Les sociétés portuaires fragilisées par la jurisprudence communautaire

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La Cour de justice a admis que plusieurs personnes de droit public peuvent créer une société pour exploiter une activité d'intérêt général, et dès lors que le capital social est entièrement public, il y a lieu de considérer que ces actionnaires publics exercent sur cette société un contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services. C'est-à-dire que le transfert d'une concession d'outillage public portuaire peut avoir lieu au profit d'une société commerciale, sans appel à la concurrence, dès lors que son capital est entièrement public.

Cependant la loi du 5 janvier 2006 envisage la situation selon laquelle c'est seulement le capital initial des sociétés portuaires qui doit être totalement public, elle ouvre ainsi la possibilité d'y faire entrer ultérieurement des actionnaires privés. Une telle solution fait preuve de bon sens, car elle permet aux sociétés concernées d'accroître et de diversifier leurs sources de financement. Il ne faut pourtant pas oublier que même des activités de service public peuvent être soumises au droit de la concurrence, et la dispense d'appel à candidatures prévue par le législateur pour les sociétés portuaires doit être interprétée, comme pour toute exception, de manière restrictive. La Cour de justice vient de rappeler ce principe.

Les limites jurisprudentielles

À l'occasion d'un marché public de transport et d'élimination de déchets attribué sans mise en concurrence à une société à capital totalement public, la Cour de justice des communautés a été conduite à apprécier la compatibilité de cette situation au regard du droit communautaire, sachant qu'il n'était pas exclu à l'avenir que ladite société était susceptible d'accueillir des actionnaires privés. Dans son arrêt, la Cour laisse entendre que la solution serait la même dans l'hypothèse d'une concession (CJCE 10 septembre 2009 - Sea Slr - aff. n° C-573/07).

Le point important de sa décision est celui selon lequel elle affirme que : « le fait que, ultérieurement, mais toujours pendant la durée de validité de ce marché, des actionnaires privés soient admis à participer au capital de ladite société constituerait un changement d'une condition fondamentale du marché qui nécessiterait une mise en concurrence ». En d'autres termes, l'arrivée d'un actionnaire privé impose la mise en concurrence tant que le contrat n'est pas à son terme. Ainsi, une société portuaire titulaire d'une concession d'outillage public qu'elle a obtenu dans le cadre d'une cession ou d'un apport en société par le concessionnaire initial doit faire l'objet d'un appel à candidatures dès qu'un actionnaire privé intègre la société.

La jurisprudence de la Cour impose une seconde limite à la transmission directe d'un marché ou d'une concession à une société ayant un capital public, c'est que son activité doit intervenir dans l'intérêt exclusif des personnes de droit public qui ont la qualité d'actionnaire. Elle atténue toutefois la portée de ce principe en considérant que : « si le pouvoir reconnu à la société adjudicataire en cause au principal de fournir des services à des opérateurs économiques privés est simplement accessoire à son activité essentielle..., l'existence d'un tel pouvoir n'empêche pas que l'objectif principal de cette société demeure la gestion de services publics ». On peut envisager notamment qu'une société à capital public, concessionnaire de l'outillage public portuaire, puisse assurer la maintenance des outillages privés des entreprises privées de manutention qui en font la demande.

Une insécurité juridique

En permettant implicitement aux sociétés portuaires de faire appel au cours de leur existence, à des actionnaires privés, le législateur a voulu faciliter le développement des concessions portuaires grâce à cette forme de partenariat, néanmoins il a créé une insécurité juridique que vient de souligner la Cour de justice. La ligne de partage entre les missions de service public et les activités purement économiques manque de clarté, à l'avenir les réformes ne devront plus négliger les règles de droit communautaire qui sont devenues incontournables.

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