Sentence 1168 du 21 décembre 2009

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L’affaire résulte d’une avarie par entrée d’eau de mer dans une cargaison de vrac, constatée contradictoirement à l’arrivée du navire. Le destinataire de la cargaison, porteur du connaissement, demande réparation de son préjudice, tant à l’armateur du navire qu’à son affréteur. Tous deux plaident l’incompétence de la Chambre et l’irrecevabilité des demandes à leur encontre.

Les contrats en cause et les parties concernées sont:

* Un contrat de tonnage conclu par la filiale d’un groupe industriel français, affréteur et chargeur, avec un opérateur agissant comme fréteur, prestataire de service habituel de ce groupe en matière de fret maritime. Ce contrat porte sur un certain nombre de cargaisons à acheminer au cours d’une année par navires vraquiers à désigner. Il est basé sur la charte-partie GENCON et comporte une clause compromissoire additionnelle donnant compétence à la Chambre.

* Une charte au voyage conclue par l’opérateur, agissant comme affréteur, avec l’armateur, à des conditions assez semblables à celles du contrat de tonnage, à quelques exceptions près, dont l’arbitrage en droit anglais à Londres demandé par l’armateur et concédé à la première demande par l’opérateur.

* Une confirmation de la nomination du navire sur le contrat de tonnage, incorporant tous les termes prévus à ce contrat, incluant l’arbitrage de la Chambre à Paris. Cette confirmation a la valeur d’une charte au voyage passée entre l’opérateur, fréteur au voyage, et le chargeur, affréteur au voyage.

* Un connaissement « Congenbill 1994 », sans en-tête, signé par le capitaine et portant le timbre du navire est à l’ordre du destinataire, filiale du même groupe industriel français que le chargeur et fait référence à la date de la charte-partie conclue par l’armateur, qui lui est incorporée ainsi que, spécifiquement, sa clause compromissoire.

Le destinataire dispose d’une garantie suffisante, consentie par le P&I Club du navire, afin d’éviter sa saisie. L’armateur déclare que, en négociant l’affrètement de son navire, il a refusé l’arbitrage à Paris et obtenu l’arbitrage à Londres, inscrit à la charte-partie et incorporé au connaissement. Il soutient que l’arbitrage à Paris ne lui est pas opposable et que les arbitres de la Chambre sont incompétents.

En cours de procédure, le destinataire, demandeur, s’est désisté de sa demande à l’encontre de l’armateur. Les arbitres en ont pris acte et ont déclaré que l’armateur était hors de cause.

En ce qui concerne leur compétence vis-à-vis de l’opérateur, les arbitres déclarent:

* La compétence des arbitres de la Chambre ne peut être fondée sur le connaissement, qui incorpore explicitement la clause d’arbitrage à Londres de la charte-partie passée entre l’armateur et l’opérateur.

* La difficulté rencontrée par le destinataire pour attraire l’opérateur devant les arbitres de la Chambre, impossibilité en ce qui concerne l’armateur, provient de la concession par l’opérateur de l’arbitrage à Londres lors des négociations de l’affrètement du navire, à la première demande de l’armateur. Or, le destinataire ne pouvait connaître le changement de clause d’arbitrage, la charte-partie réputée « incorporée » au connaissement n’y étant pas physiquement attachée, avant d’avoir tenté, en vain, de mettre en œuvre l’arbitrage de la Chambre à l’encontre de l’armateur.

Il est apparent et incontestable que ces faits causent du tort au destinataire. Certes, il n’y a pas d’obligation contractuelle explicite du fréteur d’un contrat de tonnage à sous-affréter au voyage à des conditions générales identiques (« back to back ») à celles du contrat mais c’est un usage prudent et très recommandable dont le non-respect est susceptible de provoquer des difficultés et des malentendus préjudiciables.

* Le destinataire a invoqué la jurisprudence de la Cour de Cassation du 27 mars 2007 (Arrêt Alcatel) qui permet d’appliquer la clause compromissoire de l’un des contrats d’une chaîne de contrats ayant pour objectif d’assurer le transfert de propriété de biens aux autres de la chaîne.

Les arbitres acceptent cette thèse en constatant que la clause d’arbitrage en faveur de la Chambre a été acceptée par l’opérateur dans ses relations contractuelles avec le groupe industriel concerné, que l’opérateur l’a explicitement demandée dans sa première offre à l’armateur, ce qui établit qu’elle ne peut être présentée comme contraire à son agrément. De plus, cette clause s’est trouvée écartée du fait de l’opérateur, sans bonne raison connue. Les arbitres se sont donc déclarés compétents pour trancher le litige entre le destinataire et l’opérateur en vertu de la clause compromissoire du contrat de tonnage liant l’opérateur au chargeur, proche parent du destinataire. Concernant la recevabilité des demandes à l’encontre de l’opérateur, les arbitres constatent que ces demandes sont fondées sur le connaissement, contrat de transport, et s’adressent au transporteur, que le connaissement sans en-tête a été signé par le Capitaine et porte le timbre du navire, que ce navire était affrété au voyage et que, en conséquence, son armateur en conservait tant la gestion nautique que la gestion commerciale, et qu’aucun indice contraire ne venait contredire que, dans ce cas simple, le transporteur maritime est celui que le connaissement désigne, l’armateur propriétaire du navire.

En conclusion, les arbitres déclarent que l’opérateur n’était pas le transporteur de la marchandise et qu’il n’a pas à répondre de ses avaries constatées à l’arrivée.

Les arbitres ont invité le destinataire, demandeur, à mieux se pourvoir.

Les arbitres ont décidé de partager également les frais de l’arbitrage entre le destinataire et l’opérateur, l’armateur, hors de cause n’y participant pas, et de rejeter toutes autres demandes des parties.

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