Contrat de vente de navires de plaisance / Inexécution partielle des obligations contractuelles de l'acquéreur / Résolution du contrat / Clause résolutoire / Clause pénale / Remise des choses en état.
Le litige porte sur la mauvaise exécution d'un contrat relatif à la construction et à la vente de deux yachts.
L'article V de ce contrat fixait le prix de vente des deux navires à un certain montant acceptés par les deux parties. Dans ce prix était incluse la vente de deux bateaux appartenant à l'acquéreur. Le solde devait être réglé selon un échéancier prévoyant différents montants à régler à des échéances déterminées : lors de la signature de la lettre d'intention, lors de la signature du contrat, à une date fixe en cours de construction, enfin à la livraison des deux navires.
L'article III du contrat stipulait que le vendeur mette à la disposition de l'acquéreur un navire de type équivalent pendant la période de construction et se terminant lors de la livraison de la seconde unité.
La mise à disposition d'un navire à l'acquéreur pendant la période de construction fut réalisée par la cession d'un navire appartenant au vendeur, ce navire devant lui être restitué pour le même prix lors de la livraison du navire neuf.
L'acquéreur s'adressa à une banque pour financer l'acquisition des deux bateaux. Cette dernière donna son accord sur le plan de financement mais exigea en contrepartie que ce financement soit adossé à un actif tangible. Les parties convinrent donc que le premier navire de remplacement serait cédé à l'acquéreur pour un certain montant, le vendeur s'engageant à en restituer le prix lors de la livraison du premier navire. Les termes financiers du contrat de vente furent modifiés en conséquence.
Plusieurs difficultés apparurent par la suite dans l'exécution du contrat : fourniture d'un second bateau de remplacement, retard dans la levée des hypothèques portant sur le bateau de remplacement, difficultés techniques lors de la construction des navires neufs par manque de communication entre l'architecte d'intérieur et le chantier naval.
Compte tenu de ces difficultés, l'acquéreur demanda au vendeur de ne prendre livraison que d'un des deux navires. De son côté, le vendeur mit en demeure l'acquéreur à trois reprises de payer les sommes dues prévues au contrat. Finalement il assigna en référé l'acheteur devant le Tribunal de Commerce aux fins de voir prononcer la résolution du contrat, lequel se déclara incompétent pour statuer sur cette demande.
L'acquéreur fit valoir devant le collègue arbitral que le vendeur avait manqué gravement à ses obligations contractuelles en ne mettant pas à disposition le second bateau de remplacement, en tardant à effectuer la levée des hypothèques sur les deux bateaux échangés dans les délais prévus, en commettant des défaillances dans la construction des coques. Il estimait par ailleurs avoir rempli parfaitement ses obligations en effectuant les paiements conformément au contrat en respectant le calendrier mis en place pour l'agencement et les équipements du premier navire et en soulevant l'exception d'inexécution du contrat. Il considérait que la mauvaise foi du vendeur le privait du bénéfice d'invoquer l'application de la clause résolutoire prévue au contrat et demandait en conséquence que la résolution du contrat soit prononcée aux torts exclusifs du vendeur en application de l'article 1184 du Code civil.
1. Sur le contenu des obligations contractuelles entre les parties et sur l'exécution du contrat, le Tribunal estima que la preuve de la modification de la clause relative au prix et aux conditions de règlement devait être rapportée par écrit, ce qui n'était pas le cas en l'espèce et que les nouvelles conditions de financement des navires invoquées par l'acquéreur n'avaient pas d'effet sur le contrat dans la mesure où elles n'avaient pas été acceptées par le vendeur. Il considéra par ailleurs que la cession d'un navire appartenant au vendeur pour un prix relativement élevé et permettant à l'acquéreur d'avoir un bateau à sa disposition pendant la période de construction ne modifiait pas les obligations de paiement stipulées dans le contrat de vente. De même les retards apportés par l'acheteur dans la purge des hypothèques des deux navires d'échange portaient un préjudice financier au vendeur. Enfin, le Tribunal ne décela aucune faute commise par le vendeur dans l'exécution de ses obligations relatives à la mise à disposition d'un seul navire de remplacement et dans la construction des coques.
2. Concernant la résolution du contrat, le Tribunal considéra que les dispositions de l'article V constituaient une clause résolutoire de plein droit permettant au vendeur de mettre fin au contrat. Les dispositions de l'article 1184 du Code civil invoquées par l'acquéreur n'étaient pas d'ordre public. Les contractants pouvaient y déroger en stipulant une résolution de plein droit en cas d'inexécution par une partie des engagements visés dans ce contrat. Après s'être assuré que les conditions posées par la clause résolutoire ont été réunies, notamment le non paiement du prix par l'acquéreur aux dates convenues et l'absence de réponse aux mises en demeure du vendeur, le Tribunal constata que la résolution pouvait s'opérer automatiquement et que le vendeur n'avait pas manqué à l'obligation d'exécuter la clause résolutoire de bonne foi. L'article V du contrat contenait une clause permettant au vendeur de garder la moitié des sommes versées par l'acquéreur en cas de défaut de paiement. Le Tribunal estima que cette clause pénale, englobait le préjudice souffert du fait de l'inexécution contractuelle reprochée à l'acheteur. Il considéra donc qu'on ne pouvait en même temps accorder au vendeur le bénéfice de la clause pénale et ensuite indemniser certains des chefs de préjudice invoqués par le dit vendeur, au risque, en ce cas, de l'indemniser deux fois. Le Tribunal revit donc à la baisse les prétentions du vendeur. La résolution a conduit le Tribunal à replacer les contractants dans leur situation d'origine avant la signature du contrat, à savoir le remboursement de toutes les sommes payées par l'acquéreur, la restitution à l'acquéreur des deux navires d'échange ou si la restitution s'avérait impossible, paiement à ce dernier de la somme correspondant à la valeur de vente contractuellement prévue entre les parties, la restitution du navire de remplacement au vendeur ou si la restitution s'avérait impossible, paiement à ce dernier d'une somme correspondant à sa valeur de marché lors de la transaction. Le Tribunal rejeta les demandes de l'acquéreur portant sur les frais engagés pour le paiement des honoraires versés à l'architecte d'intérieur et à l'expert, les coûts engendrés pour sa défense devant les tribunaux ainsi que les demandes portant sur l'indemnisation pour les préjudices causés par la mauvaise foi du vendeur. De même, il refusa à ce dernier les demandes relatives à l'indemnisation du préjudice subi résultant de l'attitude de l'acquéreur. Il rejeta enfin les demandes concernant les frais et honoraires de l'arbitrage supportés par moitié par chacune des parties, et les réclamations au titre de l'article 700 du NCPC.