Inauguré en juin 1971, le premier Cross de France a vécu jusqu'à sa préadolescence dans des préfabriqués installés au milieu de nulle part, à 25 km de Cherbourg. Il entre dans ses locaux actuels en juin 1984. Vingt-cinq ans après, il était grand temps de les moderniser et de les mettre aux normes actuelles. Mais les vieux radars dont les pièces principales n'étaient plus fabriquées depuis des années ont, eux, été remplacés depuis septembre 2007. Le Conseil interministériel de la mer de juin 2000 en parlait déjà.
Entre la fin 2005 et la fin 2009, les principaux locaux du Cross ont été modernisés sans, bien sûr, interrompre les missions de sauvetage et de surveillance. Locaux de vie, de restauration, administratifs et opérationnels ont été refaits, du sol au plafond, électricité, climatisation et décoration comprises, sans omettre la touche « développement durable » qui convient : le chauffe-eau solaire permet d'économiser quelques kW. Les 52 personnes qui arment le Cross, peuvent maintenant s'y reposer et y travailler dans les meilleures conditions.
Mais c'est la nouvelle passerelle, ou salle des opérations qui remplit de fierté Hervé Goasguen, l'actuel directeur.
Elle est équipée de six postes de travail rigoureusement identiques et dotés du plus haut niveau d'intégration des moyens de communications et d'assistance à la décision.
En clair, à partir d'un écran tactile, l'opérateur peut à tout instant relier le poste téléphonique du médecin de garde de l'hôpital de Toulouse à la VHF du bateau de pêche dont un membre d'équipage est blessé. Chaque poste peut suivre la conversation et l'officier de permanence peut intervenir directement en cas de besoin. « Il n'y a pas nécessairement d'innovation dans les outils de communication. Simplement, ils sont beaucoup plus facilement et rapidement mis en oeuvre », résume Hervé Goasguen. Certains existaient à Jobourg et/ou dans d'autres Cross avec des différences de génération. Aujourd'hui Jobourg est en « avance » sur les autres qui seront progressivement équipés du système de gestion des voies de transmission.
Toutes les conversations sont numériquement enregistrées et instantanément réécoutables en cas de besoin. Un autre pas sera franchi avec l'arrivée, au mieux vers 2011, de la 2ème génération du système national d'aide informatisée à l'exploitation, baptisé Marylin. En ce domaine, c'est le Cross Med qui est en avance. En bref, l'idée est que l'opérateur dispose sur un seul écran de plusieurs outils d'aide à la décision qui, actuellement, ne peuvent être mis en oeuvre que manuellement. Exemple : un navire de pêche a besoin d'une assistance immédiate. Quelle est la station SNSM la plus proche ? Compte tenu de la marée, son canot peut-il sortir ? Si non, quel canot faut-il mobiliser ? Compte tenu de la météo, comment dérive le navire de pêche ? Dans ce cas d'espèce, le modèle de météo France est-il bien le plus pertinent ? « Il s'agit bien d'intégration de différents outils d'aide à la décision et non pas de décisions automatiques prises par un serveur », souligne Hervé Goasguen, « l'homme conserve la main à tout instant ».
Autre modernisation qui pourrait également être utile à la préfecture maritime de Méditerranée, à en juger par un récent retour d'expérience : l'existence d'une vraie cellule de crise adaptée aux besoins modernes. Celle de Jobourg dispose immédiatement de dix lignes téléphoniques directes. En cas de crise grave, on peut donc brancher immédiatement dix ordinateurs portables, le Cross fournissant l'électricité.
Le mouvement perpétuel
Si le plus gros a été fait, le dossier de la mise à niveau du Cross Jobourg n'est pas refermé, pour autant. Le sera-t-il jamais, à Jobourg comme ailleurs ? Outre quelques travaux de finition (lutte anti-incendie et anti-intrusion), il reste, par exemple, à y installer le nouveau système de gestion des stations VHF déportées. En termes simples, ce Cross, comme les autres, ne peut pas couvrir sa zone de compétence avec une seule station VHF, même dotée d'une antenne installée à plus de 230 m. Il dispose donc de « petites » stations intelligemment réparties sur la côte et reliés par liaisons herztiennes ; un système auquel tient la Marine nationale. Il a été décidé de doubler ce faisceau par une liaison « physique » en cuivre ou en fibre optique. L'étude est en cours.
Autre interrogation, quelle suite sera donnée à la question posée par le directeur des Affaires maritimes, Damien Cazé, au Conseil général de l'Environnement et du Développement durable sur « la pertinence à envisager une baisse des effectifs de quart dans les tros Cross de la Manche et de la mer du Nord » ? Le CGEDD devait finalement rendre sa copie en fin 2009.
Michel Neumeister