Cedre : trente ans de galère

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«La création du Cedre est décidée en conseil des ministres, le 5 juillet 1978, sur la constatation, pendant la marée noire de l'Amoco-Cadiz (16 mars 1978), que les leçons du Torrey-Canyon (1967) ont été oubliées » écrit Michel Girin, rédacteur de l'ouvrage et 4ème directeur du Cedre de 1995 à 2008. « Par ailleurs, il manque au dispositif national de lutte contre les pollutions marines (Polmar) un organisme d'expérimentation, de capitalisation de l'expérience acquise et de conseil opérationnel » .

Le Cedre est installé à Brest le 24 avril 1979 dans des bureaux prêtés par l'Équipement avec un budget de 3,7 MF « apports en nature compris » et 18 personnes dont 11 mises en disposition par les partenaires fondateurs à savoir l'Ifremer, Institut français du Pétrole, la Marine nationale, le ministère de l'Équipement et les Affaires maritimes. Son premier directeur est Pierre Bellier, « polytechnicien ». Et la fête commença.

Le 28 avril le pétrolier Gino transportant 40 000 t de carbon black oil, entre en collision par un épais brouillard avec le pétrolier norvégien Team-Castor. Environ 1 000 t partent à la mer. Le Gino coule.

Le 7 mars 1980, le Tanio, chargé de 26 000 t. de fioul lourd (déjà) « se plie en deux » dans une forte tempête au sortir de la Manche. L'avant coule. L'arrière est remorqué jusqu'au Havre. 6 000 t à l'eau. « Les scientifiques du Cedre contribuent en urgence à une étude du comportement du fioul déversé ». Le Cedre s'occupe également d'un déversement de fioul lourd dans la Durance.

23 février 1981, le centre s'installe dans 750 m2 de locaux neufs représentant un investissement de 5 MF. Son effectif sera en fin d'année de 27 personnes. Vingt-quatre sollicitations dans l'année dont une pour une rupture de canalisation de terminal pétrolier en Sicile ; le début d'une reconnaissance mondiale.

1982 : le Cedre produit une première synthèse des travaux de recherche et d'expérimentations engagés depuis le début. 40 incidents à traiter.

Le 2 septembre 1983, le cargo chypriote Hydo se disloque sur la pointe de Pen-Hir (Finistère). Une quarantaine d'autres incidents sont traités.

En 1984, le Cedre intensifie son activité d'expérimentation. Il est occupé par ailleurs par plusieurs échouements de chalutiers, la mort inexpliquée de plus de 10 000 oiseaux et le naufrage dans les eaux belges du roulier Mont-Louis qui contenait entre autres 450 t d'hexafluorure d'uranium. Ce navire de la CGM avait été épronné par le ferry allemand Olau-Britannia.

1985 : RAS ou presque. La lettre de missions du Cedre est confirmée «tout en accentuant la recherche de moyens de lutte contre les pollutions par substances dangereuses ». Bonne idée car le 12 mai l'Anny-Danielsen perd, entre autres, 78 fûts de toluène et de xylène.

1986, petite année : quelques fûts d'acétone, d'acide sulfirique et d'huile d'aniline s'échouent en Bretagne.

En 1987, est prise la décision d'éditer des guides pratiques. Le porte-conteneurs alllemand Kini-Kersten s'échoue le 1er janvier sur une plage normande où il laisse une partie de ses soutes. Le 23 juin, le pétrolier Vitoria explose en Seine. Le 4 décembre, le cargo Cason s'échoue au Cap Finisterre, ce qui va occuper le Cedre jusqu'en mars 1988.

En effet, en février 1988, la Commission européenne lui demande de participer à la task force chargée de conseiller les autorités sur les dangers de la cargaison du Cason.

Le 22 janvier, le porte-conteneurs Brea perd au large d'Ouessant 700 fûts d'acide, de bases et autres liquides inflammables et divers produits dangereux dont des pesticides.

Le 30 janvier, remontant le raild'Ouessant, le pétrolier Amazzone laisse s'échapper 2 100 t de brut paraffinique.

Happy birthday!

«Les mises à disposition de personnel, les contributions en nature et les subventions ont diminué » : le budget passe à 10,6 MF «apports en nature compris ». La pertinence à envisager le démantèlement des capacités d'expertise du Cedre occupe les esprits. Forcer de chercher des contrats à l'étranger, le Cedre «bénéficie » du marché porteur que constituent les catastrophes : il contribue ainsi au soutien français impliqué dans la lutte contre la pollution de l'Exxon-Valdez, «la marée noire la plus chère et la plus médiatisée de l'histoire ».

L'explosion du Khark-V en décembre au large du Maroc fournit également l'occasion de facturer des prestations de conseil.

