L'annexe au projet de loi de finances pour 2010 analysant les « projets annuels de performances » des différentes directions du ministère de l'Écologie, du Développement et des Aménagements durables permet de faire un point sur l'activité passée et future de chacune. Quarante pages sont consacrées au « programme 205 » qui porte sur la « sécurité et (les) affaires maritimes » ; programme placé sous la responsabilité de Damien Cazé. Tout le maritime, sauf les ports, lui est rattaché : la navigation maritime, la sécurité des biens et des personnes en mer, le navire immatriculé dans un registre français du point de vue technique et de celui de l'employeur de marins ; les employés que sont les navigants; leur formation ; et le contrôle des navires étrangers dans les ports français ; sans oublier la pêche (qui ne sera pas traitée ici). Vaste programme associant des intérêts parfois divergents.
Depuis la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finance, l'administration est invitée à préciser ses objectifs et les indicateurs qui mesurent le niveau de réalisation de ces derniers.
La DAM s'est donc fixé trois objectifs : « renforcer la sécurité maritime et la protection de l'environnement » ; « promouvoir la flotte de commerce et l'emploi maritime » ; « mieux contrôler les activités maritimes et en particulier la pêche ».
Le renforcement de la sécurité est mesuré « du point de vue du contribuable », par « le ratio entre le nombre de personnes sauvées et le nombre de personnes impliqués (morts et disparus compris) dans un accident maritime après une opération de sauvetage coordonnée par un CROSS »
En 2007 et 2008, ce ratio était légèrement supérieur à 98 % avec plus de 11 700 personnes saines et sauves pour environ 12 000 personnes concernées. Sauf force majeure, l'objectif est d'être toujours supérieur à 98 %. La nature des personnes concernées n'est pas précisée mais il n'y a pas grand risque à supposer qu'il s'agit essentiellement des plaisanciers et dans une bien moindre mesure, des pêcheurs professionnels.
Le renforcement de la protection de l'environnement est mesuré par deux indicateurs : le taux d'identification des navires à l'origine de rejets illicites et polluants en mer et le taux de contrôle des navires étrangers en escale dans les ports français.
Le premier représente le rapport entre le nombre de navires identifiés comme étant à l'origine du rejet illicite et le nombre de rapports de pollutions (polrep) qui ont été « confirmés hydrocarbures » par une vérification visuelle sur zone. En 2007, le ratio était de 10 ; et de 13,31 en 2008. Mais avec de fortes variations des diviseurs et des numérateurs. En effet, le nombre de rapports de pollution confirmés est passé de 179 en 2007 à 315 en 2018. Naturellement ou presque, le nombre de navires identifiés est passé de 18 à 42. Les auteurs du rapport notent que l'évolution du nombre de rapports de pollution « n'est pas directement lié à l'action des services de l'État ».
Toujours est-il que pour 2009, 2010 et 2011, l'objectif est d'atteindre ou de dépasser les 13 % ; ce qui ne semble pas être particulièrement satisfaisant. Mais de nouvelles technologies satellitaires « permettront, à terme, une meilleure identification des contrevenants ».
Concernant le Port State Control, l'indicateur est, sans surprise, le nombre de navires étrangers et « distincts » inspectés par rapport au nombre de navires étrangers en escale dans les ports français. Le taux était de plus de 29 % en 2007 ; et de plus de 30 % en 2008. L'objectif est de rester à plus de 25 % en 2009, 2010 et 2011.
La DAM souligne que les contrôles au titre de l'État du port sont réalisés par les centres de sécurité des navires « en sus de leur mission fondamentale de contrôle de l'État du pavillon. (...) la réalisation de cet objectif impose de maintenir un effectif suffisant dans les CSN car les inspecteurs effectuent ces contrôles en sus de leurs obligations nationales et internationales au titre de l'État du pavillon et des nouvelles attributions conférées par la réglementation internationale (code ISPS) et nationale (délivrance d'un document unique de prévention à tous les navires français). Dans le cadre de l'application de la directive Erika-III, le calcul des obligations de contrôles au titre de l'État du port seront modifiées. L'indicateur sera adapté au PAP 2011, pour refléter les nouvelles obligations de la France en la matière ».
