« Quand une grande compagnie de transport de conteneurs maritimes facture entre l’Asie et l’Europe un conteneur à 500 € et que le même conteneur, entre l’Europe et les Antilles, est facturé 2 500 €, je veux comprendre », a déclaré Yves Jégo, Secrétaire d’État chargé de l’Outre-Mer peu avant 9 h, le 16 janvier au micro de France-Inter. Cette déclaration faisait suite à une question d’un auditeur relative aux raisons pouvant expliquer un différentiel de prix sur un paquet de pâtes de 80 %.
Contacté, le service de communication de CMA CGM a répondu ainsi: « Comme vous le savez on ne peut pas comparer les tarifs sur ces deux marchés, qui sont structurellement différents en termes de volumes, de taille des navires déployés, d’équilibre logistique et de productivité.
Les économies d’échelle ne sont clairement pas comparables ».
Il n’est pas impensable que la direction générale de la compagnie fournisse des explications plus étayées par ailleurs.
Indépendamment de ces explications, Yves Jégo a déjà été confronté à des manifestations contre la vie chère, à la Réunion par exemple. Et une nouvelle fois, s’est posé la question du coût de transport depuis la métropole (JMM du 28 novembre, p. 23). Grâce au service de presse du secrétaire d’État à l’Outre-mer, la préfecture de St-Denis de la Réunion nous a transmis le rapport intermédiaire sur « l’approche des coûts de la chaîne logistique à l’import ». Rapport examiné en préfecture en mai dans le cadre de l’Observatoire des prix et des revenus mis en place le 13 juillet 2007 conformément à une loi de décembre 2000.
La CCI de la Réunion, mandatée par la préfecture, s’est intéressée aux coûts de transport de marchandises conteneurisées en porte-à-porte, avec Le Havre comme port d’embarquement. Sans doute pressée par le temps, la CCIR a interrogé les acteurs de la grande distribution, du transport routier de marchandises, et de la communauté portuaire. La Douane et l’Équipement ont également été entendus.
49 % pour le maritime; 32 % à la Réunion
Schématiquement et en ordre de grandeur, les coûts logistiques en métropole représentent 19 % du total (11 % pour le pré-acheminement de la boîte; et 8 % pour le transit portuaire); le transport maritime, 49 %; et le solde, c’est-à-dire 32 %, est généré à la Réunion: 14 % passage portuaire, 9 % post-acheminement; et 9 % de coûts « entreprise réunion ». Cette synthèse ne se retrouve pas exactement dans le tableau récapitulatif (voir tableau p. 15). Il prend en compte les coûts hors fiscalité locale qui dépendent du type de produit et de son origine. L’octroi de mer, la taxe additionnelle d’octroi de mer et autre surtaxe ne sont pas comptés.
Avec moins d’un an de décalage, les commentaires de la CCIR prennent un relief particulier: « trois postes sont amenés à augmenter dans le futur et ce en raison de plusieurs facteurs issus du contexte international:
– une flotte mondiale insuffisante au vu de la demande de fret, notamment celle de la Chine;
– engorgement de certains ports;
– montée vertigineuse des prix du pétrole entraînant de facto des surcharges fuel sur les différents modes de transport ».
Au 1er mai, selon Hapag-Lloyd un 20′ entre l’Extrême-Orient et l’Europe sera facturé $1 000 all in + THC et, dans l’autre sens, $ 250 all in + THC (voir notre article p. 10). CMA CGM et les autres pourraient faire œuvre de pédagogie et expliquer au secrétaire d’État, comme à la CCIR, que le transport de ligne régulière n’est pas proportionnel à la distance parcourue.
Ces constatations faites, l’impact sur le panier de la ménagère, seul objet d’intérêt, est finalement indiqué par un tableau, non commenté, établi par les Douanes.
En maritime, un litre d’huile de tournesol passe de 1,073 € valeur FOB, à 1,221 en CAF pour arriver à 1,483 € droits et taxes acquittés; soit un « coefficient de surcoût » de 1,38 entre les deux valeurs extrêmes. Pour les biscottes, le coefficient est de 1,70. Et pour les madeleines, il est de 1,41. Les ratio CAF/FOB pour quatre produits alimentaires de consommation courante sont comparables entre La Réunion et l’Île Maurice.
Pour conclure, l’étude suggère pour réduire les coûts d’approche de s’approvisionner localement, par exemple à Madagascar pour les fruits et légumes. En mai dernier, cela pouvait apparaître comme judicieux, aujourd’hui cela est bien moins sûr.
L’Afrique du Sud pourrait être également une solution, non évoquée. Mais si le prix du transport de ligne n’est pas proportionnel à la distance, cela veut également dire que ce n’est pas en achetant plus près que l’on ferra nécessairement des économies sur le fret maritime.
Après l’observation, quelle action?
Le 15 mai, le préfet de la Réunion a rappelé que Yves Jégo « exigeait que sur la base de ces rapports (ceux réalisés par l’Observatoire; ndlr) on passe de l’observation à l’action ». En septembre, pour la première fois de mémoire de Réunionnais, plus de 300 patrons défilaient dans les rues de St-Denis pour réclamer le maintient en l’état des niches fiscales. À la mi-novembre, les transporteurs routiers bloquaient les routes pour réclamer et obtenir une baisse significative du prix du gazole qui est fixé par la préfecture. Il était déjà question d’établir toute la transparence sur la formation des prix.
Les coûts de passage portuaire dans les Dom-Tom
Dans son désir de comprendre la formation des coûts de transport, Yves Jégo pourrait demander à ses services de s’intéresser aux prix du passage portuaire dans les Dom-Tom. À la demande des autorités portuaire antillaises, réunionnaise et de Tahiti, une étude qui date de 2002-2003, dresse un constat qui ne fut facilement évoqué en place publique. D’ailleurs, pourquoi se limiter aux Dom-Tom?
L’Observatoire métropolitain des coûts portuaires allié au Conseil supérieur de la marine marchande pourrait utilement renseigner les chargeurs sur le suivi économétrique de l’actuelle réforme portuaire (JMM du 13/2; p. 24)