La conteneurisation: l’un des principaux moteurs de la mondialisation

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Diffusé à la mi-juillet en français, le rapport 2008 de l’Organisation mondiale du commerce est un « pavé » de presque 180 pages dont de nombreux passages nécessitent une solide formation économique. Mais en matière de transport, les écrits sont transparents et même étonnants.

« Les principaux moteurs de l’intégration mondiale sont les innovations technologiques, les changements politiques de plus large portée et les politiques économiques. […] Parmi les innovations technologiques, celles qui ont contribué le plus à la mondialisation sont les inventions qui ont accéléré les transports et les communications et ont réduit leur coût. Il s’agit notamment de la mise au point du moteur à réaction généralement utilisé dans l’aviation et de l’adoption de la conteneurisation dans les transports maritimes internationaux. Des investissements massifs dans l’infrastructure routière ont rendu possible le transport par camions d’une grande partie du fret en Europe occidentale et en Amérique du Nord. L’autre changement spectaculaire a été la révolution des technologies de l’information et de la communication. […]. D’autres changements, peu évoqués dans la littérature sur la mondialisation sont intervenus dans les méthodes de production permettant […] de rendre la production plus efficiente (méthode du juste-à-temps ». On cherchera vainement toute référence aux modes de transport ferroviaire ou fluvial. La « démassification » des flux et l’encombrement des routes liés à la méthode du juste-à-temps inventée par Toyota dans les années cinquante, ne sont guère plus mentionnés.

Le transport maritime: ce monde inconnu, obscur

Le chapitre consacré aux coûts du transport dans le monde est surprenant. Après avoir souligné que leur diminution est « particulièrement avantageuse pour le commerce des produits faisant l’objet d’une spécialisation verticale », les auteurs notent « qu’il est extrêmement difficile d’obtenir des données sur l’évolution des coûts de transports. Le problème tient principalement au manque de données mesurant directement ces coûts et à la difficulté de les évaluer indirectement. Cela est dû au fait que les produits échangés et le mode de transport varient dans le temps ».

Toujours est-il qu’en ce qui concerne le transport maritime, trois changements technologiques et institutionnels « importants » en ont réduit le coût: « la libre immatriculation des navires (sous un pavillon de complaisance permettant de contourner les règlements contraignants et d’alléger les coûts de main-d’œuvre), les effets d’échelle liés à l’accroissement des échanges et la conteneurisation. La normalisation des conteneurs permet de recourir au transport multimodal, sans dépotage ni rempotage des conteneurs.

Cependant, on ne dispose d’aucune donnée directe indiquant clairement une tendance à la baisse des coûts du transport maritime. Une étude récente de Hummels montre que l’indice des tarifs des lignes non régulières (utilisées principalement pour le transport de produits de base, au prix du marché spot et sans horaire fixe) affiche une tendance continue à la baisse lorsqu’il est corrigé par le déflateur du PIB des États-Unis mais pas lorsqu’il est corrigé par l’indice des prix des marchandises en vrac (indicateur indirect du coût ad valorem du transport). Selon Hummels, cela signifie que « le coût du transport maritime d’une tonne de blé ou de minerai de fer a régulièrement diminué, mais pas le coût de transport d’un dollar de blé ou de minerai de fer ».

De même, les tarifs des lignes maritimes régulières n’ont pas tendance à baisser. L’indice des tarifs pour les importations allemandes, par exemple, indique en fait une augmentation entre 1970 et 1985, qui, d’après certaines données, n’a pas été limitée qu’à l’Allemagne.

« La baisse des coûts résultant de la conteneurisation dans les années soixante-dix a été contrebalancée par l’augmentation des prix du carburant et des redevances portuaires. Mais il y eu d’autres améliorations qualitatives peu visibles qui ont réduit le coût indirect du transport maritime. La plus importante a été la forte diminution des temps de transport due à deux facteurs: premièrement, grâce aux progrès technologiques, les navires sont devenus plus rapides et deuxièmement, l’efficacité accrue des services portuaires, liée principalement à la conteneurisation, a réduit le temps de chargement et déchargement des navires. Compte tenu de ces améliorations qualitatives, le coût du transport maritime a diminué ».

Quelques pages suivantes, il est précisé que « ce sont les coûts du transport vers les lointaines destinations qui ont le plus baissé ».

Le chapitre sur le coût du transport aérien souligne que « le transport aérien est généralement plus pratique que le transport maritime, en particulier pour les expéditions sur les longues distances (Harrigan 2005). Hummels (2007) montre que, dans le transport aérien, le coût marginal du kilomètre additionnel baisse rapidement, d’où l’intérêt de ce mode de transport pour les longs trajets. Le transport aérien est généralement préféré au transport maritime en particulier pour les marchandises dont la ratio poids/valeur est plus faible. Cela tient notamment à ce que le coût marginal du carburant nécessaire pour transporter 100 kg est plus élevé par avion que par bateau ».

0,8 % par jour de transport

Outre le coût du transport, l’OMC cherche également à estimer le coût de la variabilité des délais de livraison. « D’après des estimations directes de l’équivalent tarifaire des délais, chaque jour de transit équivaut à un droit de 0,8 %. Si la durée du transport est de 20 j (durée moyenne pour les importations aux États-Unis), cela représente un taux de droit de 16 %, ce qui est beaucoup plus que le taux de droit moyen effectif. A l’aide de modèles de gravité, des études récentes ont montré qu’une augmentation de 10 % du délai d’exportation réduit les échanges de 5 à 25 % selon le secteur et la destination ».

La cerise sur le gâteau

Parmi les freins au développement de la mondialisation, le rapport cite les politiques gouvernementales et les réglementations qui entravent la fourniture d’infrastructures et de services correspondants et aggravent la situation. « Cette observation peut, bien entendu, s’appliquer aux pays à revenu élevé, intermédiaire ou faible ». Ainsi, « le droit des navires étrangers de transporter des marchandises et des passagers peut être soumis à de sévères restrictions ». Cela devrait ravir les États-Unis qui maintiennent contre vents et marées le Jones Act instituant le monopole de construction, d’équipage et d’immatriculation pour la cabotage national.

Autre exemple: l’absence de politique de la concurrence peut favoriser le développement des comportements anticoncurrentiels dans des secteurs vitaux pour l’économie. « Selon Fink et al. (2002), il existe, dans le secteur des transports maritimes réguliers, des ententes sur les prix qui augmentent les frais de transport ». Ce qui semble assez contradictoire avec la baisse des coûts du transport maritime décrite dans le même rapport, quelques dizaines de pages avant.

La mondialisation est peut-être une chose trop sérieuse pour être confiée à la seule OMC.

professeur d’économie à Purdue University, David L. Hummels a présenté ses travaux dans un article intitulé « Transportation costs and international trade in the second era of globablisation » publié par le Journal of Economic Perspectives.

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