Diffusé fin juillet, le rapport 2008 de la MAIB commence ainsi :
« la désinvolture (complacency) continue à être le facteur majeur dans beaucoup d'accidents qui ont été analysés par la MAIB. Ainsi que je l'ai expliqué de nombreuses fois ce mot est utilisé par la MAIB non pas pour parler d'autosatisfaction ou de suffisance mais pour évoquer un comportement naturel résultant de l'habitude de réaliser une tâche ou un travail. La grande différence aujourd'hui par rapport à ce que je signalais déjà dans le rapport annuel 2005 est que ce problème est maintenant largement reconnu dans l'industrie et que les spécialistes de la sécurité cherchent des solutions », écrit Stephen Meyer, inspecteur en chef de la MAIB. Le reste du rapport ne développe pas cette thématique.
En ce qui concerne les navires de commerce de plus de 100 tjb, l'inspecteur en chef note qu'un « grand nombre de navires affectés au cabotage au large du Royaume-Uni ne disposent pas d'un équipage suffisant pour être exploité dans des conditions normales de sécurité. La veille à la passerelle est, dans de nombreux cas, insuffisante, compte tenu des circonstances. La veille exercée par des officiers fatigués constitue un danger pour eux et les autres. Dans le cas de l'Antari qui s'est échoué en Irlande du Nord en janvier 2008, l'officier de quart à la passerelle s'était endormi plus de trois heures avant l'accident, laissant le navire comme un missile sans contrôle, labourer les mers » (JMM du 6 mars 2009 ; p. 15). La MAIB a recommandé au ministère des Transports et à la Maritime and Coastguard Agency de saisir l'OMI pour qu'une solution soit trouvée au plan international et « également de prendre des mesures unilatérales fortes (robust) ».
de plus en plus suivies
« Le nombre de recommandations formulées en 2008 reflète la tendance à la baisse des dernières années. Depuis 2004, la MAIB a encouragé l'application de mesures correctives le plus rapidement possible après que l'accident se soit produit ». Il est rappelé que selon la loi britannique de 2005, tout organisme qui est destinataire d'une recommandation formulée par la MAIB a 28 jours pour l'informer des suites qui seront données. La MAIB doit à son tour rapporter chaque année au ministère des Transports les suites données aux recommandations et rendre publiques ces informations.
Ces recommandations sont classées en six catégories, selon la difficulté de leur mise en oeuvre : ainsi la classe A regroupe les recommandations qui ont la plus large portée et peuvent nécessiter la mise en place d'une nouvelle législation ou des changements de politique.
La classe C concerne les recommandations adressées aux compagnies maritimes. Sur les 63 recommandations concernant des navires de commerce, 60 ont été acceptées et 46 mises en oeuvre.
L'ombre du MSC-Napoli
Dix recommandations de classe A ont été formulées dont sept ont été acceptées et mises en oeuvre. Ainsi en ce qui concerne le MSC-Napoli, la MAIB a recommandé à l'IACS de réexaminer le contenu de la règle UR S11 sur les normes de résistance longitudinale. Cela devrait être fait avant décembre prochain.
Par contre la MAIB note, toujours au sujet du MSC-Napoli, que l'International Chamber of Shipping (ICS) a rejeté une partie de la recommandation relative au contenu du guide de bonnes pratiques du transport conteneurisé.
La MAIB souhaitait que dans ce dernier, soit soulignée l'importance d'adapter la vitesse et la conduite du navire aux conditions météorologiques rencontrées. L'ICS a répondu que ce point serait plus à sa place dans le guide des procédures de passerelle. Réaction de la MAIB rédigée en gras dans son rapport : « l'enquête a identifié une croyance largement répandue dans l'industrie du transport conteneurisé selon laquelle les porte-conteneurs n'ont pas besoin de réduire leur vitesse dans le mauvais temps. Il est regrettable que l'opportunité de corriger cette illusion (fallacy) critique n'ait pas été saisie ».
Fatigue des navigants : l'administration française s'y intéresse
Les 14e journées de la médecine des gens de mer qui se sont tenues les 14 et 15 mai dernier, avaient pour thème « grand » public la fatigue des marins.
À cette occasion, la Direction des Affaires maritimes a proposé de vérifier lors des contrôles des navires en escale dans un port français, l'organisation du travail à bord et donc les temps de repos effectif des marins.
« La fatigue chronique des marins, indépendamment des conséquences sur la santé de chaque marin concerné, constitue un réel problème de sécurité maritime, cause directe ou indirecte de nombreux accidents parfois dramatiques », ont expliqué Yann Bécouarn et Benoit Faist de la DAM.
Le mode d'organisation du travail à bord de certains navires « conduit à douter » que les normes STCW et OIT 180 sur l'organisation de la veille et des temps de travail et repos, soient correctement respectées. « C'est le cas en particulier pour les petits caboteurs internationaux, qui présentent souvent des équipages réduits à 6 voir 5 personnes, dont seulement deux officiers de veille. L'addition du temps consacré à la navigation proprement dite (la veille) avec celui consacré à la manoeuvre (particulièrement long dans le cas des remontées de rivière) et aux opérations commerciales, y dépasse alors souvent les maximum requis par les conventions.
De plus, les difficultés inhérentes au cabotage international en Europe du nord (brièveté des traversées, fréquence des escales, météo souvent difficile et fort trafic maritime) n'offrent par ailleurs pas à ces équipages des conditions suffisantes de repos ».
Aussi, la Direction des affaires maritimes souhaite-t-elle aborder cette question par le biais d'une « campagne expérimentale ciblée sur ce type de navires ». En effet, dans le cadre du contrôle des navires au titre de l'État du port, il apparaît possible de vérifier de façon « très détaillée » le planning de travail d'un équipage donné, en recomposant, sur les jours précédents le contrôle, l'emploi du temps des marins concernés. Lorsque le minimum de repos n'a pas été respecté, il est alors possible de prononcer l'immobilisation du navire, jusqu'à ce que les marins aient bénéficié d'un repos suffisant. « Un contrôle fréquent des navires contrevenants doit conduire à mettre en évidence la corrélation entre équipage insuffisant et la chronicité d'une fatigue excessive ».
Cette campagne doit permettre au Port State Control français « d'évaluer la gravité du problème ». Elle devrait démarrer début 2010 et durer environ trois mois, a précisé François-Xavier Rubin de Cervens, tout nouveau responsable du Port State Control. Dans un second temps, vers septembre 2010, les éléments factuels recueillis pourront conduire à proposer au niveau européen ou international (OMI) des règles plus précises en matière de définition de l'effectif minimum de sécurité des navires.