Échouement du André-L : fatigue et « soumission »

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En fin d'année dernière, le Bureau d'enquêtes sur les événements de mer, BEAmer, a diffusé son rapport (non daté) sur l'échouement de nuit d'un sablier récent de presque 85 m par bonnes conditions de navigation.

Un peu avant 2h, le 7 mai, le commandant (54 ans) du sablier chargé contacte sur le canal 71 le Côtes-de-Bretagne pour organiser sa mise à quai. En raccrochant, il oublie de repasser sur le canal 16. Aucune autre VHF n'est allumée à bord.

Le sablier fait route au N-N-O à 4 noeuds dans la moitié Est de sa zone d'attente. « Sans prendre conscience de la situation, le capitaine dépasse la bouée lumineuse cardinale Sud « Petite Barge » en la laissant sur son bâbord alors que son intention était de venir « faire tête » à proximité, pour reprendre ensuite une route orientée Sud, en restant dans sa zone d'attente. »

À partir de 2 h 00, « à trois reprises » le matelot timonier signale au capitaine la proximité de la cardinale Sud sur bâbord. Le capitaine réalise « tardivement » que le navire se rapproche « dangereusement » du haut-fond. Il met alors la machine en avant-demie et la barre à gauche pour venir sur bâbord.

A 2 h 17, le CROSS Etel intercepte les appels d'un bateau de pêche, sur le canal 16, qui essaie de prévenir le André-L. A 2 h 26, le CROSS et le sémaphore de St-Sauveur tentent également de le prévenir sur ce canal. Il talonne trois fois sur tribord, à 2 h 10 selon le commandant. La coque est déchirée. Il se dégage seul. A 3h, il confirme sa voie d'eau au CROSS, sans demander d'assistance. A 3 h 28, le sablier signale au CROSS être entré en contact avec son armement, Dragages Transport Travaux Maritimes : « la navigabilité n'est pas dégradée et les instructions sont de décharger la cargaison de sable sur la zone d'extraction puis de faire route vers La Pallice pour inspection de la coque par des plongeurs. Après inspections par le CSN de La Rochelle et du Bureau Veritas, le navire est autorisé à rallier Concarneau pour passage en cale sèche ».

Au total, le volume d'eau embarquée a été estimé à 700 m3. Le navire a été immobilisé cinq semaines dont quatre en cale sèche, entretien périodique inclus.

Fatigue générale du capitaine : facteur déterminant

Aucun facteur naturel n'a contribué directement à l'accident, note le BEA. Côté matériels, la passerelle est moderne et bien équipée. Un défaut «mineur» d'ergonomie est cependant noté : « la nuit, la luminosité de l'écran du poste de navigation, même en mode atténué, serait, aux dires du capitaine, excessive, si bien qu'il est recouvert d'un masque par certaines équipes de quart ». Le rapport continue.

« La réaction tardive du capitaine est due à l'addition de plusieurs erreurs, a priori sans conséquences fâcheuses et immédiates si elles sont prises isolément, notamment avec deux

hommes de quart habitués à travailler ensemble :

1. Omission de reprendre la veille VHF sur la voie 16 après un bref contact sur la voie 71, alors que la seconde VHF n'est pas en service.

2. Baisse de vigilance pouvant être due aux bonnes conditions de navigation, par beau temps, à vitesse économique et en milieu de nuit.

3. Absence de délimitation de la zone d'attente sur la carte de navigation électronique, associée le cas échéant à une alarme de proximité de la bouée cardinale Sud « Petite Barge », qui marque le danger le plus proche.

Bien qu'il ne soit à bord que depuis deux jours, les défaillances « 1 et 2 » peuvent être dues à un état de fatigue générale du capitaine.

Selon ses dires, cet état de fatigue générale a été confirmé par une visite médicale postérieure à l'accident. Elle a donc pu agir en facteur déterminant.

La défaillance « 3 », bien que d'ordre mineur pour du personnel ayant une parfaite connaissance des zones de navigation, a constitué un facteur aggravant de la distraction du capitaine. Une alarme lui aurait en effet immédiatement fait prendre conscience que la route du navire était dangereuse et que les observations du matelot de quart étaient justifiées.

Par ailleurs, la pratique consistant, la nuit, à masquer un écran délivrant des informations essentielles, même si cette pratique a pour but de ne pas gêner la veille visuelle vers l'extérieur, présente un risque ne pouvant être pallié que par l'utilisation d'un équipement délivrant des informations analogues ou la modification du système».

Recommandations

Après avoir noté que l'armement a finalement remplacé l'écran du logiciel d'aide à la navigation par un écran de type radar Furuno permettant des réglages de luminosité identiques à ceux des radars, le BEA «recommande : - aux capitaines et officiers de quart, de choisir, autant que possible, des zones d'attente suffisamment éloignées des dangers. Même s'ils ont une parfaite connaissance des zones de navigation fréquentées, d'utiliser au mieux les possibilités de paramétrage offertes par les systèmes de navigation électroniques, en intégrant par exemple les zones d'attente et en les associant à une alarme de proximité des limites. De prendre conscience que l'accumulation de fatigue par manque de sommeil génère immanquablement des pertes de vigilance. De s'abstenir de masquer tout écran délivrant des informations essentielles. De généraliser les sauvegardes VDR après tout événement de mer.

- Aux timoniers et matelots de quart, de s'affranchir des barrières hiérarchiques lorsqu'ils constatent que l'officier chef de

quart n'a pas conscience de l'imminence d'un danger ».

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