Michel Babkine, représentant du Secrétariat général (SG) de la mer, a donc ouvert le bal, le 5 mars, en présentant les différentes instructions et décret qui ont créé une organisation « globale en cas d’accident majeur ». Une organisation qui est présentée comme étant maintenant cohérente entre la mer et la terre. En mer, depuis quelques années déjà, le préfet maritime coordonne les différents moyens nautiques des administrations. À terre, les choses étaient plus nuancées. Elles ont été clarifiées maintenant, si l’on en croit Michel Babkine: le préfet de département coordonne les moyens disponibles et en cas de pollution étendue, le préfet de zone harmonise les décisions des préfets de département.
Mais la « principale innovation de ces dernières années » réside dans la mise en place des zones de refuge, a estimé le représentant du SG mer. Dispositif résultant de l’errance en Méditerranée durant plusieurs semaines du Castor et de ses 29 500 t d’essence sans plomb.
Obligation de l’OMI ou directive européenne, peu importe, l’État côtier reste souverain dans sa décision d’accueillir ou non, un navire en graves difficultés dans une zone abritée, a rappelé Michel Babkine. En d’autres termes, l’errance du Prestige peut se reproduire demain avec, probablement, les mêmes conséquences. La situation s’est cependant nettement améliorée car « l’autorité compétente espagnole est bien identifiée », a assuré le représentant du SG Mer. Elle ne l’était pas bien en avril 2008, si l’on en juge par la réponse du préfet maritime de l’Atlantique interrogé à ce sujet (JMM du 11/4/2008; p. 12). D’où l’importance de mener des exercices en commun avec les États côtiers voisins, a souligné Michel Babkine.
Faire du citoyen un acteur majeur de la sécurité civile
La « nouvelle » doctrine de l’Organisation de la Réponse de SEcurité Civile (ORSEC) a été présentée par Philippe Estiez représentant la direction de la sécurité civile. Elle est définie dans la loi du 13 août 2004 et le décret de septembre 2005 et remplace le plan ORganisation des SECours de 1952. Schématiquement, le principe d’un plan par type de catastrophe a été abandonné au profit d’un système à deux étages: un tronc commun de mesures quelle que soit la catastrophe et une partie spécifique par catégorie de risques.
L’un des quatre grands objectifs de la loi dite de modernisation de la sécurité civile d’août 2008 est de « faire du citoyen un acteur majeur de la sécurité civile », a souligné Philippe Estiez. Sa présentation se terminant ainsi « Et vous, êtes-vous prêt? ».
Le citoyen est très probablement prêt à lire les RetEX, les retours d’expérience des exercices de simulation d’accident que mènent les préfectures maritimes pour peu que ces derniers soient rendus publics. Le citoyen est probablement intéressé à connaître les mesures prises pour corriger les dysfonctionnements identifiés dans la chaîne de commandement comme, par exemple, le lancinant problème de non-comptabilité des fréquences de communication des différents services opérationnels.
Total fait toujours du vetting
Pierre Karsenti, représentant Total, a expliqué tout le bien que l’on pouvait penser de la procédure de vetting telle que définie par l’OCIMF, Oil Companies International Marine Forum; structure qui fut créée en 1970 à la suite de l’échouement du Torrey-Canyon en 1967.
Cette démarche volontaire des utilisateurs de navires pétroliers vient d’un constat simple, a rappelé Pierre Karsenti: tous les navires gravement accidentés avaient un seul point commun, ils avaient des certificats réglementaires à jour.
« Le système n’est pas parfait mais pragmatique », a-t-il conclu.
À la suite du jugement de janvier 2008 du tribunal de grande instance de Paris selon lequel à cause de son vetting détaillé de l’Erika, Total SA a, « de fait », exercé un pouvoir de contrôle sur le navire, le groupe pratique-t-il encore le vetting et si oui, ce dernier a-t-il été ou non juridiquement délocalisé dans une lointaine contrée? « Oui, Total continue à faire du vetting. Et la direction de cette activité se trouve toujours à Paris », répondait Pierre Karsenti non sans avoir rappelé que le jugement était en appel. Lors d’une conversation officieuse, il devait ajouter que pour des groupes de l’importance de celui de Total, il n’y avait rien à gagner à se cacher. En termes financiers, il est plus rentable de faire du vetting plutôt que de l’arrêter.
Une constatation commence cependant à inquiéter Total et probablement ses homologues. En effet, Intertanko note depuis 2005 une remontée des déversements accidentels. Avec le renouvellement de la flotte, le problème de structures fatiguées est passé au second plan. Et celui de la compétence des équipages au premier plan. L’abordage spectaculaire mais peu médiatisée du VLCC Samco-Europe (affrété à temps par le groupe Total) par le MSC-Prestige en est l’illustration (JMM du 23/1; p. 25). Pour tenter de réduire le risque « équipage » les inspecteurs des compagnies pétrolières chargés du vetting font des audits au siège des gestionnaires de navires. Ils vérifient en particulier les temps de navigation des officiers, la longueur de leur expérience au pétrole et la durée de leur engagement chez leur employeur. Plus compliqué, ils « exigent » que le commandant et le second ne soient pas des nouveaux venus en même temps sur le même navire. Idéalement, l’un ou l’autre doit avoir une antériorité d’au moins six mois sur le pétrolier afin de minimiser les risques. Plus facile à demander qu’à obtenir en temps de la pénurie mondiale d’officiers expérimentés. Mais depuis quelques mois, l’est-elle encore bien réelle, la pénurie?