensemble géographique ou situés sur un même axe fluvial, un conseil de coordination interportuaire associant des représentants de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des ports concernés ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants des établissements gestionnaires d’infrastructures terrestres ou de l’établissement public chargé de la gestion des voies navigables peut être créé par décret ». Cette structure administrative ne concerne que les relations entre certains grands ports maritimes et les ports autonomes fluviaux. C’est ainsi que seuls deux conseils de coordination interportuaire ont été créés, celui de la Seine regroupant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, et celui de l’Atlantique pour les ports de Nantes/ Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux. Les collectivités territoriales concernées et leurs groupements sont représentés au sein de ces conseils.
Les grands ports maritimes de Marseille et de Dunkerque n’ont pas la faculté de participer à un conseil de coordination interportuaire avec des ports comme Arles, Sète ou Toulon pour l’établissement public portuaire marseillais, ou de Calais, Boulogne-sur-Mer et Lille pour le grand port maritime de Dunkerque. Cette situation n’a pas suscité de débats de la part des parlementaires. Des rapprochements sont souhaités entre les ports, mais aucune forme juridique ne paraît satisfaisante en vue d’une gestion commune de plusieurs sites portuaires à gestion décentralisée par un Grand port maritime et des collectivités territoriales. Certains ports sont gérés actuellement par une seule entité, c’est le cas des ports de Nantes et de Saint-Nazaire relevant d’un établissement public Grand port maritime, ou des ports de Caen-Ouistreham et Cherbourg administrés par un syndicat mixte.
La société portuaire et la société publique locale
La loi permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de prendre des participations dans des sociétés portuaires, à condition que l’un au moins des ports dont la gestion est assurée par une telle société se trouve dans leur ressort géographique. Le législateur n’a pas expressément envisagé la prise de participation des grands ports maritimes dans le capital social des sociétés portuaires, la loi portant réforme portuaire semble d’ailleurs s’y opposer car elle interdit à ces établissements publics de gérer des outillages publics, activité qui constitue la vocation principale de ces sociétés. Si les sociétés publiques locales, de création récente, peuvent avoir pour objet l’aménagement et l’exploitation d’ouvrages portuaires, seuls des collectivités territoriales et leurs groupements peuvent en être actionnaires, et non les Grands ports maritimes.
Le groupement d’intérêt économique
Les personnes de droit public peuvent être membres d’un groupement d’intérêt économique, c’est le cas par exemple du GIE dragages-ports créé à l’initiative de l’État, ou du GIE Nord Container Service (NCS) créé entre le Grand port maritime de Dunkerque et la CCI de Lille, Roubaix, Tourcoing concessionnaire du port de Lille.
Selon le code de commerce, le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci.
La responsabilité solidaire de ses membres constitue cependant un handicap sérieux pour les collectivités territoriales et les établissements publics qui adhèrent à un groupement d’intérêt économique, c’est la raison pour laquelle ce régime est peu utilisé dans le cadre de la gestion portuaire.
Le groupement d’intérêt public et le syndicat mixte ouvert
La loi portant réforme portuaire envisage la création de groupements d’intérêt public pour assurer la mise en commun de moyens portuaires, mais ce régime juridique présente plusieurs inconvénients notamment une procédure lourde pour sa mise en œuvre, un objet limité aux activités de promotion commerciale et à l’entretien des accès maritimes, ainsi qu’une existence limitée dans le temps.
La coopération entre les personnes de droit public peut intervenir sous la forme d’un syndicat mixte. Afin qu’un grand port maritime puisse y participer, il y a lieu d’envisager la création d’un syndicat mixte « ouvert », c’est-à-dire accueillant des collectivités territoriales et d’autres personnes de droit public. Si son objet le permet, cet établissement public est susceptible de gérer une concession d’outillage public portuaire, mais comme pour l’adhésion à la société portuaire, l’interdiction légale imposée dans ce domaine aux grands ports maritimes devrait empêcher leur participation à cette structure juridique.
La liberté de gestion: un objectif réaliste
Derrière l’appellation Grand port maritime se dissimulent des contraintes qui en limitent le développement. À une époque où la stratégie du transport maritime est élaborée au niveau planétaire, il est regrettable que le législateur ne permette pas la coopération entre les ports voisins en raison de leur statut ou de l’objet de leur mission.
Pour parodier Clemenceau, affirmons que le régime de gestion des ports est une chose trop sérieuse pour le faire dépendre de la volonté de la classe politique! Militons pour une réelle application du principe de liberté dans ce domaine.