Sentence 1158 du 8 novembre 2008

Article réservé aux abonnés

C/P Syncacomex - maïs en vrac - manquants au déchargement - demande du fréteur à titre récursoire en garantie de sa condamnation à indemniser le destinataire - Poids par draft survey - demande en garantie bien fondée - surestaries pour immobilisation suite à une saisie du navire (non).

Une charte-partie SYNACOMEX 90 a été conclue en vue du déplacement d'une cargaison de 2.830 tonnes de maïs entre un port roumain et un port grec. Cette charte contient quelques clauses importantes pour la solution de cet arbitrage : une clause d'arbitrage ; une clause FIOST ; une clause de mesurage de la quantité des marchandises mise à bord (« draft survey : comparaison des tirants d'eau) ; une clause fixant les surestaries, en cas d'immobilisation du navire. Après chargement de la cargaison, un seul connaissement, net de toutes réserves, a été remis à l'affréteur, qui l'a endossé au profit du destinataire. Il renvoie aux conditions générales de la charte-partie et contient une clause Paramount d'après laquelle le transport serait couvert par la Convention de Bruxelles du 25 août 1924. Aux conditions particulières du connaissement, le poids indiqué est de 2.835 tonnes 300, quantité estimée au chargement par draft survey. À destination, le destinataire, tiers porteur du connaissement, s'est présenté pour prendre livraison de la cargaison. Un différend s'est élevé entre le bord et le destinataire quant à la quantité effectivement délivrée. L'arbitre unique a estimé que les manquants (100 tonnes) invoqués par le destinataire étaient bien réels. Et l'armateur a été condamné à indemniser le destinataire. Entre temps, une saisie conservatoire avait été pratiquée sur le navire par le tiers destinataire levée contre fourniture d'une garantie bancaire.

L'armateur a donc formé une demande à titre récursoire contre son affréteur, pour obtenir garantie de sa condamnation à indemniser le destinataire ; et aussi pour obtenir indemnisation de l'immobilisation du navire par la saisie conservatoire.

L'arbitre unique a estimé :

- Sur la compétence et la saisine de l'arbitre unique.

Cette compétence n'est nullement contestée par les parties.

- Sur la loi applicable.

La charte partie désigne la loi française comme loi applicable, c'est-à-dire, en l'espèce, la loi du 18 juin 1966 dans sa partie relative aux contrats d'affrètement (dont on sait qu'elle est supplétive de la volonté des contractants). Une autre clause de la charte-partie qui est une clause Paramount renvoie à la convention de Bruxelles du 25 août 1924, sinon en tant que loi du pays de chargement, du moins en tant que loi correspondante du pays de déchargement (la Grèce).

- Sur la situation contractuelle.

À la différence de ce qui se passe dans les rapports entre l'armateur et le tiers porteur du connaissement, réglés par la Convention du 25 août 1924, les rapports entre fréteur et affréteur relèvent des dispositions de la charte-partie qui font la loi contractuelle. C'est donc dans cette charte-partie qu'il faut chercher la solution au litige opposant fréteur et affréteur.

- Sur la demande en garantie

La charte-partie ne contient aucune disposition concernant ce recours éventuel en garantie. Toutefois, en droit français, applicable en l'espèce, doctrine et jurisprudence s'accordent pour reconnaître au fréteur ce droit de recours en cas de dommages financiers causés du fait de l'affréteur. C'est le cas lorsque le fréteur, en tant que transporteur, a été mis en cause par le tiers porteur du connaissement pour des manquants constatés au déchargement et est ainsi amené à prendre en charge un dommage qui ne lui est pas, dans le principe, imputable. Même si la charte-partie ne prévoit pas ce droit de recours, la jurisprudence y supplée (CAMP, 28 juin 1983, sentence n° 497). En toute hypothèse, l'affréteur, dans un courriel émis par son courtier et en son nom, promet sa garantie au fréteur sous la seule condition que ce dernier ait bien défendu ses intérêts à l'encontre des réceptionnaires. L'arbitre unique estime donc que ce recours en garantie est parfaitement recevable.

Quant au bien-fondé du recours en garantie, il s'agit d'examiner si le fréteur a convenablement exécuté ses obligations de fréteur à l'égard de son affréteur.

Deux clauses de la charte-partie retiennent particulièrement l'attention : la clause «fiost» et la clause de mesurage de la cargaison par comparaison des tirants d'eau.

Selon la clause «fiost», les frais et risques du déchargement sont à la charge de l'affréteur, ce qui signifie que le fréteur est simplement tenu d'amener le navire et sa cargaison au port de destination sans avoir l'obligation de procéder aux opérations de déchargement, ni de supporter les risques de ces opérations et les responsabilités correspondantes.

Le fréteur a exécuté ses obligations si les quantités de marchandises présentes dans les cales du navire à l'arrivée du navire au port de destination sont conformes aux quantités chargées au port de départ. Or, dans les rapports entre le fréteur et l'affréteur, il a été convenu que ces quantités seraient déterminées, au départ comme à l'arrivée, par la méthode de comparaison des tirants d'eau. Au départ, ce mesurage fait apparaître la mise à bord de 2.835 tonnes 300. Au port de destination, l'application de la même méthode fait apparaître un poids, dans les cales du navire, variant entre 2.822,700 et 2.825,460 tonnes, soit une freinte de onze à treize tonnes environ, s'inscrivant dans les tolérances admises (0,75%).

