Piraterie: la solution est à terre

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Se tenant au Havre début décembre, la 4ème édition des assises ne pouvait faire l’impasse sur la piraterie surtout depuis qu’elle vise les navires marchands transitant au large de l’Afrique de l’Est et non plus « simplement » les cargos du programme alimentaire mondial (PAM).L’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la Marine (CEMM) faisait office de « grand » témoin. Un grand témoin au langage direct. Les Marines nationales dont les bâtiments sont dépêchés dans le golfe d’Aden agissent comme des pompiers lorsqu’éclate un incendie, a-t-il rappelé mais les origines de l’incendie n’entrent pas dans leur champ de compétence. Lors d’une rencontre récente avec ses homologues américains, ces derniers lui ont expliqué qu’ils travaillaient sur les circuits financiers qui retraitent les rançons versées pour libérer les navires et leurs équipages. Les actes malveillants commis dans le détroit de Malacca ont beaucoup diminué lorsque les États riverains ont réellement « nettoyé » de façon coordonnée leurs nombreuses îles qui servaient de bases terrestres, a rappelé l’amiral Rolin (2S) conseiller naval du groupe Thales. Le problème de la Somalie est que le littoral n’est pas géré, a-t-il souligné après avoir noté que lorsque les “pirates” s’attaquaient aux petits caboteurs qui parcouraient la zone, cela n’avait pas déclenché une émotion particulière en Europe.

Il n’y a pas d’interlocuteur responsable et crédible à terre en Somalie, a regretté l’amiral Forrisier. En leur temps les tribunaux islamistes avaient, à leur manière, réglé le problème de la piraterie mais cette solution n’est peut-être pas optimale. Lors du débat avec les participants, Nicolas Terrasier (ex-responsable d’Isemar) a expliqué qu’il était en Somalie en 1994-95 pour s’occuper de l’acheminement terrestre de l’aide alimentaire. Les convois étaient régulièrement attaqués et pillés. Ces attaques cessèrent lorsque l’on « organisa » ces milices en ONG chargées de la protection des dits convois.

Le CEMM reprit la balle au bond en rappelant que les « pirates » s’autoproclament garde-côtes chargés de la protection des ressources halieutiques. Il « suffirait » donc de les « convaincre » d’être réellement au service de leur littoral d’autant que les montants des rançons qui leur sont attribuées, doivent être, selon toute vraisemblance, assez modestes. À la limite, ils pourraient être aidés par des équipes spécialisées aimablement fournies par les États développés mais cela échappe à la compétence du CEMM.

Quels sont les intérêts français à protéger?

Avant même que les 27 ministres des Affaires étrangères décident formellement le 8 décembre de lancer la première opération navale de maintien de l’ordre dans la zone, l’opération Atalante, le CEMM a expliqué que l’objectif prioritaire est de protéger les navires participant au PAM. La protection des autres navires transitant par la zone se fera au cas par cas en fonction de leur vulnérabilité à la menace locale et des moyens militaires disponibles.

Dans un premier temps, la mission Atalante doit disposer d’au moins cinq bâtiments sur zone pour être crédible. La France fournira une frégate en permanence et un avion de surveillance de temps à autre. Une grande partie du pari sera de durer. En effet, la mission est prévue pour un an. Les États membres doivent donc mettre à disposition un certain nombre d’unités alors que les budgets sont limités. Actuellement, la Marine nationale conduit une réflexion sur la notion d’intérêts français à protéger. Outre le navire battant pavillon français, convient-il également d’assister un navire sous registre tiers (et non-communautaire) mais de propriété française, voire communautaire? Même question pour une cargaison transportée par un navire « totalement étranger » mais appartenant à des intérêts nationaux comme par exemple un lot de deux millions de barils de brut?

Pour un militaire d’active, cette réflexion a été menée au début des années 80, à l’occasion de la guerre des Malouines opposant Britanniques et Argentins. La doctrine française avait été de protéger tout intérêt national, navire, quel que soit le pavillon, et cargaison « stratégique ». « Les données n’ont pas du beaucoup changé » estime notre source militaire. Ce qui ne va pas sans poser une interrogation annexe. Un armateur qui choisit d’immatriculer un navire aux Bahamas, par exemple pour optimiser son exploitation, refuse par là même de souscrire une sorte d’assurance lui permettant de bénéficier d’une couverture Marine nationale. Revient-il au contribuable de se substituer à cet armateur? « Sans exclure des comportements opportunistes, nous n’avons pas constaté un repavillonement massif » a répondu en substance Eudes Riblier, président d’Armateurs de France. La présence depuis deux ans de bâtiments de la Marine nationale dans le golfe de Guinée illustre une conception extensive de la notion d’intérêts français.

Le code ISPS: un simple retardateur

Comme pour un cambrioleur « ordinaire », l’un des moyens de résistance contre la piraterie de type somalienne (qui n’est pas, à ce jour, agressive envers les équipages) est de retarder sa montée à bord, le temps de permettre l’arrivée d’un hélicoptère, a rappelé le CEMM: « il faut créer du délai ». Plus facile à dire qu’à faire car une attaque dure moins de 15 minutes. Pour le commandant Jagu, représentant de l’Afcan, le code ISPS sert principalement à gagner du temps.Pour l’instant, le risque de piraterie « purement lucrative » fait partie des risques ordinaires et n’entraîne pas de surprime d’assurance, a expliqué Vianney de Chalut, directeur général de Groupama Transport, mais cela pourrait ne pas durer.

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