Sentence 1155 du 22 mai 2008

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À la demande principale pour surestaries doit être ajoutée la demande de dommages intérêts qui n'est pas accessoire, car fondée sur les mêmes faits. Cette somme est supérieure au seuil de 30 000 e de l'article XV, la demande est donc recevable.

La charte-partie au voyage dispose que, si le connaissement original n'est pas disponible au port de déchargement, l'armateur acceptera de décharger la marchandise contre une lettre d'indemnité signée par l'affréteur sur le modèle habituel des Clubs, sans qu'une garantie de banque ne soit requise.

À l'arrivée du navire à destination, le connaissement n'était pas disponible et l'affréteur demanda à l'armateur de livrer la marchandise à la partie nommée au connaissement [notify). Il délivra une lettre de garantie conformément aux dispositions de la charte-partie.

L'armateur refusa au motif qu'il avait reçu d'une société de négoce l'avis qu'elle avait vendu la marchandise à l'affréteur qui ne l'avait pas payée, et qu'elle retenait le connaissement original. Elle demandait à l'armateur de ne pas décharger la marchandise sauf sur présentation du connaissement ou sur avis contraire de sa part. Après plusieurs jours, le vendeur qui détenait le connaissement informa l'armateur que l'affréteur avait mis en place les moyens de naiement et l'avisa qu'il n'avait plus d'objection à la livraison de la marchandise, eu conséquence l'armateur autorisa le déchargement.

Les arbitres ont constaté que la clause contractuelle, qui permet la livraison sans connaissement, anticipe le cas très courant où la transmission de ce document a subi un retard. Cette clause prévoit une procédure intérimaire dérogatoire des règles habituelles permettant de décharger et d'éviter une attente onéreuse de durée incertaine au navire et à la cargaison.

Les arbitres ont estimé que ladite clause ne créait pas un droit absolu de l'affréteur d'obtenir la livraison de la marchandise quelles que soient les circonstances, en particulier au cas où un contentieux avéré s'est manifesté.

En convenant des conditions de la clause en question, les parties souhaitaient mettre en place une solution pragmatique pour éviter un retard au navire. Elles ne pouvaient avoir conçu cette clause comme un moyen de frauder les droits d'un tiers porteur en prévoyant de lui soustraire conventionnellement son gage par un acte volontairement fautif de l'armateur, inéluctablement condamnable et sans couverture d'assurance possible.

De plus, le texte de la lettre d'indemnité vise bien le cas d'une situation normale de retard dans l'acheminement du connaissement. Il n'est pas question que le retard puisse être dû à un blocage volontaire par le vendeur qui n'a pas été payé.

Enfin les arbitres constatent que si la cause immédiate du retard est le refus de l'armateur de livrer la marchandise, la cause originelle réside dans le fait que l'affréteur n'avait pas payé son vendeur et qu'il est mal venu de reprocher à l'armateur sa réticence à livrer, les conventions devant être exécutées de bonne foi.

En conclusion les arbitres ont décidé que la clause concernée ne pouvait être invoquée dans le cas d'espèce, ce qui aurait pour effet de légitimer une fraude aux droits d'un tiers. Ils ont déclaré que l'armateur n'était pas responsable du retard du navire causé par son refus de permettre le déchargement, et ont condamné l'affréteur à lui payer les surestaries qu'il réclamait.

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