Un navire a été affrété à temps en exécution d'un contrat de vente d'un lot de riz chinois en sacs. Entre le chargement en Chine et le déchargement à Monrovia le navire fit notamment relâche à Singapour pendant près de 3 mois pour réparation du moteur principal. Des avaries importantes à la cargaison ayant été constatées à l'arrivée au port de Monrovia, le navire a fait l'objet, à la demande des intérêts cargaison, d'une saisie conservatoire dont la mainlevée a été donnée contre une garantie remise par le P & I Club de l'armateur pour toute somme qui pourrait être adjugée par une décision de la CAMP déterminée par application de la loi française.
La demande des assureurs subrogés était dirigée à l'encontre de l'affréteur à temps du navire en sa qualité de transporteur réel de la cargaison.
Selon les demanderesses, la compétence de la CAMP ressort directement des termes mêmes de la lettre de garantie : « ... the competence of which is expressly accepted by all parties whose interest lie with the vessel... ». L'affréteur à temps est forcément partie prenante aux intérêts du navire et la CAMP a bien compétence pour connaître de la demande à son encontre qui doit être accueillie sur le fondement du mandat apparent.
Les conditions d'application du mandat apparent telles qu'elles ressortent de la jurisprudence de la Cour de Cassation étaient réunies : l'apparence de mandat et la bonne foi du tiers. Les bénéficiaires ont légitimement cru qu'ils étaient tous deux garantis par la formulation de la lettre de garantie car elle était émise « on behalf of the owners and/or the carriers of the above vessel ». Le caractère légitime de la croyance des bénéficiaires était renforcé par les circonstances de l'émission de la garantie par l'un des Clubs britanniques de premier rang. Sa notoriété et l'usage rendait inconcevable, dans le cadre d'une saisie conservatoire, d'en vérifier les pouvoirs.
Pour la défenderesse, en vertu de l'effet relatif des conventions, nul ne peut lier une personne sans que celle-ci l'ait voulu, or en fait l'affréteur à temps n'avait jamais donné son consentement à la lette de garantie et la clause compromissoire ne peut donc lui être opposée. Elle contestait par ailleurs que les conditions d'existence du mandat apparent étaient réunies.
Pour se déterminer, le Tribunal arbitral a examiné successivement la formulation elle-même de la lettre de garantie et les circonstances dans lesquelles s'était déroulée son émission.
Sur la formulation, l'expression répétée « owner and/or carrier(s) » pouvait laisser croire que la garantie était donnée au nom de l'armateur et ou du transporteur. Cependant la lettre de garantie se terminait par « This guarantee is issued without prejudice to the question of Owner's liability » . Cette phrase finale laissait planer un doute sur l'engagement du Club vis-à-vis du transporteur si celui-ci n'était pas l'armateur.
Le navire ayant été seul saisi, mais non les soutes, il était logique que le Club n'intervienne que pour son membre affilié, l'armateur. Pour que les bénéficiaires de la garantie croient légitimement que le Club donnait également sa garantie à l'affréteur à temps en sa qualité de transporteur maritime alors qu'il n'en était pas membre, il fallait que le Club, ou son représentant, ait pu laisser croire par son comportement qu'il en était ainsi.
Or selon les documents versés aux débats, il apparaissait que les négociations sur le montant et les termes de la lettre de garantie s'étaient étalées sur deux semaines, exclusivement entre le courtier des assureurs et le représentant du Club de l'armateur, et que, si l'armateur y était bien mentionné, à aucun moment n'était citée la défenderesse .
Il n'était ainsi nullement démontré que le P & I Club se soit en fait comporté au cours des négociations préalables à la remise de la garantie comme le mandataire de la défenderesse. L'une, au moins, des conditions de l'application de la théorie du mandat apparent, l'apparence de mandat, n'était donc pas présente et il n'a pas semblé vraisemblable au Tribunal arbitral que les demanderesses, en professionnelles averties, aient pu légitimement croire que la compétence de la CAMP avait été acceptée par la défenderesse.
En conséquence, le Tribunal arbitral s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande des assureurs subrogés.
Une somme a été accordée à la défenderesse au titre de l'article 700 du CPC et les demanderesses ont été condamnées à payer l'intégralité des frais et honoraires d'arbitrage.