Naufrage du Cap-Blanc : pas de certitude

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Le rapport de l'enquête franco-canadienne concernant le naufrage du Cap-Blanc est disponible sur le site Internet du Bureau d'enquête sur les événements de mer (BEAmer) depuis début juin : son « seul objectif est de tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type ». Le 1er décembre 2008, ce roulier construit en 1982 en Roumanie, d'un port en lourd de 280 t, immatriculé à Saint-Pierre-et-Miquelon charge en pontée, au port d'Argentia (baie de Placentia) 204 t de sel de déneigement réparti dans 160 big bags. Il appareille en fin de journée pour une traversée de moins de 12 heures à destination de Saint-Pierre. À 21 h 10, il manque son 2e rendez-vous radio avec Placentia Radio. À 21 h 23, la station canadienne l'appelle en vain. Une unité de la garde côtière est invitée à appeler également le Cap-Blanc toutes les 30 minutes. Le lendemain, à 5 h 01, ce bâtiment reçoit l'ordre de se rendre dans l'Est de Saint-Pierre.

Un premier avion canadien décolle à 9 h 09. Retourné, le Cap-Blanc est retrouvé à 10 h 54 par un hélicoptère canadien. À 11 h 39 et 11 h 44, un marin canadien arrive à frapper sur la coque et « entend des cognements frénétiques en retour, en provenance de l'intérieur du navire ». À 14 h 08, le bâtiment coule par 130 m de fond. Trois corps sont récupérés par les sauveteurs canadiens. Déclenchée manuellement, la balise de radiolocalisation est retrouvée au fond.

Comment s'est-il retrouvé travers ?

Le facteur déterminant de l'accident est attribué aux conditions météo : jusqu'à 32 noeuds de Sud avec des rafales à 42 noeuds. « Il convient toutefois de souligner que les marins habitués de la zone précisent que la mer y est bien plus dure que ce que la seule mesure de la force du vent laisserait supposer », indique le rapport du BEAmer. Le navire étant jugé bien entretenu, les enquêteurs ne s'expliquent pas comment le roulier a pu se retrouver travers à la houle alors qu'il recevait le vent et la mer par trois quarts sur l'avant bâbord. Les deux moteurs principaux étant totalement indépendants l'un de l'autre, ils penchent donc pour une avarie de barre, soit par arrêt de son alimentation électrique, soit par panne propre du système de commande. Dans les deux cas, il faut au moins cinq minutes pour relancer le groupe électrogène, ce qui laisse le temps à un petit roulier avec château tout à l'avant d'abattre pour se retrouver travers. « L'hypothèse de la perte de gouverne apparaît donc plausible et susceptible de faire tomber le navire en travers. Elle constituerait dans ce cas un facteur déterminant de l'accident. »

Un navire trop chargé...

Le chargeur avait prévu de charger 210 t puis est descendu à 180 t. « Cependant, sur instructions du capitaine », 204 t furent embarquées. Un chargement qui « s'écarte nettement des cas de chargement figurant dans le manuel de stabilité approuvé à la disposition du capitaine, d'autant plus que le cas de chargement s'en rapprochant le plus est calculé par rapport à la marque «été» alors que le navire se trouvait en zone «hiver» ». Si la stabilité statique « n'est pas très dégradée », le navire reste vulnérable par le travers.

Le plan de chargement, en pontée, seul espace prévu pour cela, constitue le « principal facteur déterminant du chavirement. Toutefois, cette pratique n'était pas nouvelle, dans la mesure où, au cours des deux dernières années, pour ne reprendre que cette période, au moins six chargements du même type (195 à 219 t de sel en sacs) avaient été opérés, sans incident notable. Les équipages avaient ainsi progressivement intégré le cas de chargement suivant : 200 à 220 t en pontée ; des approvisionnements réduits ; une quasi-absence de ballastage ; comme étant la «norme» mais non validé par un calcul de stabilité effectué par le bord ou un cas de chargement approuvé. Cette forme d'habitude dans la manière de charger du sel à Argentia constitue un facteur contributif ».

L'absence de réception du signal de la balise, privant l'équipage d'une intervention plus rapide des secours, a constitué un facteur aggravant du sinistre.

Le BEAmer préconise donc les recommandations suivantes :

« - Aux armateurs et capitaines des petits navires de charge, notamment rouliers :

• de s'assurer que les pratiques de chargement ne conduisent pas à dépasser les limites prévues : chaque chargement doit être ramené et comparé à l'un de ceux figurant dans le dossier de stabilité approuvé ; en cas de doute ou de chargement s'écartant notablement des cas de chargement validés, il convient

• de faire étudier et valider par une société de classification des cas de chargement complémentaires. Les cas de chargement doivent également tenir compte des conditions météorologiques généralement rencontrées dans la zone d'exploitation.

- À l'administration, de s'assurer, lors de la visite de mise en service et des visites périodiques, que l'emplacement prévu pour la balise de radiolocalisation des sinistres permet à cette dernière d'être libérée, en risquant le moins possible de se trouver retenue par des superstructures ou autres, lorsqu'il y a chavirement ».

Le BEAmer « s'interroge également sur le fait que le non-respect, à plusieurs reprises, des conditions d'assignation du franc-bord, n'ait donné lieu à aucun constat. »

Enfin, le BEAmer « note avec intérêt que l'extension de la couverture de réception AIS est d'ores et déjà programmée, par les autorités canadiennes, dans la zone du naufrage ».

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