On ne refait pas l’histoire, mais le bon sens ne peut-il pas contribuer à réparer les erreurs du passé et permettre d’utiliser une situation géographique mal exploitée? L’Espagne et le Maroc l’ont compris. Ces États profitent de la proximité du détroit de Gibraltar, tandis que la Belgique, la France et le Royaume-Uni dispersent leurs efforts dans un essaimage de ports dont certains se développent dans des zones estuairiennes écologiquement sensibles.
Le « channel » qui fait du Royaume-Uni une île, est l’une des voies maritimes les plus fréquentées au monde. Les rivages du Kent et du Nord-Pas- de-Calais sont les plus proches des routes maritimes Nord-Sud. Pourquoi ne pas concentrer les efforts d’aménagement sur ces régions pour réduire le temps de transport maritime? La réduction du temps de navigation induirait une économie appréciable non seulement financière, mais également de carburant, ce qui est bon pour la planète!
Est-ce une utopie? C’est d’abord une question de volonté politique et de clairvoyance économique. L’Union européenne encourage la coopération transfrontalière et invite les opérateurs économiques à réaliser des économies d’énergie.
Le rapport du Parlement européen sur la politique portuaire publié au mois de juillet 2008 préconise une politique européenne en faveur des ports, ayant pour objectifs le renforcement de la compétitivité des transports maritimes et la fourniture de services modernes de haut niveau, lesquels doivent promouvoir les quatre objectifs suivants: « sécurité, rapidité des prestations, faiblesse des coûts, respect de l’environnement ».
Les instruments juridiques existent tant au niveau national que communautaire pour réaliser cette coopération. La récente loi du 4 juillet 2008 sur la réforme portuaire suscite non seulement la coopération entre les ports d’une même façade maritime, mais n’exclut pas la possibilité pour les Grands ports maritimes et leurs filiales d’intervenir dans les autres États membres de l’Union européenne. La liberté de circulation des capitaux et le principe de non-discrimination fondé sur la nationalité facilitent la concrétisation de la coopération transfrontalière.
L’existence d’un grand espace portuaire de part et d’autre du channel est réalisable. N’a-t-on pas un conglomérat portuaire sur le cours de la Seine et de l’Escaut? La territorialité des grandes infrastructures de transport ne doit pas constituer un handicap, ainsi le montrent par exemple les aéroports de Genève-Cointrin et Bâle-Mulhouse.
Une plate-forme portuaire regrouperait des sites bordant le détroit du Pas-de-Calais est parfaitement envisageable, elle pourrait être administrée par un Groupement d’intérêt économique européen (GIEE) chargé de promouvoir et de développer cet ensemble. Chaque entité assurerait l’exploitation et l’aménagement du territoire situé dans sa circonscription.
La mise en œuvre d’un tel projet impliquerait, d’une part, le développement des liaisons fluviales comportant une augmentation du tirant d’air sous les ponts et une extension de la voie d’eau, d’autre part, un renforcement du réseau autoroutier par l’accroissement de sa capacité, et enfin, une amélioration significative des dessertes ferroviaires. Le coût de ces aménagements serait très rapidement compensé par des gains de productivité et par une meilleure réactivité à l’égard des marchés internationaux.
C’est un défi à relever à l’heure où des économies doivent être impérativement réalisées dans tous les domaines et l’écologie, devenue une doctrine incontournable.
À force de parler de la lune, l’homme a fini par y aller, depuis le temps que l’on sait que le « channel » est l’une des plus grandes routes maritimes, exploitons la au mieux, ce n’est pas de la témérité mais du bon sens!