A en croire, Michel Peltier, conseiller Mer du ministre Jean-Louis Borloo, le maintient des effectifs est d'ores et déjà exclus (JMM du 2/10 ; p. 5).
Promouvoir l'emploi maritime et la flotte de commerce
Concernant l'emploi maritime, le discours est invariant et ne fournit aucune indication chiffrée sur les besoins en formation, entre autres. « La situation de l'emploi des marins se caractérise par un déficit (non chiffré) de marins à la pêche qualifiés et d'officiers au commerce, un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale, des carrières plus courtes et des reconversions réussies, notamment pour les mécaniciens et les officiers. Cette tendance est confirmée pour l'avenir et apparaît comme un enjeu majeur du secteur ».
Deux indicateurs sont censés rendre compte de l'évolution de l'emploi maritime. Le premier cité est le taux des actifs maritimes parmi les anciens élèves des établissements d'enseignement maritime (supérieur ou non) après cinq ans d'activité. En ce qui concerne les officiers, le taux était de presque 98 % en 2007, 93,5 % en 2008 et l'objectif pour 2009, 2010 et 2011 est de plus de 90 %. Ces ratios sont à prendre avec précaution car ils sont basés sur des questionnaires. Ainsi en 2008, les diplômés de deux ENMM, seulement, ont-ils été invités à répondre. Les taux de réponse sont très variables passant de 46 % en 2007 à 63 % un an plus tard. « Il reste cependant partiel : compte tenu de la difficulté pour les établissements de retrouver des anciens élèves, il y a une sur-représentation des marins ou anciens maritimes».
Le second indicateur adopte le « point de vue du contribuable », précise le document : il doit permettre de suivre l'évolution de l'emploi dans la filière du « commerce maritime ». Selon les chiffres de la DAM, il y avait 13 664 marins français en 2007 et 15 010 en 2008, l'objectif 2009 et 2010 étant la « stabilité » et en 2011, 15 000 marins. Ces chiffres ne sont pas en ligne avec ceux diffusés de la plus « récente » Commission nationale de l'emploi maritime. Selon celle-ci, à fin 2003, il y avait de l'ordre de 3 000 officiers et 6 800 personnels d'exécution français à bord des navires de commerce.
Interrogé à ce sujet, la DAM explique qu'il faut distinguer les résultats d'un recensement par sondage auprès des principaux armements (méthode utilisée jusqu'en 2005, puis abandonnée) et les résultats donnés par les déclarations Enim. Ainsi en 2008, on comptait 17 492 marins de commerce ayant navigué au moins une journée dont 2 078 « portuaires » et 1 367 navigants à la plaisance. Mais ceux qui avaient navigué plus de neuf mois, étaient au nombre de 9730, en baisse par rapport à 2007 et à 2006.
La DAM s'intéresse également à l'évolution de l'emploi (directs) dans le secteur du transport maritime tel que recensé par les déclarations automatisées des données sociales exploitées par l'INSEE. En 2007, on comptait 132 540 personnes ; 145 600 en 2008.
Le dispositif de soutien à la flotte de commerce comporte un ensemble de mesures sociales et fiscales en faveur des entreprises de transport maritime, notamment exonération ou remboursement des charges sociales patronales, option pour la taxation d'un bénéfice forfaitaire selon le tonnage des navires exploités, écrit la DAM. Ces mesures visent à développer la compétitivité des entreprises de transport maritime « françaises ou communautaires » exploitant des navires de commerce sous pavillon français depuis le territoire « français » soumis à la concurrence internationale. Pour renforcer leur efficacité économique et sociale il est proposé de :
- créer les conditions d'un accroissement durable de leur compétitivité, et donc de l'emploi maritime ou liée à l'activité maritime ;
- développer les activités maritimes « dont le centre de décision effectif est situé sur le territoire français ».
