Par deux fois, lors des Assises de l'Économie maritime et d'un séminaire sur les toujours virtuelles autoroutes de la mer, Francis Vallat, président de l'IFM et du Cluster maritime français, a souligné que « la mer est devenue un enjeu de pouvoir au niveau et au sein du gouvernement lui-même. Pas toujours facile à vivre pour nous, mais très positif au fond ! »
Cela n'a pas échappé à l'ONG France Nature Environnement. À l'issue du Cimer, son communiqué souligne que la « principale avancée de cette ultime mouture » (du Livre bleu) a été l'ajout d'une postface qui « lève l'ambiguïté entre les deux «Livres bleus», celui du gouvernement et celui des engagements du «Grenelle de la mer» ratifiés par l'ensemble des acteurs. La différence de nature et la complémentarité des deux documents ont été cette fois précisées, l'un ne pouvant se substituer à l'autre ».
qui fait quoi, quand et où
En attendant la dissipation des effets de l'air marin iodé, la postface précise que « conformément à la volonté exprimée le 16 juillet au Havre par le président de la République, ce Livre bleu présente la vision stratégique de la politique maritime que la France entend mettre en oeuvre et en définit les grandes lignes. Il servira à définir les actions relatives au monde maritime, qu'elles soient conduites au niveau international, au sein de l'Union européenne ou aux échelles nationale ou locale. Conduits sous l'impulsion du ministre d'État chargé de la mer, les engagements du Grenelle de la mer offrent une précieuse boîte à outils, qui a servi de fondement pour l'élaboration d'une large partie de ce Livre bleu. La démarche de suivi du Grenelle de la mer doit se poursuivre en parallèle. À partir des lignes directrices que le Livre bleu et les conclusions du Grenelle de la mer esquissent pour les actions futures, il reste désormais à définir dans les très nombreux domaines concernés des objectifs précis et le calendrier associé, mais aussi à préciser les responsabilités et les moyens à mettre en oeuvre : ce travail mobilisera le gouvernement, en liaison avec les collectivités territoriales, le monde maritime et la société civile. Les instruments juridiques nécessaires existent ou sont en cours de création : le Livre bleu servira de référence à l'élaboration des documents prévus pour la mer et le littoral par le projet de loi d'engagement national pour l'environnement et pour la définition des futures instances de gouvernance associées. L'étape suivante sera constituée par la déclinaison de la stratégie nationale à l'échelle de chaque bassin et chaque façade maritime, en métropole comme outre-mer ; réalisée en liaison avec les collectivités territoriales, elle permettra le développement de politiques intégrées à l'échelle infranationale. Enfin, ce Livre bleu sera la base pour l'adaptation des réglementations sectorielles, ou des instruments actuels de gestion de la mer et du littoral ; ses orientations devront être intégrées dans les politiques existantes, qu'elles concernent l'environnement ou les activités économiques. La mise en oeuvre de la politique maritime sera effectuée par le ministre d'État chargé de la mer. Le suivi et l'évaluation de ce Livre bleu seront assurés par le gouvernement en liaison avec les acteurs du Grenelle de la mer ; il fera l'objet de révisions périodiques ».
craintes
Une telle mise au point risquait
de se traduire dans la façon dont sont prises les décisions. Mais les cinq pages censées expliquer les principes de la « gouvernance renouvelée » dépassent toutes les craintes. Elles justifient le téléchargement du document afin de juger sur pièce. Entre la gouvernance nationale, « infranationale », l'articulation des stratégies sectorielles, transversales ou territoriales et le « pilotage conjoint », une question peut légitimement se poser : combien faudra-t-il de mois pour que l'usine à gaz à effet incapacitant fonctionne ?
En attendant l'émergence d'une nouvelle ère, la préfecture maritime de Méditerranée n'est toujours pas en mesure de doter l'équipe d'évaluation et d'intervention de matériels antidéflagrants, ni de combinaisons de survie : « Nous n'avons pas le budget nécessaire », confie-t-on pour toute explication (JMM du 20-11 ; p. 11). À la suite d'une ambitieuse décentralisation de l'État, « nous sommes retombés à l'âge de bronze » en matière d'acheminement des stocks polmar sur le littoral (JMM du 5/6 ; p. 13). Si l'enjeu de pouvoir qu'est devenue la mer pouvait au moins résoudre certaines difficultés opérationnelles...
L'éolien :« une énergie envahissante qui attire toutes les cupidités »
Le 1er décembre, lors des 5e assises de l'économie maritime, Jacques Attali devait s'exprimer sur le thème « demain, la mer ». Francis Vallat, président de l'IFM et du Cluster maritime français, expliqua très rapidement que Jacques Attali ne viendrait pas. Dans l'Express du 10 décembre, l'ancien conseiller de François Mitterrand signe une diatribe contre l'énergie éolienne très contrastée et conclut ainsi : « Au total, c'est donc une énergie très envahissante, attirant toutes les cupidités. Si l'Allemagne a atteint les limites de ce que son territoire peut supporter, la France est partie dans le même délire : alors que les lois Montagne et Littoral encadrent très rigoureusement la construction d'immeubles et d'usines, les autorités régionales développement les éoliennes sans aucun contrôle ou presque (...) Le moment est venu, à moins d'une pause, pour estimer toutes les dimensions, avant que le vent n'emporte nos illusions ».
Jaques Attali n'est pas membre du cluster ; d'autres le sont.