Le 18 février, l’équivalent américain du Bureau enquêtes accidents de mer, le NTSB a diffusé ses conclusions relatives aux causes de cette collision qui a tué plus de 2 500 oiseaux d’une cinquantaine d’espèces différentes et contaminé près de 40 km de côtes.
Trois facteurs constituent la cause probable de l’accident. Sont cités dans cet ordre: « une performance cognitive dégradée du pilote résultant de la prise de médicaments aux effets secondaires importants. Le manque d’une préparation détaillée des manœuvres à venir tant de la part du pilote que de celle du commandant ainsi que le manque de communication réelle entre les deux. Une surveillance inopérante de la part du commandant de la prestation du pilote et de la route suivie par le navire ».
Toujours selon le BEA américain, ont contribué à la collision: le gestionnaire du navire, Fleet Management Ltd, qui n’a pas formé et entraîné correctement l’équipage avant l’accident. De plus, il n’avait pas pris la précaution de vérifier que l’équipage comprenait et respectait le système de gestion de la sécurité à bord. Enfin, la Garde côtière américaine n’a pas été en mesure d’exercer un contrôle efficace de l’état de santé du pilote. « Compte tenu de l’état de santé du pilote, la Garde côtière aurait dû lui retirer sa licence. Mais cela n’a pas été le cas. Le pilote aurait dû faire un effort pour préparer une présentation significative de la manœuvre à l’attention du commandant mais il ne l’a pas fait. Le commandant aurait dû prendre une part plus active pour assurer la sécurité de son navire, mais il ne l’a pas fait », souligne le président du NTSB, Mark V. Rosenker, ajoutant qu’ « il y a eu de si nombreux manquements dans cette affaire que l’accident est apparu inévitable ».
La Garde côtière en prend pour son grade
Compte tenu de ses constatations, le NTSB émet huit recommandations dont cinq sont adressées à la Garde côtière. Elle est donc « invitée » à demander à l’OMI que soient examinées les conséquences des différences culturelles et linguistiques sur la gestion des ressources (humaines) à la passerelle.
La Garde côtière devra revoir sa politique de façon à ce que le service du trafic maritime (VTS) identifie, lors de ses communications radio, le navire et non pas seulement le pilote. Elle devra préciser aux opérateurs des VTS quand ils doivent exercer leur autorité à diriger ou contrôler la route suivie par un navire. Elle devra exiger de chaque navigant qu’il l’informe de tout changement significatif de son état de santé et dans sa prise de médicaments. Elle s’assurera que les stations de pilotage placées sous son autorité échangent leurs données relatives à la sécurité et à leurs performances ainsi que sur les meilleures pratiques.
Le gestionnaire du navire est « invité » à vérifier que tout nouveau navigant connaît bien les procédures de sécurité applicables et celles d’exploitation du navire. Il veillera également à fournir des manuels de gestion de la sécurité rédigés dans la langage de travail de l’équipage. Enfin, le NTSB recommande à l’Association américaine des pilotes de rappeler à ses membres l’importance d’un échange réel entre le pilote et le commandant et de les encourager à inclure le commandant dans toutes les discussions relatives à la navigation.
Le rapport complet sera disponible ultérieurement sur le site http://ntsb.gov/events/Boardmeeting.htm.
La prochaine fois sera la bonne
Le 7 novembre 2007 vers 8 h. locales, par une visibilité inférieure à 400 m, le porte-conteneurs Cosco-Busan, de 275 m, immatriculé à Hong-Kong quitte le port d’Oakland pour la Corée du Sud. Le pilote (60 ans dont 27 de pilotage) de la baie de San Francisco prévoit de passer entre les piles D et € du pont. Mais il dirige le navire droit sur la pile D. Le choc frontal est évité mais la muraille bâbord frotte sur les grosses défenses qui protègent la pile. S’en suit une déchirure de près de 65 m. Deux cuves à combustibles sont percées ainsi qu’un ballast. 220 m3 de fioul lourd partent à l’eau. 40 km de côtes polluées, 2 500 oiseaux morts. Le communiqué du NSTB ajoute que le navire a subi un dommage de $2 M; le pont, de $1,5 m et les frais de dépollution ont dépassé les $ 70 M.
« Comment un homme qui prend une demi-douzaine de médicaments à effets cognitifs peut-il se retrouver à la passerelle d’un navire de 68 000 tjb pour le guider à travers un épais brouillard en passant sous un pont très fréquenté? » s’interroge le président du National Transportation Safety Board. « Cela est très troublant et pose de nombreuses questions sur le suivi médical des navigants » (américains), ajoute-t-il. Grâce à internet, on découvre que cette affaire a également jeté un trouble sur le fonctionnement de la Garde côtière locale. Très vite, celle-ci explique devant les télévisions que tout l’équipage a subi, moins de deux heures après l’accident, un test de détection d’usage de produits psychotropes et d’alcool, sauf le pilote… qui a été examiné plus de 26 h après. Devant le trouble des journalistes, la Garde côtière revient un peu plus tard pour expliquer que ceux qui « communiquaient » n’avaient été totalement informés de la réalité des événements: le pilote avait correctement subi les tests sur une vedette des gardes côtes dans les délais réglementaires. Tout était bien « nominal ». Ce que n’est pas la première fois que le pont est « secoué ». En 1996, le Cape-Mohican y avait laissé de 40 000 gallons de fioul lourd.