Selon les organisateurs, la Chambre de commerce international, le World Shipping Council (regroupant la plupart des grandes compagnies de lignes régulières), le Comité maritime international, la National Industrial Transportation League (représentant les principaux chargeurs des Etats-Unis), l'International Chamber of Shipping et le Bimco sont favorables à ces nouvelles règles du contrat de transport de marchandises.
Dans son récent rapport annuel,l'association des armateurs européens (ESCA) se dit favorable à cette nouvelle convention et demande à tous les États, et en particulier aux membres de l'UE, de la ratifier.
Ce n'est plus un secret pour personne, le conseil des chargeurs européens (ESC) en général et les chargeurs français (AUTF) en particulier, y sont hostiles. En Europe, ils ne sont pas les seuls.
Le Clecat, représentant les commissionnaires de transport et les agréés en douane européens, a demandé en mai dernier, aux instances européennes et aux États membres de l'Union de ne pas ratifier cette convention internationale pourtant adoptée en décembre 2008, par un vote à l'ONU. Parmi les sept points d'achoppement relevés par le Clecat, figure la trop grande complexité de cette convention qui la rend difficilement compréhensible, notamment par les courtiers et les assureurs.
Le Clecat note également que les transporteurs maritimes vont probablement tenter de signer un contrat de volume qui leur permettra d'échapper à de nombreuses obligations. Par contre, les commissionnaires de transport ne pourront pas faire de même vis-à-vis de leurs clients chargeurs. Ces derniers pourraient ainsi plus fréquemment poursuivre en justice leurs fournisseurs directs. Au mieux, leurs coûts d'assurance de la responsabilité civile seront donc en hausse. Au pire, leurs assureurs auront refusé de couvrir.
le transport routier »
Le 9 septembre, l'International Road Transport Union qui représente entre autres les transporteurs routiers du monde, indiquait que les règles de Rotterdam constituent « une importante menace pour l'application uniforme du droit régissant le transport routier ».
En l'état, ces règles « s'appliqueront non seulement aux transports de marchandises par mer mais aussi aux transports terrestres de marchandises précédant ou suivant un transport maritime, disposition qui menace l'application uniforme du droit régissant le transport routier, et notamment la réglementation relative aux contrats de transports national et international ».
La présidente de la Commission des affaires juridiques de l'IRU, Isabelle Bon-Garcin, souligne que « sous prétexte d'harmoniser le droit maritime, les règles de Rotterdam brisent l'unité du droit qui régit actuellement le transport routier de l'Atlantique au Pacifique, et introduisent une discrimination entre les transports mer-terre et les transports uniquement terrestres ».
Plus particulièrement en ce qui concerne le transport routier, la nouvelle convention :
- « écarte l'application de la législation nationale au tronçon terrestre d'un transport mer-route, même lorsqu'elle est basée entièrement (Autriche, Belgique, Norvège) ou partiellement (France, Espagne, etc.) sur la convention CMR ;
- écarte entièrement, ou partiellement selon les cas, l'application de la convention CMR aux transports internationaux par route précédant ou suivant le transport maritime. Ainsi, un transport international par route pourra être soumis à la fois à la CMR et aux règles de Rotterdam, avec tous les inconvénients et risques de confusion qui en résulteront.
- prive les expéditeurs de marchandises des avantages qu'offrent la réglementation nationale du transport routier ou la CMR, notamment en termes d'indemnisation. Les règles de Rotterdam prévoient ainsi d'abaisser le plafond de 8,33 DTS/kg prévu par la CMR à 3 DTS/kg et de placer la limite à 875 DTS par conteneur, camion, semi-remorque ou remorque dont le contenu n'a pas été déclaré colis par colis, ce qui est souvent le cas en pratique du fait du manque de possibilités techniques ;
- expose les parties contractantes à la CMR à une double violation du droit international, à savoir de l'article 1.5 de la convention CMR interdisant aux parties de la modifier via des accords particuliers, et de l'article 41 de la convention de Vienne sur le droit des traités qui interdit toute modification d'une convention multilatérale (comme la CMR) non autorisée par celle-ci».
Les Règles de Rotterdam « ne feront qu'imposer de nouvelles règles aux transports terrestres sans avoir prouvé leur efficacité dans le transport maritime, mais leurs conséquences prévues s'avèrent d'ores et déjà désastreuses tant pour les expéditeurs de marchandises que pour les transporteurs terrestres.
L'IRU appelle « donc les gouvernements et, surtout, ceux des pays parties contractantes à la convention CMR, à refuser de signer la nouvelle convention ».
inquiète
En juillet dernier, lors d'une conférence-débat sur le transport maritime de courte distance en Europe, le chef de l'unité 3 (logistique, co-modalité et autres autoroutes de la mer) de la DG Transports et Énergie a rappelé dans sa présentation que la Commission européenne, simple observatrice, était préoccupée par les conséquences négatives que les règles de Rotterdam pourraient avoir sur le transport multimodal en Europe. Elle a donc proposé aux États membres de prévoir une clause de « découplage » permettant de ne pas appliquer ces nouvelles règles lors d'un transport multimodal.
Cette position est confirmée par le rapport 2008-2009 de l'Ecsa qui souligne qu'en dépit de l'adoption des règles de Rotterdam et malgré une «forte opposition de certains États-membres», la Commission européenne cherche encore la possibilité d'établir un régime européen de responsabilité dans le transport multimodal. L'Ecsa s'oppose également à la création d'un document unique de transport multimodal en Europe.
Lors de sa 5ème réunion annuelle qui s'est tenue à la mi-aout, le conseil des chargeurs asiatiques a déclaré que « dans leur forme actuelle, les règles de Rotterdam n'offrent pas aux propriétaires des cargaisons une protection adéquate. Il y a de conséquences importantes pour les chargeurs asiatiques et à ce stade leur conseil ne peut apporter son soutien à ces règles ».
Il semble donc urgent d'attendre de voir si cette convention internationale connaîtra le même sort que celui réservé depuis 1996 à la convention HNS sur les transports maritimes des substances polluantes ou dangereuses. En termes médiatiques, cependant, la place portuaire de Rotterdam peut se féliciter de cette opération de « pub ». Hambourg a eu son heure de gloire en 1978, et Visby fit sa révolution en 1968. Vers 2020, il serait souhaitable d'envisager les règles de La Rochelle, par exemple. Après tout, il y eu bien les Rôles d'Oléron au XIIè siècle