Cette loi modifie celle du 15 juillet 1994 relative à l'exercice des pouvoirs de l'État en matière de police en mer. Conformément à la convention des Nations unies de Montego Bay du 10 décembre 1982, elle s'applique à la haute mer, aux espaces maritimes ne relevant de la juridiction d'aucun État et aux eaux territoriales d'un État, lorsque le droit international l'autorise. Elle précise que, dans les conditions d'habilitation de police judiciaire fixées par décret en Conseil d'État, « les commandants de bâtiments de l'État, les officiers de la Marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants des aéronefs de l'État, chargés de la surveillance en mer » peuvent procéder à « la recherche et l'appréhension » des pirates, « la saisie d'objets ou documents » et à « la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions », lorsqu'il n'existe pas « de mesures techniques envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions, dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur ».
En métropole, le tribunal de grande instance du siège de la préfecture maritime ou celui ressortissant du port où le navire a été dérouté est compétent pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions. Cette compétence s'étend à la juridiction de première instance située au siège du délégué du gouvernement pour l'action de l'État en mer pour les départements d'outre-mer, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, Saint-Barthélémy, Saint-Martin, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises. Le code de procédure pénale est modifié et porte la peine « à trente ans de réclusion criminelle », si l'infraction est commise « en bande organisée ».
Des mesures de coercition adaptées peuvent être prises en vue de préserver le navire, sa cargaison et la sécurité des personnes à bord. Tout présumé pirate capturé bénéficie « d'un examen de santé par une personne qualifiée dans un délai de 24 heures ». En outre, dans les 48 heures, le procureur de la République saisit le juge des libertés et de la détention pour la prolongation jusqu'à 120 heures des mesures de restriction ou de privation de liberté, renouvelables le temps nécessaire pour remettre les suspects à l'autorité compétente. Enfin, la loi stipule que les enfants de nationalité française dont le père, la mère ou le soutien de famille a été victime d'actes de piraterie maritime peuvent devenir pupilles de la Nation dans les conditions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, pour les actes commis depuis le 10 novembre 2008.
Débat animé et consensuel
Lors du débat préalable tenu dans la matinée du 6 mai, le rapporteur André Dulait (Union pur un mouvement populaire, UMP) a souligné que « le projet de loi reconnaît aux juridictions françaises une compétence quasi universelle contre la piraterie, avec certaines restrictions, en raison des accords passés avec le Kenya et les Seychelles ». Pour se conformer à l'arrêt Medvedev de la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg, le projet précise les conditions de rétention des présumés pirates et l'intervention rapide d'un juge du siège. De son côté, André Trillard (UMP) a rappelé que la commission des Affaires étrangères du Sénat « a rejeté l'idée d'une compétence universelle des juridictions françaises » et que le régime de rétention à bord répond aux griefs de la Cour de Strasbourg. Les présumés pirates transférés par voie aérienne seront remis à la justice dès leur arrivée en France.
Déplorant l'application des dispositions sur la rétention à bord à l'immigration illégale et au trafic de stupéfiants, « mélange inacceptable des genres », Michèle Demessine a indiqué que le Parti communiste s'abstiendra. Estimant que le projet de loi sur la piraterie risque d'être dépassé par celui sur la réforme de la procédure pénale, Didier Boulaud a déclaré que le Parti socialiste s'abstiendra également, « mais de façon bienveillante ». En revanche, Yvon Collin a déclaré que le Rassemblement démocratique et social européen votera le texte, qui « propose un arsenal juridique spécifique, en transposant la convention de Montego Bay sur le droit de la mer tout en garantissant les droits des personnes appréhendées ». Pour René Beaumont (UMP), « avec ce projet de loi, la France ne pourra plus être condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme ».
Dans l'après-midi du 6 mai, Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, a apporté diverses précisions. L'accord conclu avec les Seychelles reste en vigueur, mais le Kenya a effectivement dénoncé le sien, faut de pouvoir l'appliquer. L'Union européenne va négocier des accords avec la Tanzanie, l'Ouganda, le Mozambique, l'Île Maurice et l'Afrique du Sud. Aucun accord n'existe entre la France et la région semi-autonome du Puntland. Les cas sont examinés un par un. Un « échange verbal systématique » avec le gouvernement fédéral somalien permet de vérifier que ni la peine de mort, ni un traitement dégradant ne seront appliqués. Selon le ministre, en 2008, 2009 et 2010, les 83 pirates remis aux autorités du Puntland ont été condamnés à des peines de cinq à quinze ans de prison. Enfin, la participation de la France à la formation des policiers et des gardes-côtes constitue un jalon « pour aider la Somalie à construire des institutions stables, condition de développement économique ».