Du 13 au matin au 15 octobre au soir, à partir de la base aéronautique navale de Hyères, quatre avions, un espagnol, un italien et deux français, spécialement équipés, ont assuré une veille 24 h/24h au-dessus d'un couloir maritime allant de Gênes à Barcelone afin de détecter d'éventuels rejets illicites. L'Opération de Surveillance Coordonnée Aérienne des Rejets a été coordonnée par le REMPEC (Regional Marine Pollution Emergency Response ; structure spécialisée de l'OMI) basé à Malte avec le support technique de la Préfecture maritime de Méditerranée et les images satellitaires fournies par l'Agence européenne de sécurité maritime. L'Espagne était représentée par la Sasemar (Sociedad de Salvamento y Seguridad Maritima) en charge du sauvetage et de la lutte contre les pollutions ; l'Italie, par la Guardia costiera. Bien sûr côté français, les deux avions appartenaient à la Douane. Et le Cross assurait la centralisation des communications et des informations.
Cette opération multinationale n'était pas un exercice au cours duquel des avions font semblant de déverser des dispersants sur de la balle de riz supposée représenter une nappe d'hydrocarbures (et dont le retour d'expérience est difficilement disponible).
Preuve en est, elle s'est soldée par deux flagrants délits et un doute. Un ferry a été surpris de nuit, par un avion espagnol, en train de se débarrasser de ses eaux chargées en hydrocarbures dans la vaste zone de protection écologique française. L'enquête est en cours, précisait le 21 une source spécialisée du Tribunal de Grande Instance de Marseille. « Nous prenons notre temps car il n'y pas de risque pour l'État : le navire n'est pas détenu. Il n'y a pas eu de demande de caution. On peut donc travailler avec une certaine sérénité pour mener à bien ce dossier qui pourrait faire jurisprudence ». Pour cela, il faut que le juge, ici français, considère qu'une photo prise de nuit par un radar embarqué sur un avion « étranger » donc non-habilité, est une preuve réelle et suffisante pour poursuivre un navire soupçonné de rejets illicites dans une zone française. « Mais la preuve est libre en la matière », rappelle un expert en pollution. Si le TGI de Marseille donne une suite favorable à ce dossier, un grand pas aura été franchi en matière de coopération européenne en matière de lutte contre les rejets illicites. Il ne sera plus nécessaire d'imaginer des schémas complexes dans lesquels l'équipage d'un avion serait constitué d'agents habilités de différentes nationalités afin que le juge national considère comme acceptable la preuve fournie.
Le second flagrant délit concernait un déballastage d'un paquebot. Ce dossier devrait être classé sans suite car l'expert ne peut pas assurer avec certitude qu'il s'agit d'hydrocarbures.
La troisème détection porte sur un chimiquier en train de rejeter à la mer des eaux de lavage ou rinçage de citernes ayant contenu de l'huile végétale. Ce dossier n'a pas été transmis au procureur car il y a un doute : ce type de rejet est-il ou non illicite en Méditerranée ? A 12,5 nautiques de Porquerolles, on pourrait le souhaiter mais le navire était en dehors des eaux territoriales où ce type de rejet est formellement interdit. Il est largement probable cependant que le chimiquier suscite l'intérêt du Port State Control lors de sa prochaine escale.
Oscar Sud-Ouest Med, un jour prochain
Si Frédéric Hébert, directeur du Rempec ou le commissaire général Jean-Loup Velut, adjoint au préfet maritime, chargé de l'Action de l'État en mer, se sont dits ravis de l'opération, celle-ci
ne peut constituer une première étape vers une coopération plus étendue en direction des États du Sud-Ouest de la Méditerranée, comme cela était prévu il y a quelques mois. Pour des raisons logistiques (indisponibilité de base aérienne en Sardaigne, puis en Corse), les États du Maghreb ont progressivement renoncé à participer réellement à l'opération Oscar même si la Tunisie (et Monaco) avait envoyé des observateurs.
Frédéric Hébert ne renonce pas pour autant et espère bien arriver à monter une opération similaire avec un ou plusieurs États du groupe des « cinq » (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye) en adoptant une autre organisation. Chaque avion partirait de sa base habituelle pour survoler une zone maritime déterminée à l'avance dans le cadre d'une action coordonnée. L'enjeu est multiple : faire travailler ensemble des États qui n'en ont pas l'habitude qu'il s'agisse de leurs moyens militaires ou de leurs structures judiciaires. Cette démarche complète celle soutenue par la Banque mondiale, visant à créer un réseau des procureurs de part et d'autre de la Méditerranée ; un réseau qui tarde, cependant, à se constituer (JMM du 19 juin ; p. 14 et 15). Le Rempec semble avoir une autre idée en tête, outre la formation de pilotes marocains à la détection de jour des rejets illicites en décembre prochain sur la base de Hyères. 46 % du trafic maritime en Méditerranée sont réalisés par des navires immatriculés par un État riverain de la Méditerranée. Or les plus récentes listes noires et grises du mémorandum de Paris sur le contrôle des navires par l'État du port, sentent « bon le sable chaud ».
11/12 : très bien
Le commissaire général Jean-Loup Velut est intarissable en matière de justice en général, et de répression des pollueurs en particulier. Depuis 2003, la France a engagé 12 poursuites contre des navires pollueurs. Elles se sont soldées par autant de condamnations. Six ont fait l'objet d'un appel. Toutes ont été rejetées. Quatre sont parties en cassation. Trois ont été confirmées. Une n'a pas encore été encore jugée. Le cumul des amendes a atteint les 5 M¤ dont 4,7 M¤ payés par les exploitants.