Selon l'International Maritime Bureau (IMB) de Londres, il y a eu 102 actes de piraterie au premier trimestre, contre 53 un an auparavant. Les pirates ont détourné 9 navires (un au premier trimestre 2008), ont pris 178 navigants en otage (7), en ont enlevé 5 contre rançon (6), en ont blessé 9 (8) et en ont tué 2 (3). La hausse générale est surtout due aux agressions dans le golfe d'Aden et la côte Est de la Somalie avec 61 attaques (6) et 157 prises d'otages (6). Mais, il est à noter qu'une attaque sur six a réussi en janvier, puis une sur huit en février et une sur treize en mars. En moyenne, un navire a été détourné sur huit attaqués au premier trimestre, contre un sur trois un an auparavant. « Les Marines militaires ont joué un rôle clé pour le contrôle de la piraterie dans le golfe d'Aden, a déclaré Pottengal Mukundan, directeur général de l'IMB, il est vital que ces opérations navales continuent. » Dans son rapport trimestriel, l'IMB rend hommage à la force européenne Atalante, la marine américaine, Alindien (amiral commandant le dispositif français en océan Indien), l'escadre de l'Otan, aux marines indienne, malaisienne, russe et chinoise et enfin aux garde-côtes du Yémen. Par mesure de sûreté, le rapport recommande de naviguer à au moins 600 milles de la côte somalienne, plusieurs attaques ayant eu lieu à 400 milles au sud-est de Mogadiscio. À moyen terme, il préconise de passer par la zone économique exclusive de l'Inde, où la pêche est surveillée, réduisant d'autant l'action d'un navire mère de pirates camouflé en bateau de pêche. À de telles distances de la Somalie, il sera aussi plus facile de repérer une embarcation suspecte si éloignée de sa zone traditionnelle de pêche.
Une charte de coopération
L'IMB note que les États riverains de la mer Rouge et de l'océan Indien se sont engagés à coopérer dans la capture, les investigations et la poursuite en justice de pirates au large de la Somalie. Ainsi, Djibouti, l'Éthiopie, le Kenya, Madagascar, les Maldives, les Seychelles, la Somalie, la Tanzanie et le Yémen ont signé une charte en ce sens. Elle autorise le partage des opérations et l'embarquement de personnes habilitées à bord des bâtiments et aéronefs de tous les États signataires. De son côté, l'Afrique du Sud envisage d'escorter les navires marchands entre sa côte et celle de la Somalie.
Depuis la libération du navire-citerne Stolt-Strenght le 21 avril, six navires et 85 navigants philippins sont encore détenus par des pirates somaliens. En outre, environ 40 % des 800 000 navigants dans le monde sont philippins. Le gouvernement des Philippines a déjà décrété l'interdiction d'emploi de marins philippins sur des navires passant à proximité de la côte somalienne, sans préciser comment la faire respecter. Il compte donc soulever la question de la piraterie somaliene auprès de l'ONU et de l'OMI. Toutefois, cette interdiction ne suscite guère l'adhésion des syndicats de navigants philippins. Ainsi, le Trade Union Congress rappelle que la piraterie n'est pas nouvelle et que les compagnies maritimes devraient plutôt améliorer la formation des équipages à la sûreté. Un autre syndicat souligne qu'une telle interdiction menacerait l'emploi de 150 000 marins. Les navigants constituent en effet une partie non négligeable des neuf millions de Philippins travaillant à l'étranger et dont les envois de fonds, de l'ordre de 16 Md$ par an, contribuent de façon notable à l'économie du pays.
Dans un premier temps, le gouvernement recommande aux navires franchissant le canal de Suez, avec des marins philippins à bord, d'emprunter le corridor de sûreté établi par les forces navales internationales à 200 milles de la côte somalienne.
Surcoût dans tous les cas
Le choix de la route du cap de Bonne Espérance rallonge la durée du voyage d'un navire de 5 à 15 jours et entraîne un surcoût de plusieurs centaines de milliers de dollars. Par ailleurs, la recrudescence de la piraterie au large de la Somalie fait monter les primes d'assurances depuis un an. Certaines compagnies proposent des contrats spécifiques, dits « kidnapping et extorsion », incluant le remboursement de la rançon... qui ne représente, en moyenne, que le quart du coût total d'une opération de piraterie ! S'y ajoutent en effet l'intervention d'un spécialiste de la gestion de crise, les coûts de communication, les frais d'assistance psychologique des otages et le manque à gagner dû à l'immobilisation de la cargaison, en moyenne de 50 jours. Selon la compagnie Hiscox, l'assurance « risques spéciaux » peut monter jusqu'à 30 000 $ pour un seul trajet, après négociations au cas par cas. Enfin, ce marché est soumis à la plus grande confidentialité pour des raisons de sécurité. Le seul fait de révéler qu'un navire est couvert par une telle assurance suffit à annuler le contrat. La discrétion totale est de rigueur, y compris dans la gestion d'une attaque, car la médiatisation entraîne l'augmentation de la rançon, souligne Hiscox.