Pour mesurer le bon développement de la flotte de commerce, la DAM suit le « nombre de navires de commerce sous pavillon français armés par des compagnies ayant opté pour la taxe au tonnage » rapporté au nombre total de navires de commerce sous pavillon français.
Ainsi, en 2007, 100 navires avaient obtenu un plafonnement de l'imposition et ils sont 122 en 2008. Pour l'année en cours, et 2010, l'administration ne se prononce pas. Par contre, elle espère voir ce chiffre augmenter en 2011. Le nombre total de navires de commerce sous pavillon français passant de 211 en 2007, à 213, un an plus tard pour arriver à environ 240 en 2009.
La DAM n'explique pas pourquoi, pour mesurer la pertinence d'un impôt proportionnel à la capacité commerciale d'un navire, il suffit de compter le nombre de navires : un porte-conteneur de 9 000 EVP « valant » ainsi un feeder de 2000.
Cependant pour coller au mieux à la réalité de la flotte française, la DAM comptera en 2010, également les navires de services (câbliers, recherche et autres supply vessels du groupe Bourbon) de plus de 100 UMS. En intégrant ces navires, la flotte de commerce sous registres français était de 285 en 2007 et 296 en 2008. Elle devrait être de 311 en 2009, 330 en 2010 et 350 en 2011.
78,6 M¤ pour la flotte de commerce
Pour 2010, la DAM a demandé, hors fonds de concours et attributions de produits, 133 M¤ d'autorisations d'engagement (AE : plafond de dépenses autorisées) et 135,5 M¤ de crédits de paiement (CP : plafond de paiements effectifs dans l'exercice). Dans les deux cas, le soutien à la flotte de commerce représente 78,6 M¤ ; le deuxième poste de dépense étant la sécurité et la sûreté maritimes avec respectivement 23,5 M¤ en AE et 25,4 M¤ en CP.
La loi de finances initiale 2009 portait sur 131,1 M¤ en AE et 133,6 en CP dont 75,7M¤ pour la flotte de commerce. Elle consomme donc de l'ordre de 60 % du budget.
Damien Cazé précise
La mise en oeuvre du paquet Erika-III, notamment en ce qui concerne le Port State Control passe par une transposition juridique, explique Damien Cazé, directeur de la DAM, lors d'un entretien et par une « reconfiguration » des centres de sécurité des navires car il est bien clair qu'à effectifs constants, on ne pourra pas faire plus. Il faudra faire autrement (d'autant qu'il n'est pas certain que les effectifs soient maintenus). Le problème est de savoir comment en tenant compte de quelques constantes jugées essentielles. Ainsi le maintien des compétences techniques des inspecteurs des CSN passe-t-il par des visites régulières des navires en construction en Asie ou ailleurs. Il n'est pas question d'externaliser vers les sociétés de classification d'autres prérogatives de l'État du pavillon car il faut pouvoir être, à tous instants, capable de « contrôler le contrôleur » et/ou de juger par soi-même, par exemple, de la stabilité d'un navire en mauvaise posture. L'équation est posée, il reste à trouver sa ou ses solutions. Au sujet des CROSS de Manche-mer du Nord pour lesquels Damien Cazé a demandé un audit au Conseil général de l'Environnement et du développement durables, il n'est pas question de réduire leurs effectifs. Au total, les effectifs sont passés de 319 « équivalents temps plein » à 334. Rien dans le PLF 2010 ne laisse craindre une réduction des moyens techniques et humains des CROSS, bien au contraire, affirme le directeur de la DAM. Ce dernier ne semble cependant pas favorable à la publication de l'audit demandé au CGEDD car cet audit ne sera qu'un élément d'appréciation parmi d'autres qui n'ont pas vocation à être publiés. Le point de vue du citoyen ne serait donc pas nécessairement une priorité.