Est-ce véritablement une affaire nationale? Le sinistre de Deepwater Horizon semble dépasser les frontières des États du sud des États-Unis, Louisiane, Floride et Texas. Depuis le 20 avril, date de l’explosion de la plate-forme, le pétrole continue de s’échapper du puits à raison de plusieurs milliers de litres par jour. Un premier point qu’il faut considérer puisque les données fournies par BP, exploitant la plate-forme, ont souvent été contredites en interne.
Limiter ce sinistre à cette seule région maritime du monde est réducteur. Dans une tribune publiée par Christian Huglo – avocat au Barreau de Paris et spécialiste du droit de l’environnement – dans la Revue mensuelle Environnement et développement durable, il met en évidence une nouvelle conception du droit international de l’environnement marin. Un sujet qui monte, puisque « pour le président de la Russie, le sujet devrait être évoqué lors du sommet du G20 et chaque État côtier qui, soit exploite ou fait exploiter les richesses pétrolières sous-marines, soit envisage d’y procéder, est attentif à ce qui se passe et va se passer ». La volonté du président de la Russie n’aura pas suffi et le G20 de Toronto s’est achevé sans que ne soit abordé ce sujet.
Au-delà de ce sinistre, la question centrale d’un point de vue juridique se pose sur le principe de prévention dans toute sa dimension du droit public. « Comment expliquer que l’exécutif le plus puissant de la planète se révèle impuissant à agir et se réfugie derrière des menaces de procédure civile sans équivalent au monde, ou même de la procédure pénale de l’État, admettant par là-même que les instruments juridiques à sa disposition ne sont pas adaptés à la situation; et cela, à notre sens, parce que le droit des États-Unis d’Amérique s’est engagé dans la seule voie qui est celle de la réparation civile ou de la réparation pénale », s’interroge Christian Huglo dans sa tribune.
Quelle législation?
Un autre point de droit se pose: Quelle législation s’applique dans le cas d’un sinistre survenu à une plate-forme pétrolière? Oil Pollution Act ou Water Clean Act? Le premier texte a été pris après le sinistre de l’Exxon-Valdez pour prévoir les indemnisations en cas de déversement pétrolier. Le second, le Clean Water Act (CWA, 1972), est un amendement sur le Federal Water Pollution Control Act (1948) qui contient des règles basiques sur les rejets polluants dans l’eau. Le CWA a été établi pour améliorer et préserver les qualités chimique, biologique et physique de l’eau (incluant les océans, les lacs, les rivières, les plans d’eau, les eaux souterraines et les terrains marécageux) aux États-Unis. Un procès dans le cadre de l’Oil Pollution Act serait long et compliqué. D’autres considérations juridiques découleront.
Il s’avère que le système américain se montre impuissant face à ce sinistre. L’exploitant, à savoir BP, n’a jamais voulu arrêter le puits. Il a simplement pris des mesures pour tenter de récupérer le pétrole qui s’échappe. Des précédents ont malgré tout existé. Lorsque la plate-forme Ixtock-1 a explosé dans le Golfe du Mexique, en baie de Campêche en 1979, les responsables ont jeté des blocs de béton sur la tête du puits pour éviter des fuites importantes. Le bilan ne sera jamais précisément donné.
Il apparaît que le sinistre de Deepwater Horizon démontre de la faiblesse du pouvoir public par rapport aux sociétés privées aux États-Unis. Une situation qui ne pourrait pas survenir en France. De nombreuses conventions internationales ratifiées par les gouvernements permettent à la puissance publique d’intervenir. « En France, le bras de la puissance publique est en quelque sorte armé par la référence au droit international. Les États-Unis sont, eux, très réticents, pour ne pas dire plus, vis-à-vis du droit international », note Christian Huglo. Et l’avocat du Barreau de Paris va plus loin. Il considère que si le droit de l’environnement est efficace quand il s’allie au droit international et au droit public, il faut aussi chercher la solution pour faire entrer le droit de l’environnement dans celui des constructions minières ou pétrolières pour rendre efficace les contrôles. Et par voie de conséquence se pose la question de l’efficacité des autorités de contrôle outre-Atlantique. Trois points doivent être déterminés pour juger de l’efficacité d’une législation en la matière: vérifier que les actes de concession disposent bien de mécanismes de prévention, ensuite, vérifier que la législation oblige l’exploitant à adapter son risque à ses performances technologiques. Enfin, l’État doit obliger l’assureur à entrer dans la logique du système. Dans ces conditions, « la puissance publique doit se faire sentir dans la puissance coercitive au moment où survient l’accident », souligne Christian Huglo.