Pour l'arbitre unique, le fréteur a donc convenablement exécuté les obligations contractuelles dont il était débiteur à l'égard de l'affréteur. Et il ne peut être tenu pour responsable ultime du manquant de 104 tonnes 120 prouvé par le destinataire acquéreur de la marchandise à la fin des opérations de déchargement et accepté par l'arbitre unique dans le cadre de l'arbitrage opposant l'armateur au tiers destinataire. Le fréteur ayant été condamné en sa qualité de transporteur, du fait de ces manquants dont il n'est pas responsable en sa qualité de fréteur, il doit être garanti de la condamnation à indemniser le destinataire par l'affréteur vendeur, seul véritable obligé à la dette. Cet affréteur vendeur a délivré une facture à son acquéreur pour un poids de marchandise vendue de 2.835 tonnes 300 ; il a transféré à son acquéreur un connaissement net de toute réserve faisant apparaître ce même poids ; il est donc tenu de livrer à son acquéreur la quantité de marchandise ainsi établie.

Certes, la facture comporte une disposition sur le prix « at the unit price of xxxxx/mt CIF Free Out ».

- Mais, d'une part, cette clause ne concerne que les rapports vendeur/acquéreur et est donc hors du débat dans les relations fréteur/affréteur.

- D'autre part, cette précision donnée par la facture concerne le prix de vente, et non pas un quelconque transfert des risques du déchargement.

- Enfin, à supposer même que la livraison ait été effectuée par l'affréteur au tiers destinataire dans les cales du navire, il n'en reste pas moins que ce dernier, en tant que réceptionnaire de la marchandise, était habilité à faire des réserves sur la conformité et la quantité des marchandises à lui remises et que, s'agissant de dommages non apparents, il disposait de trois jours pour les présenter.

Toutefois, la garantie due par l'affréteur au fréteur suppose que celui-ci, dans l'arbitrage l'opposant au destinataire tiers porteur du connaissement, ait correctement défendu les intérêts de l'affréteur, ce qui n'est pas tout à fait le cas. En effet, le mesurage par draft survey au port de destination fait apparaître une freinte de 10 à 13 tonnes. Il eût été judicieux pour le fréteur, défendant en cela les intérêts de l'affréteur, d'invoquer cette freinte comme cas excepté, pour diminuer d'autant les manquants constatés à destination, et donc, le montant de l'indemnité dû au tiers destinataire. Cette défense n'a pas été utilisée. L'arbitre unique estime donc juste de déduire la valeur d'une freinte de 11,5 tonnes du montant de la garantie due par l'affréteur au fréteur.

- Sur la demande de surestaries.

L'affréteur a contesté la recevabilité de cette réclamation.

Il estime que cette demande est irrecevable comme nouvelle par rapport à la saisine de l'arbitre qui ne visait que la demande en garantie. La demande concernant les surestaries n'a, en effet, été présentée que dans le premier mémoire en demande, alors que la demande d'arbitrage formée par lettre antérieure ne visait que la demande en garantie. Cependant, le fréteur invoque à son avantage l'article IV du règlement d'arbitrage de la Chambre arbitrale maritime de Paris, disposant que la demande d'arbitrage peut être utilement complétée par la production d'un mémoire dans les deux mois de la saisine. Le premier mémoire s'inscrit dans le délai prévu à l'article IV du règlement. L'arbitre unique estime donc recevable la demande du fréteur en ce qui concerne sa réclamation de surestaries. Cette demande est-elle bien fondée ? C'est la clause additionnelle 32 de la charte-partie qui donne la conduite à suivre pour ouvrir au fréteur le droit à surestaries. Il y est prévu ce qui suit : « Demurrage, if any, to be settled within 15 days following owners présentation of freight invoice + time sheet + statement offacts + notice of readiness + cargo documents (mate receipt + bills of lading + cargo manifest) of both loading and discharging ports. Fax or scanned copies by e'mail acceptable ». L'affréteur, pour refuser le paiement de ces surestaries, prétend que la réclamation présentée par le fréteur n'est pas « documentée ». De fait, le fréteur se contente de réclamer une somme résultant de la multiplication du montant journalier des surestaries (clause 9 de la charte-partie) par le nombre de jours qu'a duré la saisie conservatoire (6 jours, cinq heures, 16 minutes), avant fourniture de la garantie bancaire permettant le départ du navire. Cette réclamation n'est assortie d'aucun des documents prévus à la clause 32, sauf, à la rigueur et par recoupement, le statement offacts établi par l'agent maritime de l'affréteur pour les opérations de déchargement, et le connaissement. En outre, la durée de l'immobilisation du navire est liée à la lenteur relative de la fourniture de la garantie bancaire exigée pour la libération du navire. Le fréteur prétend que cette lenteur est imputable à l'affréteur qui aurait dû fournir cette garantie dès connaissance de la saisie pratiquée par le tiers destinataire. En réalité, il appartenait tout aussi bien, et même mieux, au fréteur d'obtenir cette garantie, comme c'est l'usage, de la part de son P and I, sans attendre une hypothétique intervention de son affréteur.

L'arbitre unique a donc :

- Condamné l'affréteur à garantir le fréteur de la condamnation prononcée contre lui au profit du tiers destinataire dans l'arbitrage les opposant, déduction faite de la freinte de route que le fréteur eût dû invoquer.

- Rejeté la demande de paiement des surestaries formulée par le fréteur.

- Rejeté les demandes formulées par l'une et l'autre parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné les parties à supporter par moitié les frais et dépens de l'arbitrage.

Juridique

Règlementation

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15