L'émotion provoquée par l'Exxon-Valdez et le Khark-V amène le Comité interministériel de la mer de juillet 1990 à entériner un «ambitieux projet » de création d'un Cedre européen. En attendant, le Cedre national termine sa série de 61 mini-guides d'intervention chimique et publie le guide de l'élu. Les affaires reprennent avec l'abordage du pétrolier Sea-Spirit par le méthanier norvégien Hesperus dans le détroit de Gibraltar en août. Au large de Madère, le 29 décembre, le pétrolier Aragon connaît une défaillance de structure. 1991 s'annonce chargée.

Elle se termine par une hausse de 80 % du chiffre d'affaires hors France ; ce qui accroît le budget de 28 %. Pollution à Madère ; naufrage en Adriatique d'un chimiquier avec 8 000 t de dichloroéthane et d'acrylonitrile ; explosion du Haven devant Gènes ; audits et conseils divers se succèdent.

1992 confirme la tendance : les «prestations de service » permettent d'accroître de près de 10 % le budget disponible.

En France le 11 février, l'Azilal perd 15 conteneurs de chimiques au large de l'Île de Sein. Le 3 décembre, l'Aegean-Sea s'échoue à La Corogne, assurant quatre ans de missions au Cedre dans le cadre des dommages aux activités halieutiques.

1993, subventions et fonds propres fournissent 4 MF pour moderniser le plateau technique. Le projet Eurocedre est abandonné (car aucun État membre ne veut y participer financièrement, se souvient un ancien de la mission interministérielle à la mer) mais un contrat État-Région prévoit 18 MF pour le Cedre. Exxon confie au Cedre l'animation d'un exercice exceptionnel. L'été sera chaud avec l'abordage du pétrolier français Lyria qui perd 1 500 t de brut au large de Toulon. Faute de place, Michel Girin n'a eu pas l'opportunité de rappeler que ce pétrolier de Shell fut abordé par le dessous, par le Rubis, sous-marin français qui faisait malencontreusement surface. En décembre, le Sherbro (navire du groupe Delmas) perd 88 conteneurs ; le chimiquier Grape-One coule en Manche, avec 3000 t. de styrène et arrivent sur les plages Atlantique des milliers des détonneurs sous poche plastique (sans parler des poches d'insecticides de Ciba Geigy, échappées du Sherbro).

1994 est une petite année en terme de nouvelles alertes: en mai, le Ming-Fortune perd 8 conteneurs de chimiques et en juin, le Karagand, chargé de manioc et de kapok, prend feu à Lorient. Expérimentations et diffusion du savoir se poursuivent.

En 1995, pour la première fois, le budget dépasse les 20 MF, apports en nature compris. La ministre de l'Environnement annonce la pérennisation de la subvention annuelle de l'Etat. La première journée d'information a lieu sur les leçons tirées du Braer.

1996, le Sea-Empress échoué devant Milford Haven et les 2 600 t de blé du Fenes occupent le Cedre, entre autres.

1997, «assortiment de petites interventions en métropole, en Nouvelle-Calédonie, en Turquie, en Uruguay et au Japon ».

L'année 1998, vingt ans après l'Amoco-Cadiz, est calme sur le plan des interventions d'urgence. Cela permet au Cedre de poursuivre son programme de diffusion du savoir technique et d'information du grand public.

L'été 1999 est radieux : les nouvelles installations du Cedre sont inaugurées en juin. 38 personnes s'intallent dans des bureaux et laboratoires neufs. La fin d'année est « noire » des 20000 t de fioul lourd libérés par le naufrage de l'Erika. Pour faire face, le Cedre rappelle en 2000, ses anciens cadres et stagiaires afin de renforcer ses moyens humains surchargés et stressés. Les coûts «explosent ».

La pression diminue à l'automne mais le 31 octobre, l'Ievoli-Sun coule en Manche avec 6000 t de styrène, de méthyl-éthyl-cétone et d'alcool isopropylique. Evaluation des risqes, conseils aux autorités, expérimentations repartent y compris entre le 25 décembre et le 1er janvier.

Le réveil des consciences publiques s'est matérialisé en 2001 par le versement de plus de 15MF de subventions afin de développer un programme de recherche sur les hydrocarbures en milieu marin, créer une équipe pilote d'intervention-formation, etc.

Le Cedre 1979-2009 ; 30 années de lutte contre les pollutions accidentelles des eaux, ISBN : 978-2-87893-094-8

Cedre Editeur ; 12

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De source directement impliquée mais officieuse, il n'y a aucun signe laissant craindre une réduction des moyens affectés au Cedre ou son éventuel démantèlement. Pas d'effet collatéral de la révision générale des politiques publiques à craindre donc.

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