L’Assemblée nationale (AN) a ainsi apaisé les craintes exprimées par Philippe Louis-Dreyfus qui ne comprenait pas bien le principe selon lequel un navire, en cas de pollution, peut se voir infliger une amende proportionnelle à sa valeur et à quatre fois celle de la cargaison transportée (JMM du 20/6; p. 6). Ainsi dans le tardif projet de transposition de la directive 2005/35, ce principe disparaît-il comme l’explique le député Alain Gest, rapporteur de la Commission des affaires économiques chargé d’étudier le dossier. Il souligne dans la séance du 25 juin qu’en premier lieu, le dispositif proposé conduit à faire du régime français de répression des pollutions marines, le plus sévère d’Europe. Les amendes pénales seront multipliées par quinze, allant jusqu’à 15 Md€ dans le cas le plus grave de gazage intentionnel. Les peines carcérales pourront atteindre (…) les dix années d’emprisonnement. Cette architecture pénale devrait être dissuasive. Par comparaison, en Espagne qui est pourtant (…) le pays le plus strict, la loi ne prévoit qu’un maximum de 3 M€ d’amende et les sanctions carcérales ne dépassent jamais six années.
En second lieu, il est suggéré de mettre un terme au système de calcul des amendes en proportion de la valeur du navire et de la cargaison. En effet, ces dispositions nous sont apparues éminemment insatisfaisantes. D’une part, parce qu’elles aboutissent à un maximum théorique supérieur, pour certains cas, à 10 Md€ (…), ce qui ne paraît pas très sérieux. D’autre part, parce que nous savons tous que les marées noires sont provoquées par des bateaux poubelles qui transportent des déchets sans valeur. Pour ceux-là, l’amende encourue serait d’un faible niveau alors qu’elle serait très forte à l’encontre d’un navire moderne bien entretenu chargé d’un fret peu polluant mais de grande valeur. (…)
Mieux vaut donner aux amendes prévues une valeur claire, établie et laisser le juge les moduler suivant son appréciation souveraine du cas d’espèce. Je tiens à rappeler, pour mémoire, que l’amende pénale n’est pas l’indemnité de réparation civile, qu’elle a une fin de sanction et non de remise en état du littoral, et qu’il n’est donc pas logique de fonder son montant sur des données variables.
Enfin, la commission et moi-même proposons d’instaurer l’égalité devant la justice pour tous les navires qu’ils soient français ou étrangers. Le droit actuel, comme la version du projet issue du Sénat, emprisonne en effet plus volontiers si le pavillon est français que si le navire arbore les couleurs étrangères, fussent-elles de complaisance. Il faut dire que la convention de Montego Bay sur le droit de la mer pose sur ce point une impunité presque totale au bénéfice des navires étrangers.
(…) Il faut abroger ces dispositions discriminatoires dont souffre le pavillon français. (…) les infractions identiques doivent être réprimées par des sanctions identiques et ne pas varier en fonction de la nationalité du fautif. (…) »
De 50 000 € à 15 M€ d’amende et 10 ans de prison
En conséquence de quoi, l’AN a adopté plusieurs amendements renforcement l’importance des amendes.
Ainsi l’art. L. 218-11 prévoit-il une amende de 50 000 € pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire jugé coupable d’un rejet de substance polluante en infraction aux dispositions des règles 15 et 34 de l’annexe I (contrôles de rejets d’hydrocarbures) ou de la règle 13 de l’annexe II (contrôles des résidus de substances liquides nocives transportées en vrac) de la convention Marpol. En cas de récidive, les peines encourues sont portées à un an d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.
Pour le capitaine ou le responsable d’un navire-citerne quelle que soit sa jauge ou sa puissance, d’un navire de plus de 150 kW installés, ou de l’exploitation d’une plate-forme, les peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et 15 M€.
D’une manière générale, les amendes et les peines d’emprisonnement varient selon le type d’infractions à la convention Marpol: règle 7 de l’annexe III (jet à la mer de substances nuisibles en colis), sept ans d’emprisonnement et 700 000 €; règle 3, 4 et 5 de l’annexe V (rejets d’ordure), un an d’emprisonnement et 100 000 €.
Les peines sont alourdies lorsqu’elles sont pour origine directe ou indirecte soit la violation « manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée qui exposait l’environnement à un risque d’une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer ».
Compte tenu des modifications apportées au texte adopté par le Sénat, une commission mixte AN Sénat devra se réunir pour trouver un consensus acceptable par les deux chambres, tout cela en procédure d’urgence et avant les vacances.