À l’invitation de l’équipe SPLOTT
Quoique gérés par des autorités municipales concurrentes, ces deux ports n’en forment qu’un, d’un point de vue morphologique. Et pas n’importe lequel: le premier port du monde occidental avec plus de 15,7 MEVP en 2007 (− 8 % en 2008). Et premier port américain dont l’hinterland s’étend jusqu’à la côte Est.
L’explosion de leurs trafics (entre 1980 et 2007, ils ont été multipliés par 14) n’a pas été sans entraîner des réactions hostiles de la part des 18 millions d’habitants qui vivent à proximité. Une étude de 2002 a en effet montré que 12 % des émissions de particules fines, 9 % des NOX et 45 % des SOX avaient pour origine l’activité portuaire. Au sentiment pro-environnement d’un grand nombre de Californiens, se sont donc ajoutées des menaces directes sur leur santé. Les autorités portuaires californiennes et plus généralement l’ensemble des ports américains regroupés au sein de l’AAPA, ont donc pris conscience que cela n’allait pas durer encore longtemps sur ce modèle, d’autant, ajoute Jacques Charlier, que tous leurs projets d’extension en mer (les capacités d’agrandissement à terre étant saturées) étaient systématiquement rejetés.
La préservation de l’environnement est hors concurrence
Les autorités portuaires municipales ont donc décidé d’agir de concert sur toutes les questions d’environnement en définissant un plan d’actions: le San Pedro Bay Ports Clean Air Action Plan (SPBPCAAP). Tous les ports américains ont suivi la même démarche et ont élu à la tête de l’AAPA, Geraldine Knatz, docteur en biologie (Ph. D) et master en sciences environnementales, devenue directrice générale du Port de Los Angeles en mars 1999. La mission que LB-LA se sont donnée est claire: promouvoir la « croissance verte » et se réconcilier avec les habitants.
La feuille de route de la SPBPCAAP résulte d’une étude menée en 2006 sur les origines des émissions nocives: la filière portuaire représente 12 % des particules fines en suspension dans l’air: 59 % viennent des navires de mer; 14 % des engins de manutention; 11 % des navires de servitude; et 10 % des camions affectés à la desserte portuaire et aux positionnements locaux. 36 % des NOX « portuaires » ont pour origine les navires de mer; 26 %, les camions; 13 %, les navires de servitude et autant les locomotives; 12 %, les engins de manutention. Pour les SOX, 90 % viennent des navires de mer et 6 % de unités de servitude.
Tout y passe ou presque
Ces constatations faites, le rouleau compresseur californien s’est mis en route: en deçà des 40 nautiques, les navires faisant route vers LB-LA doivent ralentir et utiliser un fuel appauvri en soufre; le premier remorqueur diesel-électrique-batteries a été livré en janvier 2009; les navires de charge en escales régulières doivent utiliser l’électricité fournie par la terre et non plus leurs groupes électrogènes avec l’exception notable des paquebots, très voraces en énergie. Les navires fluviaux sont également invités à se brancher à terre. Cela dit, « ces mesures sont loin d’être généralisées », nuance Jacques Charlier.
Les tracteurs portuaires sont en cours de renouvellement ainsi que les locomotives de manœuvre dont les démarrages sont nombreux. Un dispositif éteint automatiquement le moteur d’une locomotive qui est restée immobile plus de 15 minutes.
Pour limiter la surpollution liée à l’encombrement des routes, une politique très volontariste en faveur du ferroviaire a été mise en œuvre, même si tout le trafic, tant s’en faut, ne peut quitter la route.
Les pré et post-acheminements routiers en Californie sont principalement réalisés par des artisans rarement capables de financer le remplacement de leur vieux tracteur. LB et LA ont donc mis en place un fonds d’aide à la modernisation de la flotte, alimenté par des « clean trucks fees » de 70 $/40′ et de 35 $/20′. Une mesure que financent tous les chargeurs, californiens ou non. De plus, seuls les tracteurs « propres », c’est-à-dire moins polluants, peuvent accéder aux terminaux portuaires.
L’organisation des mises à quai a été revue: pour éviter les longues files d’attente aux portes, chaque tractionnaire prend rendez-vous avec le terminal pour livrer ou charger un conteneur. L’idée d’élargir les horaires d’ouverture des terminaux s’est révélée peu concluante car le camion attendait alors devant l’entrepôt fermé du chargeur ou du réceptionnaire.
Un réseau compliqué de terminaux ferroviaires reliés ou non aux voies des quais, est en cours d’achèvement afin à la fois de limiter le trafic routier et faciliter l’évacuation des boîtes vers l’intérieur des États-Unis. Tout ceci à un coût difficile à estimer et nécessite la multiplication d’agences locales de développement.
« Ce qui est unique dans le cas des ports californiens et en particulier ceux de la baie de San Pedro, est que toutes les politiques de développement portuaire durable sont l’épine dorsale des politiques métropolitaines en matière de développement durable. Le but du SPBPCAAP est de préserver le statut de porte d’entrée principale des États-Unis pour le commerce avec l’Asie, tout en préservant la qualité de vie des habitants tout au long des corridors de transport unissant ces ports à leur arrière-pays », conclut Jacques Charlier.
Systèmes Productifs, Logistique, Organisation des Transports et Travail