Le délit d'atteinte à l'environnement sera-t-il confirmé ?

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En janvier 2008, après cinq années d'instruction, quatre mois de débats et sept de délibéré, le tribunal correctionnel de Paris avait déclaré que l'armateur, le gestionnaire technique du pétrolier, Total, son affréteur et la société de classification Rina étaient responsables « par imprudence » du naufrage de l'Erika et de la pollution qu'il avait causée. Ils avaient été condamnés aux peines maximales pour délit de pollution maritime : 375 000 ¤ pour Total et Rina, personnes morales et 75 000 ¤ pour les deux personnes physiques, Giuseppe Savarese et Antonio Pollara. Jugement historique, puisque pour la première fois, un tribunal français reconnaissait au pénal un délit d'atteinte à l'environnement.

Parallèlement, les prévenus avaient été condamnés à verser solidairement 192 M ¤ de dommages et intérêt aux parties civiles. En plus des préjudices matériels et moraux, un préjudice « résultant de l'atteinte à l'environnement », avait été reconnu pour deux parties civiles : le département du Morbihan et une association : la Ligue de protection des oiseaux.

Total, refusant d'endosser la responsabilité du naufrage avait ensuite fait appel de ce jugement. Parallèlement, la compagnie pétrolière, seule en mesure de verser leurs indemnités aux parties civiles, avait proposé à ces dernières de le faire immédiatement et de manière irrévocable, à condition qu'elles renoncent à la procédure d'appel. Une partie d'entre elles, dont l'État, principal bénéficiaire des indemnités, a accepté cet échange de bons procédés. Mais en tout, 94 parties civiles se sont pourvues en appel : collectivités et associations de défense de l'environnement.

Le procès en appel a été tenu presque dix ans après les faits. Comme l'a souligné Me Lemaire, un des avocats de la défense, en introduction de sa plaidoirie : « Nous avons vieilli ensemble ». Le dossier de l'Erika, l'un des plus volumineux de mémoire judiciaire, pèse ses 190 t de documents. Au cours des six semaines du jugement en appel, discret dans les médias, l'atmosphère a été studieuse. Les avocats ont repris leur partition bien maîtrisée. La défense a martelé l'incompatibilité entre l'article 8 de la loi française 83-583 réprimant les délits de pollution, mis en avant en première instance, avec la convention Marpol. En effet, cette convention internationale implique en cas de rejets d'hydrocarbures une faute de « témérité » et considère comme seuls responsables le capitaine et le propriétaire du navire. La défense a répété qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution, les règlements internationaux devaient l'emporter sur la loi interne.

La cour d'appel devra confirmer ou revenir sur le raisonnement élaboré en première instance : la loi interne fait référence à la pollution en haute mer, objet de la convention de Bruxelles et ne peut entrer en concurrence avec la convention Marpol qui concerne les rejets en mer. Or l'article 8 réprime une faute d'imprudence et tient également pour responsable l'affrêteur du navire.

Maître Soulez-Larivière, l'un des défenseurs de Total, a demandé à la cour de ne pas prendre la place du législateur, une « révolution qui heurte l'interprétation stricte du droit ». Les avocats de la défense ont tous plaidé la relaxe de leurs clients. Inversement, les parties civiles ont demandé confirmation et élargissement de la pénalisation des délits environnementaux. À l'instar de Me Mignard, représentant huit collectivités, qui a affirmé que « La peine doit être exemplaire pour tous ceux qui participent au transport maritime. Les juges de Tunis, de Rome, de Thaïlande connaissent l'arrêt de la cour de Paris », les avocats des parties civiles ont incité les juges à donner le « la » pour le droit maritime.

L'avocate générale, estimant que l'ensemble de la chaîne du transport a « commis des fautes », a demandé la confirmation du jugement de première instance. Rendez-vous le 30 mars pour savoir si en plus de dispositions européennes pour la prévention de la pollution maritime, l'Erika laissera son nom à un jugement.

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