De très fortes amendes qui laissent perplexes...

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Les amendes étant désormais passées de 1 M¤ à 15 M¤ maximum, le tour de vis donné par les autorités est clair. Récemment condamné à 1 M¤ alors que le procureur de Brest n'en avait requis « que » 700 000¤, l'armateur égyptien du cargo Al-Esraa peut en témoigner. C'est encore pire pour l'armateur libanais du Valentia qui, après une réquisition de 300 000 ¤, s'est vu condamner à 2 M¤ ! Du coup, les commentaires vont bon train sur les quais et dans les associations et les services concernés.

Il y a d'abord ceux qui s'en réjouissent. Rappelant qu'on leur a longtemps fait le procès d'appliquer des amendes non dissuasives car moins élevées que le coût d'un déballastage, ils acceptent mal qu'on vienne leur dire aujourd'hui qu'ils poussent le bouchon trop loin avec de fortes amendes. « Dans les deux récents cas du Al-Esraa et du Valentia, le montant des amendes ne représente que 10 % de la peine encourue », précise l'un d'eux en soulignant que « si on veut que le transport maritime soit sûr, il faut mettre les moyens. »

Les associations qui se portent systématiquement parties civiles dans ces procès ne pleurent pas non plus la multiplication par 15 des amendes encourues. « Tout ce qui touche à la protection de l'environnement prend actuellement une résonance particulière et les juges ont manifestement pris en compte le nouveau texte de loi », commente Jacques Mangold, secrétaire général du syndicat Vigipol.

Un effet d'affichage ?

D'autres sont plus dubitatifs. On connaît déjà la position de l'AFCAN qui défend les intérêts des commandants. Nous n'avons pas vocation à défendre les pollueurs intentionnels, explique le président, Hubert Ardillon. Mais le législateur a-t-il bien vu et compris ce que représentent les 10 % d'une telle somme pour un commandant ? Cela revient à condamner au suicide tout capitaine qui polluera la mer quand le matériel mis à sa disposition est défectueux et qu'il ne peut ni le savoir ni y remédier.

En fait, tout le monde convient que de telles amendes vont avoir de lourdes répercussions sur des armements fragiles dont les trésoreries tanguent dans la morosité mondiale. C'est par exemple le cas de l'armateur grec du cargo Matterhon qui, arraisonné à Brest fin mai et condamné à payer 300 000 ¤ de caution, a déposé son bilan le 24 juin. Du coup, le phénomène de bateaux ventouses risque de se multiplier dans les ports. « Il vaut peut-être mieux faire ainsi le ménage » émet, sans état d'âme particulier, une association. « Nous préférons qu'un navire bouffe 100 m de quai plutôt que de le voir polluer trois départements côtiers » entonne à l'unisson un service de l'État.

Reste le très délicat problème du recouvrement de telles amendes. Selon plusieurs services et associations contactés, il n'est en effet pas du tout certain que l'État français ait les moyens de se faire payer. « Il y a un effet manifeste d'affichage dans ces très hauts montants d'amendes », admet par exemple Vigipol. Un effet d'annonce que ne nient pas certains services d'État. « La Cour de cassation ayant entériné l'application de l'article 228 de la convention de Montego Bay, de nombreux cas de pollutions seront donc réglés par l'État du pavillon et non plus par la France », constate un haut-fonctionnaire.

A. L. D.

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