Dans le cadre de la construction d’un thonier senneur confiée par un armement à la pêche français à un chantier turc, construction qui n’a pas fait l’objet d’un véritable suivi de la part de l’armement et dont la livraison s’est effectuée sans réserve, deux types de problèmes techniques sont survenus postérieurement à la livraison:
– d’une part, et avant la première campagne de pêche, des doutes émis par le conseil technique de l’armateur sur la qualité du lignage des lignes d’arbres ont conduit celui-ci à décider unilatéralement et à entreprendre avant cette campagne le contrôle et le calage des deux lignes d’arbres du navire dans leur intégralité;
– d’autre part, des constats effectués juste avant et juste après la première campagne de pêche sur des détériorations du revêtement des cales à poissons ont été signifiés au chantier pour une prise en compte au titre de la garantie.
Fort de ces deux arguments, l’armateur obtenait auprès du Tribunal de commerce la nomination d’un expert judiciaire afin qu’il apprécie les différentes responsabilités et qu’il établisse les différents décomptes, au terme du rapport d’expertise en résultant. C’est dans le cadre de cette expertise que les travaux de réfection des cuves à poissons ont pu être évalués, décidés et réalisés avant la seconde campagne de pêche.
Le tribunal arbitral, examinant les demandes des parties à la lumière du déroulement des faits, a considéré qu’il y avait lieu de différencier très nettement les deux principaux chapitres de réclamations:
– Concernant les défauts de lignage de la propulsion, il a été noté que, d’une part, selon les dires de l’expert judiciaire, un doute subsistait quant à l’origine possible des désordres, que, d’autre part, la procédure prévue dans le contrat de construction pour la mise en œuvre de la garantie (art. 15.4) n’avait pas été respectée stricto sensu – alors que les délais impartis permettaient qu’elle puisse l’être sans invoquer l’urgence – et que, enfin, les conditions techniques des différentes mesures des lignages effectuées par les parties n’avaient pas été les mêmes, laissant ainsi planer une certaine incertitude quant à la véracité des désordres.
– Concernant le revêtement des cuves à poissons, le caractère contradictoire de la procédure, contesté par le chantier, a été confirmé, compte tenu de la présence effective d’un représentant de celui-ci lors du débat sur le sujet organisé sous l’égide de l’expert judiciaire et au cours duquel la décision de la réfection des cuves a été prise et des évaluations chiffrées ont été avancées. Sur le fond, il a été observé que les conditions de mise en œuvre de la garantie telles que prévues à l’article 15 du contrat de construction étaient satisfaites, aucun doute ne subsistant dans le rapport de l’expert quant à l’imputabilité au chantier des détériorations des cuves.
– Concernant les postes de réclamations secondaires de l’armement (frais divers et main-d’œuvre associée), aucun élément justificatif précis n’ayant été apporté de manière irréfutable, il a été considéré qu’ils ne pouvaient être mis à la charge du chantier.
Sur ces fondements, il n’a donc pas été donné suite à la demande de l’armement pour ce qui concerne les dépenses consécutives aux défauts de lignage et les dépenses secondaires. À l’inverse, le chantier a été déclaré responsable des détériorations du revêtement des cuves à poissons et condamné à verser à l’armement le montant en principal des travaux de réfection réalisés, ainsi que les frais d’expertise judiciaire. Les réclamations de l’armement concernant l’indemnité au titre de l’article 700 du CPC ont été imputées à la charge du chantier après une réduction de 30 % (même proportion que les montants en principal) et les frais et honoraires d’arbitrage ont été partagés entre le chantier pour 70 % et l’armement pour 30 % (idem).