Selon le centre de recensement de la piraterie de l'International Maritime Bureau (IMB) de Londres, il y a eu 406 actes de piraterie en 2009, contre 293 un an auparavant. Des pirates ont détourné 49 navires (49 en 2008), ont pris 1 052 navigants en otage (889), en ont enlevé 12 contre rançon (42), en ont blessé 68 (32) et en ont tué 8 (11).
Du golfe d'Aden...
La hausse générale est surtout due aux attaques dans le golfe d'Aden avec 116 incidents (92 en 2008) et la côte Est de la Somalie avec 80 (19). La mer Rouge est touchée à son tour avec 15 incidents, contre aucun auparavant. Depuis octobre la piraterie a été plus active en océan Indien avec 33 incidents (13 détournements), dont 13 (4 détournements) ont eu lieu à l'est de la limite recommandée de 60 °de longitude. La plupart d'entre eux se sont produits à environ 1 000 milles de Mogadiscio. Les pirates se servent souvent de bateaux de pêche ou de boutres comme navires mères pour éviter d'être repérés. Le nombre d'attaques attribuées à des pirates somaliens se monte à 217 en 2009, avec 47 détournements de navires et 867 navigants pris en otages. À ce propos, l'Union royale des armateurs belges (Urab) estime insuffisantes les mesures actuelles prises par la communauté internationale contre la piraterie dans cette région. « Bien que le niveau de coordination entre les forces navales assurant la protection de la navigation soit extrêmement bon, il ne permet pas de dégager les avantages qu'apporterait une structure de commandement unifiée, souligne l'Urab dans un communiqué, les résolutions des Nations unies, qui réitèrent l'autorité des gouvernements d'agir en la matière, font l'objet d'interprétations différentes par les divers pays ayant des navires de guerre dans la région. Chaque pays applique également ses propres règles d'engagement, ce qui empêche d'agir dans la cohérence contre les pirates pris en flagrant délit. Une réaction cohérente et robuste à l'encontre des pirates est donc nécessaire ».
Notant que le golfe d'Aden est si vaste qu'il faut parfois deux jours à un bâtiment sur zone pour arriver sur les lieux d'un appel de détresse, l'Urab regrette que « trop souvent, on laisse les embarcations motorisées interceptées retourner en Somalie, sans autre action, ce qui convainc les pirates que les forces navales n'iront pas jusqu'au bout dans leurs opérations. De même, lorsque des pirates sont appréhendés, de nombreux États les laissent souvent rentrer chez eux sans détention, ni poursuite pénale, ce qui ne devrait plus être le cas pour la Belgique prochainement en raison de la toute nouvelle loi en la matière ».
...à celui de Guinée
Le nombre d'attaques au large du Nigeria a diminué, passant de 40 à 28 en un an. Toutefois, l'IMB estime que les risques sont aussi grands que dans la Corne de l'Afrique, car de nombreux incidents ne lui sont pas signalés par crainte de représailles. En outre, « le niveau de violence atteint dans le golfe de Guinée est extrême et il y a eu des attaques violentes contre les équipages avec des morts », a déclaré en décembre à Londres Peter Hinchliffe, directeur général de l'association armatoriale International Chamber of Shipping (ICS) qui regroupe 75 % des compagnies maritimes dans le monde. Le golfe de Guinée, qui s'étend du Liberia au nord à l'Angola au sud, produit 5 millions de barils de pétrole brut par jour. Là, les pirates préfèrent saisir les cargaisons, plutôt que de prendre des navigants en otages pour en tirer des rançons. Selon des experts militaires, ils sont mieux entraînés que ceux de Somalie, disposent de davantage d'armes à feu et sont capables de s'emparer de pétroliers et de les diriger vers des ports, où la sûreté est faible et l'administration facile à corrompre. Le pétrole volé est ensuite revendu localement. Par ailleurs, Peter Pham, professeur à l'université américaine de Madison (Virginie) souligne que certaines compagnies pétrolières ne rendent pas compte des attaques dont elles font l'objet, afin de ne pas informer les pirates de leur vulnérabilité. De son côté, le chef d'état-major de la Marine britannique, l'amiral Mark Stanhope, a indiqué début janvier que la piraterie en Afrique de l'Ouest est « quelque chose que nous ne pouvons ignorer. Cela devient préoccupant ».
Là aussi, la solution se trouve à terre. Certains États riverains réagissent. Ainsi, le Cameroun a envoyé un bataillon, formé par des instructeurs israéliens, dans sa zone du golfe de Guinée. En outre, il va lancer des opérations maritimes le long de la côte en coopération avec la Guinée Equatoriale, le Gabon et Sao Tomé et Principe. Par contre, le gouvernement nigérian n'y déploie pas encore de troupes, indique le colonel Mohamed Yerima, porte-parole militaire, alors que « l'armée nigériane a la capacité de défendre les eaux territoriales ». Le risque d'extension de la piraterie est réel. « Nous allons assister à une prolifération de ce type d'attaques dans des régions où les gouvernements nationaux ne peuvent faire respecter la loi et l'ordre, anticipe Peter Hinchliffe (ICS), parce que la piraterie en Somalie est considérée comme un modèle d'activité qui réussit ! »
La Marine tanzanienne à l'aide de Mærsk
Le groupe danois A.P. Moller-Mærsk a reconnu avoir sollicité l'escorte d'un bâtiment militaire tanzanien pour protéger son pétrolier Brigit-Mærsk jusqu'à un port de l'Afrique de l'Est, après une attaque contre un de ses navires dans le golfe d'Aden en décembre 2008. « Nous avons simplement payé la solde et le carburant pour les Tanzaniens », a déclaré son porte-parole, précisant qu'il s'agissait d'une mesure isolée. L'Association des armateurs danois ne souhaite pas l'emploi de gardes privés à bord de navires marchands, mais accepte la présence de personnels militaires.