La saisie conservatoire des navires face aux intérêts portuaires

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Le différend qui oppose le débiteur saisi au créancier saisissant pour une créance maritime entraîne l'immobilisation du navire, situation qui affecte dans la plupart des cas les intérêts des tiers dont ceux de l'autorité portuaire. Tel était le thème du séminaire organisé le 2 juin par l'Association du corps d'officiers de port du Maroc (ACOPM). La recherche de la compétitivité et de l'efficacité constitue un objectif majeur pour les autorités marocaines, et le nombre important de saisies de navires en compromet la réalisation.

Il a été observé que le nombre de procédures mises en œuvre n'est pas proportionnel au volume de trafic traité comparativement aux ports de l'Europe du Nord. Au port de Casablanca, on compte annuellement jusqu'à cinquante navires saisis représentant au total environ 3 900 jours d'immobilisation de postes à quai. Le comportement frauduleux de certains armateurs ou chargeurs explique en partie la situation (vente fictive du navire, création de single ship companies, fraude sur la prétendue disparition de la marchandise…), en raison de l'allongement nécessaire des procédures pour établir la réalité des droits du saisissant.

Les contraintes supportées par la communauté portuaire

Pour l'autorité portuaire, la saisie de navires a pour conséquence de rendre improductifs les postes à quai concernés, de perturber l'organisation du port et de détériorer son image de marque par la présence de navires délabrés. Parfois, elle doit de surcroît gérer un problème humain critique lorsque l'équipage n'est plus rémunéré et que les vivres manquent à bord.

Les agents consignataires de navires s'estiment également victimes des saisies conservatoires de navires, en particulier en raison du manque d'information sur la procédure engagée, du non-paiement des frais de procédure dont ils font l'avance, des notifications d'actes qu'ils reçoivent même après la fin de leur mandat.

La recherche de solutions

Des solutions ont été recherchées à travers les expériences menées notamment dans les ports européens. C'est ainsi qu'au Royaume-Uni, une garantie bancaire est réclamée préalablement à toute demande de saisie de navire. En Allemagne, la procédure de saisie ne peut pas être engagée si le débiteur possède des biens dans le pays et dont l'importance est susceptible de garantir le paiement de la créance.

Les représentants des P & I clubs ont rappelé que les garanties offertes étaient fiables, même si, de manière très marginale, certains clubs n'honorent pas leurs engagements. Il a été souligné à cette occasion que des banques ont refusé d'accorder leur garantie en vue de permettre la mainlevée de la saisie.

La portée de la saisie conservatoire

Il a été rappelé que la saisie conservatoire d'un navire est prononcée sous réserve des droits des tiers, dont l'autorité portuaire fait habituellement partie. Le droit de propriété attaché à la créance du saisissant ne saurait primer l'intérêt général que représente le fonctionnement normal du service public portuaire.

Bien que légitime, la mise en œuvre de la saisie ne doit pas préjudicier aux tiers, c'est-à-dire par exemple que les frais de déhalage du navire saisi dans un port, ou vers un autre port, de même que les droits de port peuvent être mis à la charge du créancier saisissant.

Les recommandations adoptées

Une large concertation entre les parties concernées est envisagée afin de définir les remèdes au fléau que représente pour les autorités portuaires marocaines la multitude de saisies conservatoires de navires.

Il est suggéré que le nouveau code maritime marocain prenne en compte les conséquences économiques des saisies pour les activités portuaires, afin de limiter le recours à cette procédure.

Lors de l'examen des demandes de saisie de navires, il serait souhaitable que les magistrats se rapprochent des commandants de port afin d'adapter leurs décisions au contexte portuaire sur le plan de l'exploitation et de la sécurité.

À l'instar de la solution adoptée au Royaume-Uni, les participants au séminaire proposent que les demandes de saisies conservatoires de navires ayant pour fondement une créance née à 'étranger, impliquent la présentation préalable d'une caution.

L'entrée en vigueur, au 1er janvier 2012, de la directive no 2009/20/CE du 23 avril 2009 imposant aux propriétaires de navires de s'assurer pour les créances maritimes est susceptible de réduire le nombre de saisies conservatoires au sein des ports de l'Union européenne, et peut être par voie de conséquence dans les ports marocains, sachant que les navires des États tiers seront également soumis à cette obligation.

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