Transport de riz en sacs sous B/L - avaries et manquants au déchargement - recevabilité des assureurs subrogés (oui) - loi applicable déterminée par la « general Paramount clause » - responsabilité du transporteur maritime (oui)
Des avaries et manquants à des lots de riz en sacs chargés à Kakinada (Inde) et déchargés à Dakar (Sénégal) ont été constatés au déchargement par des expertises diligentées par les intérêts cargaison (assureurs) ainsi que par les intérêts d'armateur (P&I Club).
Une lettre de garantie a été émise pour le compte de l'armateur par son P&I Club en faveur des réceptionnaires de la cargaison pour éviter la saisie du navire. Cette lettre de garantie donne compétence à la Chambre arbitrale maritime de Paris pour régler le litige.
Les arbitres ont jugé que les documents produits par les demandeurs ( factures des marchandises, police et certificats d'assurance, acte de subrogation, preuve du versement de l'indemnité au propriétaire de la cargaison) établissaient clairement la recevabilité de l'action des assureurs à l'encontre de l'armateur.
En ce qui concerne la loi applicable, les assureurs et l'armateur interprétaient différemment la « general Paramount clause » qui était insérée dans les connaissements : les assureurs réclamaient l'application de la Convention de Bruxelles de 1924 alors que l'armateur réclamait l'application des Règles de Hambourg de 1978.
Rappelons que le texte de la « general Paramount clause » prévoit 3 cas de figure:
1- The Hague Rules contained in the International Convention for the unification of certain rules relating to Bills of lading, dated Brussels the 25th August 1924 as enacted in the country of shipment shall apply to this Bill of lading.
2- When no such enactment is in force in the country of shipment, the corresponding legislation of the country of destination shall apply,
3- but in respect of shipments to which no such enactments are compulsorily applicable, the terms of the said Convention shall apply.
Pour le Tribunal arbitral, le problème d'interprétation se situe en amont de la formule « corresponding legislation » du pays de déchargement. Le Tribunal arbitral a jugé que le mot « enacted » n'est pas l'équivalent du mot « ratified » et que le mot « enactment » vise la procédure par laquelle la Convention de Bruxelles de 1924 a pu ou non être transposée dans le droit du pays de chargement.
Or l'Inde, comme beaucoup de pays de l'ex-Commonwealth britannique, a transposé en droit interne dès le 21 septembre 1925 les dispositions de la Convention de Bruxelles et cette transposition est un « copier-coller » de cette Convention sur tous les points qui concernent le présent litige.
Dès lors, le Tribunal arbitral estime que les décisions judiciaires françaises invoquées dans un sens ou dans l'autre par les parties au soutien de l'interprétation de la formule « corresponding legislation » sont ici sans intérêt et considère que la clause Paramount renvoyant à cet « enactment » des Règles de la Haye par le pays de chargement est le « Carriage of goods by sea Act » indien du 21 septembre 1925. Le Tribunal arbitral a donc décidé d'appliquer ces Règles au transport litigieux.
En vertu des dispositions de la Convention de Bruxelles, le transporteur est responsable des avaries et manquants jusqu'au « sous-palan » à destination et il ne peut s'exonérer de cette responsabilité que s'il prouve qu'il peut se prévaloir d'un cas excepté de responsabilité prévu à l'article 4§2. Les arbitres constatent que l'armateur ne s'est pas valablement prévalu d'un tel cas d'exonération et retiennent donc sa responsabilité.
Les arbitres ont retenu pour chiffrer les dommages les nombres de sacs manquants, mouillés et déchirés déterminés par l'expert des assureurs, le seul à avoir couvert l'intégralité du déchargement, nombres extrêmement proches de ceux de l'expert du P&I Club de l'armateur. Néanmoins, les arbitres n'acceptent pas les conclusions de l'analyse des échantillons effectuée par un laboratoire de Dakar pour le compte des intérêts cargaison car cette analyse, très tardive, n'a pas été contradictoire et décident de limiter à 50% le taux de dépréciation des sacs mouillés.
En définitive, l'armateur a été condamné à payer la valeur CAF, augmentée de la marge brute du réceptionnaire, des manquants et à supporter les dommages résultant de la mouille estimée à 50% de la valeur des sacs mouillés ainsi que les dommages résultant d'une manutention brutale sous déduction des balayures récupérées.
En ce qui concerne les demandes annexes, les arbitres accordent les intérêts de droit et 75% de l'indemnité au titre de l'article 700 du CPC aux demandeurs. Ils rejettent les demandes de dommage et intérêts et d'indemnité au titre de l'article 700 du CPC à l'armateur. Ils mettent 75 % des frais et honoraires d'arbitrage à la charge de l'armateur et 25 % à la charge des demandeurs.